La question environnementale s’est invitée dans les débats de la bibliothéconomie au tournant du XXIe siècle. Cette préoccupation nouvelle a pris de l’ampleur en s’inscrivant dans le sillage du mouvement global porté par l’ONU, depuis l’Agenda 21 jusqu’à ses 17 Objectifs de Développement Durable (Agenda 2030). Mais comment ces objectifs globaux se traduisent-ils à échelle institutionnelle et locale ? Comment s’engager concrètement dans une démarche écologique structurée et cohérente ? Quelles initiatives sont envisageables et à quel prix ? Comment surmonter les difficultés et les résistances ? Comment, en somme, encourager et aider les bibliothèques à penser « durable » dans leurs activités et dans leur fonctionnement global ? Pour essayer de répondre à ces interrogations, cet article s’appuie sur l’analyse des réponses aux questions posées dans le cadre d’un questionnaire qui a été adressé à l’ensemble des bibliothèques scolaires vaudoises. L’échantillonnage (66 bibliothèques) est suffisamment important pour être représentatif d’une partie spécifique des bibliothèques en Suisse.
Die Umweltfrage hat sich an der Wende zum 21. Jahrhundert in die Debatten des Bibliothekswesens eingeschlichen. Diese neue Thematik gewann an Bedeutung, da sie im Zuge der globalen, von der UNO getragenen Bewegung, beginnend mit der Agenda 21 bis zu den 17 Zielen für nachhaltige Entwicklung (Agenda 2030), entstanden ist. Doch wie lassen sich diese globalen Ziele auf institutioneller und lokaler Ebene umsetzen? Wie kann man sich konkret für ein strukturiertes und kohärentes ökologisches Vorgehen einsetzen? Welche Initiativen sind denkbar und zu welchem Preis? Wie lassen sich Schwierigkeiten und Widerstände überwinden? Wie können Bibliotheken dazu ermutigt und dabei unterstützt werden, in ihren Aktivitäten und in ihrem gesamten Betrieb «nachhaltig» zu denken? Um diese Fragen ansatzweise zu beantworten, stützt sich dieser Artikel auf die Analyse einer Umfrage, die an alle Waadtländer Schulbibliotheken gesandt wurde. Die Stichprobe von 66 Bibliotheken ist gross genug, um für einen spezifischen Teil der Bibliotheken in der Schweiz repräsentativ zu sein.
At the turn of the twenty-first century, the environment became an issue in library science. This new concern gained momentum in the wake of the global movement spearheaded by the UN, from Agenda 21 to its 17 Sustainable Development Goals (Agenda 2030). But how do these global objectives translate at institutional and local level? How can we make a practical commitment to a structured and coherent ecological approach? What initiatives are possible, and at what cost? How can difficulties and resistance be overcome? In short, how can we encourage and help libraries to think «sustainably» in terms of their activities and overall operations? In an attempt to answer these questions, the author has analysed the responses to a questionnaire sent to all the school libraries in the canton of Vaud. The sample (66 libraries) is large enough to be representative of a specific segment of libraries in Switzerland.
La bibliothèque est un établissement culturel et/ou scientifique qui peut aider la société à faire siens les enjeux de la durabilité : elle peut le faire par l'exemplarité de ses comportements (gestion des ressources, outils numériques, recyclage, conception du bâtiment), dans le cadre de ses missions de médiation (dossiers thématiques, grainothèques, actions culturelles…) et à travers le choix des ressources documentaires qu'elle décide de mettre ou non à disposition du public (collections, rayonnage…)1. La question environnementale s’est invitée dans les débats de la bibliothéconomie au tournant du XXIe siècle. Des articles ont été publiés, des journées d'étude ont été organisées et des groupes d'intérêt sont nés. Cette préoccupation nouvelle a pris de l’ampleur en s’inscrivant dans le sillage du mouvement global porté par l’ONU, depuis l’Agenda 21 jusqu’à ses 17 Objectifs de Développement Durable (Agenda 2030)2. L’Environmental Sustainability and Libraries Section (ENSULIB) a émergé au sein de l’International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA), édictant un référentiel auquel se rapportent aujourd’hui des bibliothèques de tous les pays : les intentions durables vont de la promotion du bien-être de tous au renforcement du partenariat mondial pour le développement durable, en passant par la garantie d’une éducation de qualité ainsi que des mesures en faveur d’une infrastructure résiliente, d’une consommation responsable et de la protection du climat et des écosystèmes3. Mais comment ces objectifs globaux se traduisent-ils à échelle institutionnelle et locale ? Comment s’engager concrètement dans une démarche écologique ? Quelles initiatives sont envisageables et à quel prix ? Comment, en somme, encourager et aider les bibliothèques à penser « durable » dans leurs activités et dans leur fonctionnement global ?
