L’évaluation aux Archives cantonales vaudoises

Analyse des pratiques et développement d’outils de travail

Simone Visconti

À travers l’analyse de l’évaluation aux Archives cantonales vaudoises, cet article questionne le lien entre production théorique et pratique. L’évaluation des ACV est d’abord replacée dans un contexte archivistique plus large, théorique, normatif et méthodologique. Des éléments problématiques sont questionnés, tels que la répartition des rôles dans l’évaluation entre archivistes (valeur historique) et représentants de l’administration (valeur juridico-administrative). La deuxième partie de l’article se concentre sur la pratique de l’évaluation aux ACV et souligne un manque de « transparence » malgré les efforts consentis pour rendre le processus décisionnel moins aléatoire. L’article se termine avec la présentation d’outils de travail destinés à améliorer la visibilité et la réflexivité de l’évaluation.

Am Beispiel von Überlieferungsbildung und Bewertung im Staatsarchiv des Kantons Waadt untersucht dieser Artikel die Verbindung zwischen theoretischer Literatur und Praxis. Die Bewertung in den ACV wird zunächst in einen breiteren archivischen, theoretischen, normativen und methodologischen Kontext gestellt. Problematische Elemente werden hinterfragt, wie etwa die Rollenverteilung bei der Bewertung zwischen Archivaren (historischer Wert) und Vertretern der Verwaltung (juristisch-administrativer Wert). Der zweite Teil des Artikels konzentriert sich auf die Bewertungspraxis in den ACV und weist auf einen Mangel an «Transparenz» hin, trotz der Bemühungen, den Entscheidungsprozess weniger zufällig zu gestalten. Der Artikel schliesst mit der Vorstellung von Arbeitsinstrumenten, die die Sichtbarkeit und Reflexivität, d.h. die Reflexion über Bewertung und die Selbstwahrnehmung des eigenen Handelns, verbessern sollen.

This article examines the link between theoretical literature and practice using the example of the appraisal process in the State Archives of the Canton of Vaud (ACV). The evaluation in the ACV is first placed in a broader archival, theoretical, normative and methodological context. Problematic elements are scrutinised, such as the division of roles in appraisal between archivists (historical value) and representatives of the administration (legal-administrative value). The second part of the article focuses on appraisal practice in the ACV and points to a lack of «transparency», despite efforts to make the decision-making process less random. The article concludes with the presentation of working tools designed to improve visibility and reflexivity, i.e. reflection on the process of selection and appraisal.

Introduction

« De toutes les tâches incombant aux archivistes, l’évaluation est celle qui a le plus de répercussions socio-culturelles, politiques et économiques. De leur pouvoir d’appréciation dépend l’image que se feront les générations à venir de la société dans laquelle nous vivons. Or la transmission de ce patrimoine contribue en même temps à la cohésion des ressources, fixant ainsi le cadre stratégique du travail archivistique. »

Association des archivistes suisses (VSA-AAS) groupe de travail « Evaluation »

En archivistique, la question de l’évaluation est à la fois centrale et problématique, tant au niveau théorique que pratique, au sein de nombreux centres d’archives. Cette activité est souvent conduite loin des approches théoriques et des directives méthodologiques. Elle est souvent basée sur l’intuition ou la stratification d’expériences pratiques qui se transmettent sans être documentées. Cet aspect à la fois central et problématique de la profession a stimulé ma curiosité. J’ai décidé d’entreprendre une étude sur l’évaluation au sein des Archives cantonales vaudoises (ACV) afin de mesurer le lien entre production théorique et pratiques.

Au sein des ACV, j’ai été en contact avec différents archivistes et j’ai eu la possibilité de participer à deux matinées d’échantillonnage et de tri qualitatif aux archives judiciaires des Tribunaux d’Yverdon et de Nyon avec François Falconet, adjoint à la direction et responsable de la gestion des archives judiciaires aux ACV. J’ai également abordé la question de l’évaluation avec l’archiviste Pascal Morisod, responsable de l’évaluation aux ACV et membre du groupe Evaluation de l’AAS.1 A travers ces échanges, l’objectif de mon essai s’est précisé, à savoir mener une étude des directives et des pratiques aux ACV, en comparaison avec d’autres contextes archivistiques tels que les Archives fédérales suisses (AFS), et créer des outils de travail utiles aux ACV.

J’ai décidé d’analyser en parallèle la théorie avec un survol de la littérature scientifique, les textes de lois, les directives, ainsi que les instruments méthodologiques des ACV, des AFS, des Archives nationales (France) et du Conseil International des Archives (CIA), pour élaborer deux outils de travail à soumettre aux ACV.

Les premiers chapitres soulèvent les questionnements de base (Pourquoi évaluer ? Qui évalue et comment ?) et proposent une synthèse de la théorie. Ils sont suivis de l’analyse des points problématiques des ACV. L’entier de cette réflexion permet l’élaboration des outils de travail présentés dans le dernier chapitre.

Pourquoi évaluer ?

La question de l’évaluation renvoie à une tâche centrale, et apparemment simple, du travail archivistique, à savoir la sélection des documents qui méritent une conservation à long terme,2 qui présentent une « valeur archivistique ».3 Un travail de tri qui s’avère indispensable - dans une société qui connaît une augmentation de la production documentaire exponentielle4 tant dans le secteur public que privé - pour garantir la qualité des documents conservés et leur intelligibilité future.5

En conséquence, l’évaluation doit veiller à être rigoureuse pour éviter des sélections « partisanes »,6 elle doit faire preuve de scientificité.7 Comme le souligne Stefan Boller, il s’agit de professionnaliser cette opération afin de la rendre systématique, scientifique et transparente.8