Pour essayer de répondre à ces questions (et d’autres), j’ai choisi de centrer mon étude sur la Suisse qui, ayant ratifié l’Agenda 2030, se trouve tenue de concrétiser les objectifs soutenus par l’IFLA. Je me pencherai en particulier sur le réseau des bibliothèques scolaires vaudoises. Ces établissements sont représentés par la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne (BCUL) au sein de la gouvernance Renouvaud4. L’échantillonnage (66 bibliothèques) est suffisamment important pour être représentatif d’une partie spécifique des bibliothèques romandes. L’un des enjeux de ce travail a été de recueillir et d’approfondir, en collaboration avec les membres du Groupe de travail (GT) Durabilité (DFJC-DEF/ DGEO/BCUL), les bonnes pratiques isolées, mais également de proposer de nouvelles pistes susceptibles d’améliorer les performances de gestion à travers tous les champs d’activités de la bibliothèque scolaire (collections, médiation/éducation, utilisation du bâtiment, responsabilité sociale, outils de veille, dématérialisation des processus…). Pour atteindre ces objectifs, ce travail s’est appuyé en priorité sur la récolte et l’étude des réponses aux questions posées dans le cadre d’un questionnaire qui a été adressé à l’ensemble des bibliothèques scolaires vaudoises. Ce sondage a permis le recensement de l’ensemble des actions menées, mais également d’identifier les difficultés, les résistances et les motivations, d’évaluer enfin ce qui pourrait (ou devrait) être fait pour créer les conditions d’une démarche écologique structurée et cohérente au sein des établissements. L’élaboration d’un catalogue de fiches pratiques (GT Durabilité) est venue soutenir et renforcer le processus participatif engagé à travers le questionnaire.
Penser « durable » et passer au vert sont des objectifs mondiaux dans un contexte de crises environnementales majeur. Le dérèglement climatique et l’érosion de la biodiversité déstabilisent tous les jours un peu plus le fonctionnement de la planète, avec des conséquences écologiques, sociales et climatiques sans précédent. Le positionnent des bibliothèques et des bibliothécaires en faveur de la durabilité est devenu évident avec l’apparition du concept de bibliothèque verte au début des années 19905. Le mouvement des Green Libraries s’engage à rendre les bibliothèques plus durables en réduisant notamment leur impact environnemental sur la planète. Cela passe par la construction de bâtiments plus écologiques, par l’écologisation des installations existantes et, plus généralement, par l’adoption de pratiques favorables à l’environnement, sans oublier le rôle social à jouer dans la sensibilisation des publics au problématiques actuelles de la durabilité6. À cet égard, la multiplication des hors-séries dans la presse spécialisée ainsi que l’intérêt croissant des associations pour la bibliothéconomie durable rendent bien compte du changement des mentalités dans le monde des bibliothèques et des sciences de l’information7.
Au niveau international, le premier pas fut effectué avec l’approbation de la « Déclaration des bibliothèques et du développement durable » lors du 75e anniversaire de l’IFLA (Glasgow, 2002)8 : dès lors, toutes les bibliothèques du réseau devenaient officiellement des promoteurs reconnus du développement durable en garantissant la liberté d'accès à l'information. Afin de formuler des recommandations de bonnes pratiques, l’IFLA créa en 2009 un groupe de travail spécifiquement dédié à la durabilité, l’ENSULIB, dont l’objectif principal était d’aider les bibliothèques à " minimiser l'impact négatif sur l'environnement naturel et maximiser la qualité de l'environnement intérieur grâce au choix judicieux du site, à l'utilisation de matériaux de construction naturels et de produits biodégradables, à la conservation des ressources (eau, énergie, papier) et à l'élimination responsable des déchets (recyclage, etc.) " (ENSULIB, 2016). Mais les bibliothèques vertes se concentrent bien évidemment aussi sur les services aux usagers (activités de médiation, rencontres pédagogiques, mise à disposition de fonds documentaires pertinents et autres projets durables)9. La diversité de ces objectifs se reflète dans les dix-sept objectifs universels de développement durable (dits ODD en français) de l’Agenda 2030, adoptés en 2015 par l’ensemble des Etats membres de l’Organisation des Nations Unies et, en 2016, par l’IFLA et tous ses membres10. Chaque pays est toutefois responsable " de l’élaboration et de la mise en œuvre des stratégies nationales pour atteindre " les ODD11. On peut citer ici, à titre d’exemple, l’Association des bibliothèques de langue allemande qui a mis en place une plate-forme explicitement dédiée à la poursuite des ODD (Biblio2030.de). En France, l’ENSSIB, l’ABF et la BPI ont publié une brochure qui détaille une suite d’actions possibles destinées à faciliter l’inscription des bibliothèques dans une démarche durable. Du côté de la Confédération helvétique, l’Association des Bibliothèques Suisses (Bibliosuisse) a lancé une campagne Biblio2030 qui soutient l’inscription de la durabilité au programme des bibliothèques. Une boîte à outils ODD (padlet) présente et collecte des idées et des bonnes pratiques12. Mais qu’en est-il plus précisément des actions menées en faveur de la durabilité dans les milieux culturels et éducatifs suisses ? Sur quel socle législatif, idéologique, économique et humain les écoles et leurs bibliothèques peuvent-elles s’appuyer pour mettre en pratique des mesures favorables à la durabilité ?
En Suisse, le développement durable fait partie des objectifs de la Confédération. Il est à ce titre inscrit dans la loi. Il est mentionné à plusieurs reprises dans la Constitution (art. 2)13. Bien qu’un programme spécifique d’encouragement pour le développement durable ait été lancé par le Conseil fédéral en 200114, l’exécution des dispositions fédérales incombe aux cantons qui, conformément à l’art. 73, doivent " œuvrer à l’établissement d’un équilibre durable entre la nature, en particulier sa capacité de renouvellement, et son utilisation par l’être humain15. La Constitution du canton de Vaud n’est toutefois guère explicite quant aux dispositions en question16. Si le préambule affirme la volonté de préserver " le berceau des générations à venir ", l’énoncé des buts et principes de l’Etat fait seulement mention d’une suite de principes assimilables au développement durable, sans toutefois se référer directement au concept :
" L’Etat a pour but le bien commun et la cohésion cantonale, l'intégration harmonieuse de chacun au corps social, la préservation des bases physiques de la vie et la conservation durable des ressources naturelles, la sauvegarde des intérêts des générations futures17. "
Dans les faits, la question du développement durable et de son implication dans la gouvernance cantonale relève essentiellement du Bureau de la durabilité (BD) qui est présenté comme " un centre de compétences, de ressources et d’appui pour les services cantonaux. " Sa mission principale est de rendre " visibles les démarches de durabilité de l’Etat de Vaud en travaillant de manière transversale avec les services de l’Etat, mais aussi avec la Confédération et les Communes "18. La tâche est ambitieuse, d’autant que la durabilité reste encore aujourd’hui " intégrée de façon peu coordonnée et partiellement transversale "19 dans les nombreux programmes de soutien jusque-là mis en place. Pour y parvenir, le BD bénéficie de subventions jugées opportunes dès lors qu’elles sont " compatibles avec les objectifs et les critères du développement durable " (Loi sur les subventions, art. 5 alinéa b)20. Le BD doit notamment coordonner la démarche interdépartementale de l'Agenda 2030, conseiller et appuyer les départements et services internes à l’administration cantonale, aux communes, au monde associatif et aux individus. Le spectre est large, mais, pour notre sujet, seul l’action tournée vers les établissements scolaires et leurs bibliothèques retiendra notre attention.