Ici se situent les défis et les difficultés majeures de cette opération, car elle ne saurait se réduire à une action routinière. Elle touche aux fondements du métier, aux objectifs stratégiques et au rôle que les archives doivent et aspirent à assumer au sein de la société. Un rôle démocratique qui consiste à récolter et conserver une documentation authentique, de qualité et capable de renseigner sur les mécanismes et les activités essentielles de l’Etat, et plus largement sur l’évolution de la société.9 Un rôle actif et non passif qui fait des archives les promoteurs de la construction et de la transmission de la mémoire individuelle et collective, comme en attestent divers articles de lois et plus en général la communauté professionnelle internationale.10 Seul un travail méthodique et complet d’évaluation peut garantir l’accomplissement de ces objectifs ambitieux. Il en va de la légitimité et de la crédibilité du métier, qui peut s’appuyer sur une reconnaissance légale et une expérience professionnelle solide, mais qui doit aussi faire preuve d’une vision stratégique globale et d’un fort degré de réflexivité.11 Le travail d’évaluation, par nature, oblige à ce travail et à un dialogue constant et souvent difficile entre les points de vue différents des producteurs d’archives et de la demande sociale.

La professionnalisation de l’évaluation, en d’autres termes, implique un passage obligé par la réflexion théorique, l’analyse des pratiques, l’élaboration d’un concept général et la formalisation de ce dernier en des critères adaptés à l’activité concrète et une méthode de travail.

Tour d’horizon théorique

La discussion théorique sur l’évaluation est récente, elle date de la deuxième moitié du 20e siècle. Elle est consécutive à la professionnalisation des archivistes, et donc la mise en place de formations théoriques, et surtout à une tension entre l’émergence d’une « société de conservation »12 et la croissance de la masse documentaire qui pose des problèmes de conservation.13

Il existe, à l’heure actuelle, plusieurs approches et théories sur l’évaluation,14 élaborées dans différents pays du monde, en particulier au Canada, aux Etats-Unis, en Australie et en Allemagne (moins dans l’espace latin européen).15 Au-delà des différences et des particularités locales, toutes les théories, et d’autant plus les pratiques, visent à articuler et parfois à hiérarchiser les trois aspects fondamentaux que sont le producteur, l’utilisateur et la société.16 Elles cherchent à se positionner entre deux pôles, allant de la macro- (société, producteur) à la micro- (contenu) évaluation.

La micro-évaluation donne priorité à l’analyse des documents, selon l’école « diplomatique », souvent à l’aide de listes qui les classent par typologies. Une démarche très répandue, mais souvent critiquée à cause de la masse trop importante de documents à analyser.

La macro-évaluation, dont fait partie l’analyse fonctionnelle théorisée surtout par Terry Cook (1992), essaie d’établir l’importance documentaire en replaçant les documents au sein des fonctions du producteur, et son impact sur la société. Une théorie enrichie par plusieurs travaux successifs qui a fait école, mais qui comporte des points problématiques. Son influence, souvent indirecte, est certaine, en Suisse et ailleurs.17

L’apport de Théodore Schellenberg (1956) à la question de l’évaluation, doit être soulignée. La vision de l’archiviste américain reste une référence majeure pour l’archivistique,18 malgré les critiques. L’analyse de Schellenberg sur les deux valeurs des documents donne la priorité à l’utilisateur, ce dernier définissant les besoins et donc la valeur administrative, d’une part, et scientifique, patrimoniale et historique, d’autre part.

Toujours dans le contexte de la macro-évaluation, il faut mentionner les travaux de Hans Booms (1972), qui a contribué à la théorie de la Documentation Strategy américaine et du Macroappraisal canadien. Hans Booms propose de mettre la priorité non sur les producteurs, mais sur la société, et il invite à établir des plans de documentation à travers l’analyse des éléments essentiels, les événements et développements de la société à partir surtout d’une analyse de l’opinion publique.19

Pour conclure, il faut encore citer la contribution allemande,  Überlieferungsbildung im Verbund  de Robert Kretzschmar (1998). Ce dernier souligne l’impossibilité, pour les archives, de constituer une documentation capable de donner une image complète de la société. Les archives doivent néanmoins poursuivre cet objectif et, pour y parvenir, il recommande un double travail d’inventorisation de ce que les archives possèdent, et des thèmes plus importants en histoire contemporaine pour une meilleure vue d’ensemble et surtout pour établir une stratégie en réseau avec d’autres archives.20

Ce petit tour d’horizon théorique ne vise pas l’exhaustivité, mais l’identification des questionnements et des défis les plus importants de l’évaluation. Ainsi, il sera possible de les mettre en perspective avec les pratiques et de voir de quelle manière les approches théoriques peuvent aider la pratique.

Qui évalue et comment ?

4.1 La répartition des rôles et des sphères de compétences aux AFS et aux ACV

La loi fédérale sur l’archivage définit un cadre idéal dans lequel les Archives fédérales (AFS) « décident, d’entente avec les services mentionnés à l’art. 1, al. 1, de la valeur archivistique des documents ».21 Dans la pratique, une certaine répartition des rôles et des tâches d’évaluation est définie : les unités administratives ont le devoir d’établir la valeur juridico-administrative des documents, et les archives la valeur historique et sociale.22 Cette répartition des tâches se reflète dans un processus en deux temps distincts d’évaluation, le premier par l’administration et le deuxième par les archives. Les AFS, dans leur concept général d’évaluation, précisent qu’elles ont la responsabilité de vérifier aussi la première évaluation administrative, tout comme les services administratifs intègrent déjà des critères socio-historiques dans leur première évaluation. L’ensemble du processus est donc pensé comme le résultat d’un effort complémentaire et plutôt qu’une division rigide des sphères de compétences.23 Un effort de collaboration qui laisse toutefois transparaître la volonté des archives d’être considérées comme seules garantes de l’ensemble du processus et donc de la décision finale, qui revient dans les faits à la direction des AFS.24

Dans le cadre des ACV, la situation est assez semblable. La loi sur l’archivage dans le Canton de Vaud prévoit également la collaboration dans l’exercice de l’évaluation et attribue clairement aux ACV la responsabilité de la décision finale.25 Les Directives et règles à usage interne de l’Etat (DRUIDE) préconisent une répartition des compétences lors de l’évaluation, juridico-administratives de l’autorité et historico-scientifiques des ACV.26 Cette division des rôles de l’évaluation est parfois rappelée et évoquée dans les calendriers de conservation.27

Il s’agira dans le chapitre 4 de questionner les difficultés et les limites de cette répartition des rôles lors de l’évaluation.