Si le rapport sur la Politique d’appui au développement économique (PADE) 2020-2025 du canton de Vaud fait état d’un " écosystème très intéressant (…) pour mener à bien des projets ambitieux en matière de durabilité ", évoquant notamment l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), la Haute Ecole spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO), l’Agence pour l’innovation du canton de Vaud (Innovaud) ou encore le Centre de compétences en durabilité de l’UNIL créé en avril 2019, il n’est à aucun moment question du rôle possible des établissements scolaires et de leurs bibliothèques. Cette lacune est toutefois trompeuse. L’Etat de Vaud a en effet décidé de placer les liens entre durabilité et apprentissage au cœur de sa politique scolaire, ce dont témoigne notamment le texte introductif de la plateforme durabilité du Département de l’enseignement et de la formation professionnelle (DEF, ancien DFJC) :
" Au même titre que d’autres institutions, l’école se doit de prendre en compte ces enjeux et de préparer les citoyen·nes de demain à imaginer, à penser, à vivre et à agir dans un monde différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. Un monde qui soit à la fois respectueux des limites planétaires et socialement juste. Parce que cette transformation doit être prise en charge par toutes et tous, l’émancipation citoyenne est un pilier essentiel d’une éducation à la durabilité. "
Publié en 2010, le Plan d’études romand met plus directement encore l’accent sur les finalités environnementales de l’enseignement :
" [l’éducation] en vue du développement durable (EDD) poursuit avant tout une finalité citoyenne et intellectuelle : elle contribue à la formation de l’esprit critique en développant la compétence à penser et à comprendre la complexité. L’EDD teinte l’ensemble du projet de formation ; en particulier, elle induit des orientations en Sciences humaines et sociales, en Sciences de la nature et en Formation générale21. "
Malgré cet appel lancé aux enseignants et l’existence du BD, le développement durable a continué de tenir un rôle encore assez mineur dans le réseau des établissements scolaires vaudois (enseignement obligatoire)22. Un certain nombre d’actions en faveur de la durabilité existent néanmoins, mais elles restent méconnues et le plus souvent isolées. Elles relèvent davantage d’initiatives personnelles que d’une volonté d’engagement à l’échelon institutionnel. L’absence de formation spécifique aux enjeux de la durabilité et à ses implications pour l’école et ses bibliothèques ne favorise pas la mise en place des démarches « vertes » structurées. Mais les choses sont en train d’évoluer grâce à l’engagement du Canton qui s’est montré sensible aux préoccupations des jeunes et des enseignant-e-s pour le climat. Par ailleurs, une enquête réalisée en 2020 indique que 90% des directions d’école (sur un total de 93 établissements23) souhaitent renforcer la place de la durabilité dans leur établissement. Le Conseil d’État a donc soumis une demande au Grand Conseil pour obtenir 7 millions de francs (issus du Plan climat) destinés à financer un certain nombre de projets. Cette budgétisation fléchée durabilité a permis à la DFJC de lancer une plateforme en ligne (www.ecolevaudoisedurable.ch)24, d’éditer un guide d’Education à la durabilité à l’attention des enseignant.e.s du canton de Vaud et de soutenir la création d’un CAS Durabilité à la HEP Lausanne (fig. 1). Pour piloter tout cela, une cellule durabilité fut créée au sein du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture (DFJC) en avril 2020, avec pour mission de faire de l’école vaudoise un modèle de durabilité.
La DFJC a en outre lancé un observatoire de la durabilité dans une vingtaine d’établissements de l’enseignement obligatoire, professionnel et gymnasial. Une personne de référence a été nommée dans chaque école, l’objectif étant de faire progressivement évoluer le modèle éducatif en s’appuyant aussi pour cela sur les " savoirs qui permettent de comprendre les causes et les conséquences des phénomènes environnementaux en cours, dans toute leur complexité " (Cesla Amarelle, conseillère d’Etat de 2017 à 2022, DFJC). Ce point est clairement mis en exergue dans le guide d’Education à la durabilité cité plus haut : " l’évolution des contenus et des méthodes d’enseignement, grâce notamment à un meilleur accès aux connaissances scientifiques les plus récentes et à la mise à jour des moyens d’enseignement et d’outils pédagogiques " doit, en préparant des séquences vertes, conduire " les élèves à chercher des pistes pour répondre aux enjeux socio-écologiques " de leur époque. La question du soutien possible des bibliothèques scolaires dans cette tâche, ainsi que de l’implication de ces dernières dans la valorisation des enjeux liés à la durabilité n’est toutefois pas directement évoquée. Elle ne l’est pas davantage dans les Recommandations et normes pour les bibliothèques scolaires (BCUL/ Direction générale de l’enseignement obligatoire DGEO) publiées en 201725. Pourtant, à côté des enseignements, les bibliothèques scolaires sont des institutions clés car elles garantissent en toute transparence l’accès public à l’information, conformément à la cible 16.10 de l’Agenda 2030 de l’ONU26. Véritables outils pédagogiques au service des apprentissages, elles " donnent accès à l’information, aux idées et aux ouvrages d’imagination " et " constituent les portes du savoir, de la pensée et de la culture27. " La Déclaration des bibliothèques et développement durable soutenue par l’IFLA en 2002 vient explicitement rappeler combien cette mission est un élément essentiel du développement durable :
" Les professionnels des bibliothèques et d'information reconnaissent l'importance de l'éducation dans des formes diverses pour tous. La bibliothèque et les services d'information agissent comme 'des ouvertures' sur le monde du savoir et de la culture. Ils fournissent un accès à l'information [et soutiennent] l'épanouissement de la personnalité de toutes les catégories d'âge et la participation active à la société et aux processus décisionnels (…) dans une société de l'information et pour la participation durable dans une démocratie28. "
Au sein des établissements scolaires, le bibliothécaire, à côté de l’enseignant, peut non seulement accompagner les élèves dans l’évolution de leurs pratiques mais aussi leur offrir du soutien et des outils pour aborder les enjeux de la durabilité de façon critique et éclairée. Et ce d’autant plus que de nos jours, la durabilité concerne l’ensemble des domaines disciplinaires qui sont enseignés et représentés dans les rayonnages des bibliothèques scolaires (fig. 2)29.