4.2 Documents officiels et pratiques aux ACV

Dans un processus d’évaluation, qui se veut cohérent et scientifique, il importe de distinguer plusieurs niveaux : le concept d’évaluation, qui définit le cadre général, puis les critères et les méthodes, qui doivent permettre la mise en pratique du concept général.28 Cette structuration de l’évaluation a été mise en place par les AFS qui disposent d’un concept général d’évaluation, élaboré en 2003 et redéfinit en 2010, dans lequel on trouve l’exposé des principes fondamentaux, des stratégies, des méthodes ainsi que des critères censés définir et orienter la pratique d’évaluation.

Aux ACV, l’évaluation n’est pas définie à l’intérieur d’un document programmatique. Le DRUIDE, établi par l’ancien directeur Gilbert Coutaz (1995-2019), joue en quelque sorte le rôle de cadre de référence pour l’évaluation. Il évoque les critères et les outils pour la mise en pratique de l’évaluation, mais il reste certes moins précis et explicite que le document des AFS.

L’évaluation, selon les ACV, suit le principe de la répartition des rôles évoqués dans le chapitre précédent. Elle se base sur une liste de critères, non exhaustifs et non structurés, ainsi que sur une série d’exemples, des documents ayant une valeur archivistique évoqués dans le DRUIDE, et de manière plus générale dans le Recueil des règles de conservation des documents de gestion (calendrier de conservation) qui donne une liste qui se veut exhaustive de recommandations sur la durée de vie des documents de gestion de l’administration publique.29 Le calendrier de conservation est un instrument central de la politique d’évaluation, qui permet de fixer, en collaboration avec les unités administratives, les durées d'utilité administratives ou légales (DUA-L) et les sorts finaux.

Sa mise en place est définie dans le DRUIDE. A l’état actuel, 80 calendriers de conservation sont en vigueur.

L’évaluation aux ACV : les points sensibles

5.1 L’évaluation : une « zone grise »

L’analyse de la documentation - calendriers de conservation et documents administratifs officiels (DRUIDE et Recueil) - ainsi que l’expérience de terrain et les échanges avec les archivistes, permettent de tirer un premier bilan sur la pratique d’évaluation aux ACV. La gestion globale et uniforme de l’ensemble du cycle de vie des documents administratifs est un projet clairement poursuivi par les ACV et s’inscrit dans un renouvellement de l’archivistique, en lien avec les transformations du métier et les défis du monde numérique. Malgré cet effort positif de rationalisation, la place de l’évaluation est délicate car, bien qu’au cœur des pratiques, elle apparaît peu dans les instruments de travail, notamment dans les calendriers de conservation. Il est donc difficile de remonter aux réflexions et aux critères mobilisés lors des prises de décision sur la durée de vie des documents. Le travail d’évaluation s’opère dans une zone grise, non documentée,30 située entre le cadre de référence (DRUIDE-Recueil) et les calendriers qui enregistrent des décisions déjà prises sans spécifier, sauf de très rares exceptions, les motivations du choix entre conservation, sélection et élimination. Les seules exceptions notables sont les quelques documents publiés sur la plateforme d’évaluation de l’AAS,31 même si ces documents sont assez pauvres en termes d’arguments. Il en va de même du Recueil, qui n’explicite pas la réflexion en amont.

Ce manque de transparence a deux conséquences négatives : il encourage d’une part une pratique d’évaluation plus intuitive que réfléchie, ce qui est le cas dans de nombreuses institutions archivistiques32 et qui comporte le risque d’un manque de systématique au moment de l’évaluation, et il limite d’autre part la possibilité d’analyser les pratiques en vue de leur révision et de leur redéfinition.

5.2 La répartition des rôles en question

Un autre aspect délicat concerne la répartition des rôles et des sphères de compétences entre administration et archives. Comme expliqué dans le chapitre 3.2, il est demandé aux deux parties d’établir une expertise : l’administration doit évaluer l’importance juridico-administrative et financière des documents d’un point de vue interne, et les archives la valeur historique et scientifique avec un regard extérieur.

Dans leur concept général, les AFS admettent que lorsque la valeur juridico-administrative est jugée importante, ceci implique automatiquement une grande valeur historique. Il revient donc aux AFS d’évaluer surtout les documents considérés peu importants par l’administration, afin de mesurer leur éventuelle valeur historique.33 Cette différenciation ne tient pas compte à la fois de la pratique et de la nature complexe de l’évaluation, et le chevauchement des jugements. Les archivistes s’intéressent de plus en plus aux mécanismes administratifs et évaluent volontiers - certainement avec des critères internes - l’importance administrative, notamment dans les projets de Records Management, tandis que les responsables de l’autorité administrative se questionnent aussi sur la valeur historique et sociale des documents, au moment d’évaluer leur importance, ce que les AFS admettent ouvertement.

Pourquoi émettre une distinction si nette et précise des rôles, alors que dans la pratique ils se chevauchent ? Existe-t-elle ou devrait-elle vraiment exister ? Devrait-on donc mieux la définir ou la renforcer ?

Se pencher sur l’histoire de la profession permet de répondre en partie à ces questions. Le travail archivistique s’est profondément modifié au 19e siècle, opérant une rupture du lien qui l’unissait à l’administration. L’archiviste, dans le cadre de la création des Etats-Nations, s’est de plus en plus orienté vers l’étude et la collecte d’informations sur le passé du pays, il est devenu historien et souvent spécialiste de l’histoire médiévale.34 Aussi, l’administration a placé l’archiviste à la fin de la chaine documentaire.35 En conséquence, il a perdu son importance dans la gestion courante de l’administration. A l’archiviste incombait la tâche de gérer les documents historiques et ceux qui lui étaient progressivement remis par l’Etat. Son rôle s’est progressivement amplifié au cours du 20e siècle, suite au renouvellement du métier et pour faire face aux nouveaux défis, l’arrivée du numérique, l’explosion de la production documentaire qui demandait une rationalisation de l’information, ainsi que des demandes sociales de transparence et d’accès aux documents étatiques. Ces besoins ont permis une redéfinition et une revalorisation des archives, ainsi qu’un rapprochement des archives et de l’administration. De ce long parcours résulte une transformation et surtout un enrichissement du métier. L’archiviste est appelé à répondre à de multiples missions et rôles, tant administratif, culturel que scientifique.36 La professionnalisation récente a permis d’émanciper l’archiviste de son rôle subalterne envers l’ensemble de l’administration et la discipline historique.37

Cette évolution, avec ses stratifications de rôles et de missions, si elle a mené aujourd’hui à une plus grande maîtrise et conscience professionnelle, comporte encore certains nœuds liés à son caractère hétéroclite. La question de l’évaluation, qui touche le cœur de cette profession, met donc en lumière les tensions qui la traversent, notamment la nécessité d’un savoir et d’un savoir-faire professionnel autonome.38

Si l’archiviste n’est pas un historien, il doit pouvoir évaluer la valeur historique des documents ; s’il n’est pas un gestionnaire, il doit de plus en plus comprendre les mécanismes de l’administration pour y apporter son expertise. Il faut dès lors revenir sur cette prétendue séparation des rôles dans le cadre de l’évaluation, et comprendre mieux comment la définir, voir la redéfinir. Ne met-elle pas en lumières des séparations désuètes ? Au nom de quelle expertise doit-on attribuer la compétence et la responsabilité de l’évaluation à l’archiviste ?

Au lieu de séparer l’évaluation en deux temps théoriquement distincts (juridico-administratif versus historico-scientifique),39 il faut mettre en avant les aspects communs, insister sur le fait que l’évaluation pose à tous les décideurs impliqués la même question fondamentale, à savoir l’établissement de liens - importants ou non - entre le contenu des documents et leur contexte de production, comme le rappelle Stefan Doom,40 voir un contexte plus large, social, culturel et politique. En d’autres termes, la question du choix de conservation nécessite de définir si un document mérite d’être gardé à long terme au nom d’une valeur, d’un sens qui implique une inévitable interprétation qui s’inscrit dans un présent précis et non pas liée à des critères objectifs et durables.41 Les textes sont indissociablement inscrits dans un système de relations avec des contextes variés, un ensemble de relations indispensables à toute interprétation, mais destinés à se perdre et se modifier dans le temps. La question de la valeur juridico-administrative ou historico-sociale renvoie non tant à deux expertises différentes, mais à des nuances de significations face à la même problématique et à l’intérieur d’un même questionnement.

A partir de ce premier constat central, on peut aborder avec plus de simplicité, peut-être même de sérénité, le travail d’évaluation et ses défis. Admettre premièrement que la définition de la prétendue valeur historique est une formule qui mérite d’être revue, car il est impossible aujourd’hui, même pour les professionnels de l’histoire, de définir les besoins et les évolutions de la discipline dans le futur, et par conséquent de conserver la documentation actuelle en prévision des futurs travaux d’histoire ou d’autres branches scientifiques.42 La valeur historique n’est un véritable critère que pour le présent, lorsqu’il faut évaluer des documents plus ou moins anciens et les rendre accessibles dans l’immédiat pour la recherche. Au lieu de « valeur historique », il faut réfléchir en termes d’intérêt sociétal. Autrement dit, il faut partir des besoins et des sensibilités du présent, assumer la subjectivité et partialité des choix au nom d’un encrage fort de l’archiviste dans la société, à définir et réfléchir en permanence, comme l’évoquent les théories de Boom et de Kretzschmar. La recherche historique doit être considérée non comme une valeur à projeter sur les documents, mais comme une demande sociale que l’archiviste doit prendre en compte à l’intérieur d’une évaluation plus large et complexe.

Quelle expertise apporte donc l’archiviste dans cette opération, qu’est-ce qui le caractérise ?

A la lumière de ces réflexions, deux aspects essentiels peuvent être mis en avant. Premièrement, l’archiviste doit assumer les rôles et les missions qui lui sont demandés et qu’il se donne et en tenir compte dans son travail d’évaluation. Celui-ci doit refléter le point de vue d’un médiateur,43 et non celui d’un expert scientifique, capable d’articuler trois besoins essentiels : les besoins de son institution et ses enjeux (les problèmes matériels et techniques de conservation, leurs coûts), les besoins administratifs de l’Etat, et les besoins du public.44 Sa crédibilité et son succès tiennent à sa capacité à mélanger et doser ces trois ingrédients plutôt que la possession d’une recette toute faite. Comme indique le Manuel sur l’évaluation du CIA, dans l’évaluation « il existe de nombreuses options et le choix « correct » dépend des circonstances et des besoins de chaque organisme ».45

Deuxièmement, l’archiviste doit travailler en toute transparence. Cet élément est central dans l’évaluation. Il est une marque de professionnalisme pour ses partenaires, ses collègues et surtout pour le public du présent et du futur. La transparence de ses choix permet, plus que tous les critères de sélection, une transmission claire du patrimoine documentaire qu’il contribue à construire, et ce point devrait faire l’objet d’une plus grande sensibilisation.

Au vu des pratiques d’évaluation aux ACV, mon travail s’est focalisé sur cet aspect, à savoir rendre l’évaluation plus transparente et plus structurée à travers des outils concrets, en complément des documents officiels existants.

Des outils de travail pour l’évaluation aux ACV

Afin de rendre l’évaluation plus transparente, j’ai fait une sélection de travaux théoriques sur l’évaluation. J’ai aussi analysé, étudié et mis en perspective la documentation des ACV avec des instruments de travail d’autres institutions, en particulier le concept général d’évaluation des AFS, le Cadre méthodologique pour l'évaluation, la sélection et l'échantillonnage des archives publiques établi par la Délégation Interministérielle aux Archives de France,46 la Check-list du groupe d’évaluation de l’Association suisse des archivistes (AAS) et le Manuel sur l’évaluation du Comité sur l’Evaluation du Conseil International des Archives (CIA). Ce travail de comparaison m’a permis d’identifier les points communs entre les critères et les pratiques des ACV et ceux d’autres institutions et pays. J’ai ainsi pu organiser, structurer et enrichir les critères d’évaluation des ACV, formulés dans le DRUIDE, dans le but d’une utilisation plus systématique et transparente.

6.1 La grille d’évaluation

La grille d’évaluation (annexe 1) a été pensée comme un outil de travail pour guider et aider la prise de décision. Elle reprend les critères d’évaluation des ACV (DRUIDE) à l’intérieur d’un cadre plus organisé, dans lequel sont regroupés les domaines essentiels que l’archiviste doit articuler, à savoir l’analyse fonctionnelle, la qualité informationnelle, les enjeux d’archivage, l’importance administrative et sociétale. La grille laisse donc une grande marge de manœuvre à la prise de décision. L’archiviste doit peser les divers niveaux d’importance, ou « points d’attention »47 sans aucune logique hiérarchique,48 ceci afin d’éviter les divisions de rôles entre archives et administration, comme discuté au chapitre 4. La grille doit au contraire faciliter la collaboration et la discussion avec les services producteurs.

Une attention particulière dans l’élaboration de la grille a été portée à un point d’équilibre entre exhaustivité et synthèse. Les exemples qui ont servi de modèles, ceux des AFS, le Cadre méthodologique français, et celui de la CIA sont certes plus riches, élaborés et précis au niveau des détails et des points traités, mais ne proposent pas d’outils de synthèse. Les tableaux de ces documents sont limités à la question des critères (AFS), ou alors trop riches de détails (Cadre méthodologique), donc moins pratiques pour un usage courant. Comme le rappelle Lydiane Gueit-Montchal, « la mise en place d’outils pratiques fait partie des attentes des archivistes de terrain ».49

Porteuse d’une vision d’ensemble claire et synthétique, la grille permet à l’archiviste de prendre en compte de manière systématique les différents critères pour une maîtrise des enjeux décisionnels.50 Aussi, la grille appelle une vision globale de l’évaluation, qui doit prendre en compte les éléments à la fois de la macro et de la micro-évaluation (analyse des fonctions du producteur d’archives, importance sociétale et qualité du contenu).

La grille doit stimuler le questionnement quant aux enjeux de la conservation. Elle a été pensée comme une première étape pour mieux communiquer et échanger sur cette question à l’intérieur et l’extérieur de la profession. Elle sera valide et opérationnelle jusqu’à l’élaboration d’un véritable concept général d’évaluation au ACV qui viendra enrichir ou redéfinir ce premier instrument.

6.2  Le référentiel SVE (Sélection, Versement, Elimination)

Le référentiel de Sélection, Versement, Elimination (SVE) pour les calendriers de conservation (annexe 2) est le deuxième outil concret que j’ai développé dans le cadre de cette étude aux ACV.

Il s’agit d’un instrument complémentaire de la grille qui doit rendre transparente la décision finale dans les calendriers de conservation.

Le référentiel est un document qui reprend les critères d’évaluation de manière plus synthétique que la grille, pour être le plus fonctionnel possible. Pour ce faire, seuls douze critères, les plus significatifs et généraux, ont été retenus. Ils sont divisés en quatre domaines clés de l’évaluation : aspects matériels et coûts, qualité informationnelle, importance administrative et importance sociétale/scientifique. Les critères sont organisés dans une suite numérotée, des codes qui serviront à justifier le sort final des documents dans les calendriers de conservation, ou référentiels de conservation (logiciel Archiclass).

Table 1. Critères et domaines d’évaluation.

Aspects matériels et coûts

Importance informationnelle/ qualité

Importance administrative

Importance sociétale/ recherche

Enjeux d’archivage

Analyse du contenu (micro-évaluation)

Valeur primaire, macro-évaluation, importance du contexte de production (principe de provenance)

Valeur secondaire, macro-évaluation, importance du contexte social

Code 1

Code 2

Code 3

Code 4

Comme pour la grille, il s’agit de permettre une vision d’ensemble des réflexions les plus importantes de l’évaluation, qu’on retrouve dans les théories et les documents méthodologiques, et en même temps d’encourager le croisement des critères et des perspectives, afin d’être au plus proche de la réalité complexe de l’archivage et de ses missions.

La grille et les codes du référentiel doivent permettre de schématiser et rendre plus transparentes des opérations intellectuelles complexes à l’intérieur d’une série de combinaisons types qui mélangent les critères et les domaines d’importance évoqués dans le tableau 1.

Dans l’idéal, l’archivage intégral d’un ensemble documentaire devrait se faire au vu d’une grande importance à la fois du contenu, de sa valeur administrative et sociale (code 2+3+4). Une telle importance s’imposerait sans problème face aux enjeux d’archivage et justifierait ses coûts (code 1). Toujours dans cette version idéale, l’élimination devrait se faire au nom d’une absence évidente d’importance (code 2+3+4), ce qui rendrait la conservation inutile au vu de ses coûts (code 1).

La réalité est bien plus complexe. Elle est faite de doutes liés à la difficulté d’appliquer facilement et objectivement les critères. L’évaluation doit s’appuyer sur plusieurs variables. Dans la pratique, il faut établir quels critères sont les plus convaincants afin de choisir au mieux, c’est-à-dire au plus près du modèle idéal. Face à des documents qui ont une importance administrative moyenne (code 2) par exemple, peut-il y avoir une valeur sociétale (code 4) ou informationnelle (code 2) qui justifierait les coûts (code 1) ? Ou au contraire, face à une valeur administrative assez élevée (code 3) mais une valeur sociétale peu évidente (code 4) et une faible valeur qualitative (code 2), la prise en charge des coûts et du volume (code 1) se justifie-t-elle ?

Des compromis devront être faits à travers la sélection, le tri et l’échantillonnage. Par exemple, dans le contexte des archives de la justice pénale, au vu d’un volume documentaire et des coûts d’archivages trop importants (code 1), malgré une importance administrative et surtout sociétale assez évidente (code 4) et face à des documents qui ont un certain degré d’homogénéité (code 2.2), au-delà de la diversité et la singularité des cas, un échantillonnage se justifie. Au moment d’enregistrer cette décision finale dans le calendrier de conservation, ou dans un document officiel (bordereau), ce cheminement intellectuel pourra être rendu plus transparent.

Table 2. Exemple d’usage du référentiel.

Type de document

Sort final

Code

Explication

Dossiers judiciaires

Sélection échantillonnage + tri qualitatif

SVE 1.2 + 2.2 + 4

Au vu d’un nombre trop volumineux de documents, mais compte tenu de leur importance sociétale (et pour la recherche) et en considérant la nature relativement sérielle des documents, le choix a été pris d’opérer une sélection à travers l’échantillonnage et un tri qualitatif

Conclusions

Le travail d’évaluation est une tâche centrale et délicate dont l’importance est largement reconnue au sein de la profession. Mon travail a tenté de développer des solutions concrètes pour viser une démarche plus transparente et structurée. L’analyse des outils conceptuels et méthodologiques de plusieurs institutions ainsi que la littérature scientifique sur le sujet, m’ont permis d’identifier les éléments fondamentaux de l’évaluation et de réaliser que l’élaboration d’instruments pratiques et relativement simples est une tâche réaliste et réalisable. Les outils proposés nécessitent une phase de tests pour mesurer leur efficacité, notamment dans les situations concrètes et complexes, qui permettra de probables ajustements.

Les instruments développés dans le cadre de ce travail gardent une nature provisoire, en attendant que les ACV mènent une réflexion globale sur l’évaluation pour définir des axes stratégiques et méthodologiques forts, élaborer des instruments de travail complexes, et établir un échange plus important avec les autres institutions et acteurs (locaux, cantonaux et fédéraux) en matière de politique d’évaluation et de conservation, pour affronter les défis de demain.

Bibliographie

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Délégation interministérielle aux Archives de France, Cadre méthodologique pour l’évaluation, la sélection et l’échantillonnage des archives publiques, 2014.

Doom, Vincent, « L'évaluation scientifique des archives, principes et stratégies. Du melon au diamant », in La Gazette des archives, n°202, 2006

Gueit-Montchal, Lydiane, « Les « archives essentielles » : de la collecte généraliste à la macro-évaluation ? », La Gazette des archives n°255, 2019, pp. 179-189.

Kretzschmar, Robert, « Multiperspektivische Überlieferungsbildung in Archiven. Ziele und Methoden » in: Siebenmorgen, Harald (éd.), Überlieferungskultur. Wie viel Vergangenheit braucht die Gegenwart? Wie viel Gegenwart braucht die Zukunft? Karlsruhe 2010, pp. 123-139.

Lacombe, Christian, « Les principes directeurs de l’évaluation archivistique en question », Archives n°1, 2012-2013, pp. 35-43.

Meissen, Anna Pia, « «We are what we keep»: L’évaluation archivistique comme discipline clé », Arbido n°4, 2009.

Mellifluo, Laure, Evaluation des archives : en théorie et en pratique aux Archives communales de la Ville de Carouge, Carouge, 7 juillet 2008.

Rousseau, Jean-Yves ; Couture, Carole et al. (éds.), Les fonctions de l’archivistique contemporaine, Le Ville de Québec 1999.

Schellenberg, Theodore R. « The appraisal of modern records », Bulletins of the National Archives no 8, 1956, pp. 5-46.

Annexe 1

Table 3. Grille d’évaluation

Points d'attention/critères

Commentaires/Questions

Analyse des fonctions/ missions du producteur en lien avec les documents/

dossiers

Identification (producteur – public ou privé)

Les documents sont-ils produits directement par le producteur (leader ou non) ?

Fonctions/missions du producteur

Identifier les fonctions et les missions principales du producteur

Niveau hiérarchique (responsabilité décisionnelle)

Quelle est l’importance du producteur au sein de l’institution, ou dans l’accomplissement de ses fonctions/missions ?

Répartition des compétences/liens avec d’autres producteurs

Lors de l’élaboration des documents, le producteur partage-t-il des responsabilités et des décisions avec d’autres producteurs (Ville/Canton/Confédération) ?

Qualité informationnelle des dossiers/

documents

Dates extrêmes

Données importantes pour une première hypothèse sur l’hétérogénéité des documents et du contexte

Qualité

Accès à l’information : existe-t-il des outils d'accès ?

Information compréhensible, complète ?

S’agit-il de documents sériels ou singuliers ?

Originaux ou copies ?

Homogénéité / hétérogénéité

Quel est le degré d’homogénéité ou d’hétérogénéité des documents ? La réponse va avoir un poids déterminant en cas de sélection et d’échantillonnage

Aspects matériels et coûts

Types de documents (supports)

Variété des supports (s’il s’agit uniquement de photographies ou de documents audiovisuels, faut-il les verser dans d’autres institutions ?)

Volume (nombre ou métrage linéaire)

Quel est le volume des documents à évaluer ?

Etat de conservation

Etat sanitaire des documents : sont-ils atteints de bactéries, champignons, moisissures, parasites ? Nécessitent-ils un assainissement ?

Nécessitent-ils des opérations de restauration ?

Etat de classement

Dossiers en vrac ou ordonnés ?

Coûts

Estimations des coûts de : transports, inventorisation conditionnement, restauration, migrations de documents électroniques, etc.

Importance

pour la

gestion

(Contexte de production)

Légale

Sécurité du droit

Les documents peuvent-ils être utilisés comme preuve dans une procédure juridique ?

Administrative

Traçabilité de l’action du producteur dans l’exercice de ses fonctions/missions

Financière

Importance du budget

Traçabilité de l’activité commerciale

Importance sociétale

(contexte social, politique et culturel)

Intérêt sociétal

Les documents sont-ils porteurs d'un intérêt public spécifique ?

Les documents sont-ils en lien avec des grands thèmes de l’actualité ? Touchent-ils des thèmes controversés ?

Les documents renseignent-ils sur le développement et les changements de la société ?

Intérêt pour la recherche

Les documents ont un intérêt pour la recherche scientifique, ses développements actuels ?

Annexe 2 - Référentiel SVE (Sélection, Versement, Elimination) pour les calendriers de conservation

SVE 1 Aspects matériels et coûts

SVE 1.1 Etat de conservation

SVE 1.2 Volume

SVE 1.3 Coûts

SVE 2 Importance informationnelle

SVE 2.1 Qualité (accessible, compréhensible, complète)

SVE 2.2 Homogénéité (documents sériels, standardisés)

SVE 2.3 Hétérogénéité (documents uniques, rares, peu standardisés)

SVE 3 Importance juridico-administrative-financière

SVE 3.1 Importance légale

SVE 3.2 Importance administrative

SVE 3.3 Importance financière

SVE 3.4 Fonctions/missions (producteur leader - non leader)

SVE 4 Importance sociétale/recherche

SVE 4.3 Intérêt sociétal

SVE 4.4 Intérêt pour la recherche

Notes

1 Voir la page du groupe de travail dans le site de l’association : https://vsa-aas.ch/fr/association/groupes-de-travail/evaluation/. ↩︎
2 Conseil international des Archives (CIA), Manuel sur l’évaluation, août 2004, p. 2. L’importance de l’évaluation est soulignée aussi dans la législation vaudoise, voir LOI 432.11 sur l'archivage (LArch) du 14 juin 2011, Article 9 : Missions des Archives cantonales vaudoises. ↩︎
3 Selon la Loi fédérale suisse : « Ont une valeur archivistique les documents qui ont une importance juridique ou administrative ou qui ont une grande valeur d’information ». Loi fédérale du 26 juin 1998 sur l'archivage (LAr), 152.1, Art. 2. ↩︎
4 Les archives conservent en moyenne le 10% de l’ensemble de la production documentaire selon Meissen, Anna Pia, « «We are what we keep» : L’évaluation archivistique comme discipline clé », Arbido n°4, 2009, p. 1. ↩︎
5 Ibid. Cette question est évoquée aussi dans la stratégie d’évaluation des Archives fédérales suisses (AFS), Gesamtkonzept für die Bewertung im Bundesarchiv, Bern 2010 : https://www.bar.admin.ch/dam/bar/de/dokumente/konzepte_und_weisungen/gesamtkonzept_2010.pdf.download.pdf/gesamtkonzept_2010.pdf. ↩︎
6 Meissen, «We are what we keep», op. cit ↩︎
7 Voir l’introduction de Becker, Imgard Christa, Archivische Überlieferungsbildung, Archivschule Marburg 2021, pp. 2-8. ↩︎
8 Voir les conclusions de Boller, Stefan, « Die Bewertungsansätze «Macro- appraisal» und «Überlieferungsbildung im Verbund» und ihre Relevanz für die Bewertung in schweizerischen Archiven », in: Coutaz, Gilbert ; Knoch-Mund, Gaby ; Reimer, Ulrich (éd.), Informationswissenschaft: Theorie, Methode und Praxis, Travaux du / Arbeiten aus dem Master of Advanced Studies in Archival, Library and Information Science, 2010-2012, Baden 2014, pp. 216-218. ↩︎
9 AFS, Gesamtkonzept, op. cit. Boller, « Die Bewertungsansätze », op. cit. ↩︎
10 Déclaration universelle sur les archives (ICA, Oslo 2010). ↩︎
11 Voir les conclusions de Boller, « Die Bewertungsansätze », op. cit. ↩︎
12 La définition vient de l’historien Pierre Nora, cité dans Doom, Vincent, « L'évaluation scientifique des archives, principes et stratégies. Du melon au diamant », La Gazette des archives n°202, 2006, p. 11. ↩︎
13 Pour un aperçu général de l’histoire de l’archivistique, voir Rousseau, Jean-Yves ; Couture, Carole et al. (éds.), Les fondements de la discipline archivistique, Ville de Québec 2008. Pour une histoire de l’évaluation, avec un focus sur l’Allemagne, voir surtout Buchholz, Matthias, Archivische Überlieferungsbildung im Spiegel von Bewertungsdiskussion und Repräsentativität, Köln 2011. ↩︎
14 La CIA identifie cinq approches fondamentales dans son Manuel sur l’évaluation. ↩︎
15 Doom, « L'évaluation scientifique des archives », op. cit., p. 10. ↩︎
16 Ibid., p. 13. ↩︎
17 Boller, « Die Bewertungsansätze », op. cit. ↩︎
18 La théorie des deux valeurs est reprise dans l’ouvrage fondamental de Rousseau ; Couture et al. (éds.), Les fondements, op. cit. ↩︎
19 Pour une synthèse de la théorie de Boom, sa réception et son importance voir Boller, « Die Bewertungsansätze », op. cit. ↩︎
20 Ibid., voir aussi Becker, Archivische Überlieferungsbildung, op. cit. ↩︎
21 Loi fédérale du 26 juin 1998 sur l'archivage (LAr), 152.1, Art. 7 alinéa 1. ↩︎
23 AFS, Gesamtkonzept, op.cit., p. 5, 12, 15. ↩︎
24 Ibid., p. 15. ↩︎
25 Coutaz, Gilbert ; Gillieron, Christian, Loi sur l’archivage. Contexte, règlement d’application et lois connexes, Chavannes-près-Renens 2012, p. 25. ↩︎
26 Archives cantonales vaudoises (ACV), Directives et règles à usage interne de l’Etat (DRUIDE), 1997-2014, p. 19. ↩︎
27 À titre d’exemple, le calendrier de conservation du Secrétariat général du Grand Conseil (SGC) précise : « La durée de conservation de chaque type de document a été déterminée en dernier lieu par le SGC, en fonction des besoins de sa gestion, et le sort final fixé par les ACV, en considération de l’intérêt historique des documents ». in SGC, Calendrier de conservation, 12.12.2016, p. 2. ↩︎
28 Becker, Archivische Überlieferungsbildung, op. cit. ↩︎
29 ACV, Recueil des règles de conservation des documents de gestion (calendrier de conservation), 2006. ↩︎
30 Ce constat peut être généralisé à d’autres pays, voir Becker, Archivische Überlieferungsbildung, op. cit. ↩︎
32 Cet aspect est souligné par Boller, « Die Bewertungsansätze », op. cit. ↩︎
33 AFS, Gesamtkonzept, op.cit., pp. 15 et suivantes. ↩︎
34 Rousseau ; Couture et al. (éds.), Les fondements, op. cit., pp. 25 et suivantes. La création des universités et des chaires d‘histoire a joué un rôle central dans la création des identités nationales voir Noiriel, Gérard, Etat, nation et immigration, Paris 2005, p. 137. ↩︎
35 Coutaz, Gilbert, Archives en suisse. Conserver la mémoire à l'ère numérique, Lausanne 2016, p. 91. ↩︎
36 Rousseau, Couture et al. (éds.)., Les fondements, op. cit., pp. 25 et suivantes. ↩︎
37 Coutaz, Archives en suisse, op. cit., pp. 115 et suivantes. ↩︎
38 La problématique est loin d’être une spécificité de cette profession, le travail social a connu un processus semblable, soumise au patronage de la médecine et de la sociologie, il a progressivement affirmé un savoir et une formation autonome dans les années 1960, mais est toujours traversés par des problèmes d’identités, une tension constitutive entre rôle institutionnel et défense des usagers . Voir Vilbrod, Alain (éds.), L’identité incertaine des travailleurs sociaux, Paris 2003, pp. 81-89. ↩︎
39 Cette question fait écho au problème des deux valeurs des documents, primaire et secondaire, ou administrative et historique. Comme souligne Carol Couture, il faut éviter de séparer les deux valeurs en deux moments chronologiques distincts : « Cette simplification présente, d’une part, le document actif ou semi-actif comme un objet étant conservé pour sa valeur primaire qu’on associe au besoin administratif, et, d’autre part – et c’est là que le bât blesse – le document faisant partie des archives définitives comme quelque chose que l’on conserve pour sa valeur secondaire qu’on associe trop souvent à un besoin strictement historique. De là à affirmer que les archives définitives n’ont aucune utilité pour l’administration qui les a produites et qu’en conséquence, elles ne peuvent être utilisées qu’à des fins historiques, il n’y a qu’un pas que plusieurs franchissent allègrement » dans Rousseau, Couture et al. (éds.), Les fondements, op. cit., p. 108. ↩︎
40 Voir le chapitre III de Stefan Doom dans CIA, Manuel sur l’évaluation, août 2004. ↩︎
41 Lacombe, Christian, « Les principes directeurs de l’évaluation archivistique en question », Archives, volume 44, n°1, 2012-2013. Gueit-Montchal, Lydiane, « Les « archives essentielles » : de la collecte généraliste à la macro-évaluation ? », La Gazette des archives n°255, 2019, p. 185. ↩︎
42 Meissen, «We are what we keep», op. cit., Lacombe, « Les principes directeurs de l’évaluation », op. cit., p. 38. ↩︎
43 Coutaz, Archives en suisse, op. cit., p. 21. ↩︎
44 L’importance du public est soulignée par Coutaz, Archives en suisse, op. cit., p. 116 et Rousseau, Couture et al. (éds.), Les fondements, op. cit., p. 107. ↩︎
45 CIA, Manuel sur l’évaluation, op. cit., p. 6. Même conclusion dans le travail de Bachelor de l’HES de Genève de Mellifluo, Laure, Evaluation des archives : en théorie et en pratique aux Archives communales de la Ville de Carouge, Carouge 7 juillet 2008. ↩︎
46 Délégation Interministérielle aux Archives de France, Cadre méthodologique pour l'évaluation, la sélection et l'échantillonnage des archives publiques, juillet 2014. ↩︎
47 Cette expression a été reprise des grilles élaborées dans le Cadre méthodologique pour l'évaluation, la sélection et l'échantillonnage des archives publiques. ↩︎
48 Frank Boles et Julia Marks Young ont proposé un système de critères avec des coefficients de valeur, afin d’identifier les plus importants, établis à travers une analyse des pratiques. Un système qui prétend renforcer la scientificité de l’évaluation. Du fait de son encrage dans des pratiques, il fait probablement ressortir des valeurs inscrites dans la profession, et les critères sont donc largement subjectifs, plutôt qu’objectifs. Voir Mellifluo, Evaluation des archives, op. cit., p. 16-18. ↩︎
49 Gueit-Montchal, « Les archives essentielles », op. cit., p. 187. ↩︎
50 C’est l’objectif principal poursuivi par toutes les approches, les méthodes de l’évaluation, « organiser les informations sur l’univers des « records », de manière à ce que les archivistes disposent des informations suffisantes pour mener à bien une analyse systématique de toutes ces informations et prendre des décisions » voir CIA, Manuel, op. cit., p. 6. ↩︎