Dans la mesure où les établissements de l’enseignement obligatoire (et postobligatoire) sont appelés à favoriser activement la durabilité dans leurs programmes, il est apparu assez normal d’inclure les bibliothèques dans cette évolution (à noter que 80% des élèves vaudois ont accès à une des 66 bibliothèques scolaires existantes). Un groupe de travail spécifique a ainsi été créé en novembre 2020, piloté à la fois par la Cellule durabilité de la DFJC (Gaëlle Keim), la DGEO (Sandra Maistrello) et, en raison de son rôle de coordinatrice des bibliothèques scolaires vaudoises, par la BCU Lausanne (Anouck Saitta). Plusieurs bibliothécaires volontaires forment l’équipe actuelle. Il s’agit de personnes le plus souvent engagées dans la cause écologique par conviction, et qui sont à l’origine d’initiatives individuelles (développement et mise en valeur des collections « vertes », dossiers thématiques, grainothèques…)30. J’ai moi-même rejoint le GT en décembre 2021, dans le cadre de la préparation de cette étude.
Le projet d’un sondage à diffuser au sein du réseau des bibliothèques scolaires vaudoises remonte au début de l’année 2022. Celui-ci prit la forme d’un questionnaire qui fut élaboré entre mars et avril 2022. Ce dernier visait avant tout à établir un état des lieux des initiatives réalisées dans les bibliothèques scolaires du Canton de Vaud, en ciblant non seulement les actions mais aussi les besoins et les obstacles. Les bibliothécaires et agent-e-s en information documentaire (AID) ont ainsi été consulté-e-s sur leurs pratiques, leurs ressentis et leurs projets éventuels. Il s’agissait aussi pour nous de récolter les bonnes idées et réflexions du terrain pour fournir par la suite des outils concrets et utiles (par ex. marches à suivre, fiches, tutoriels, témoignages, etc.). Les professionnel-le-s consulté-e-s étaient donc particulièrement encouragé-e-s à citer des actions innovantes pour un partage des pratiques. Cette enquête locale paraissait d’autant plus utile à mener qu’il est actuellement difficile, comme Julie Baumberger l’a récemment montré, " de trouver des exemples d’engagements écologiques dans les bibliothèques en Suisse, aucune liste ne recensant [à ce jour] de Green Libraries " dans le pays31. Notre questionnaire achevé (voir annexe 1) présentait une vingtaine de questions à choix multiples. Il fut diffusé dans le réseau des 66 bibliothèques scolaires vaudoises le 6 avril 2022.
De nombreux domaines échappent au contrôle direct des bibliothèques scolaires, en particulier celui des locaux et bâtiments (ODD 9) qui n’ont pas toujours été conçus dans le respect optimal des normes écologiques actuelles (infrastructure résiliente)32. Il en va de même pour le mode de transport du personnel et le régime alimentaire. Le choix a donc été fait de ne pas intégrer ces catégories dans les thèmes du questionnaire. L’accent a été mis en priorité sur la problématique environnementale. Les questions relevant du social et de l’économique (voir par exemple les ODD 1, 5 et 8) sont donc restées ici secondaires. De nombreux écrits, de même que le Plan d’études romand (PER) ainsi que la plateforme et le guide sur l’éducation à la durabilité de la DFJC33, ont nourri la réflexion et parfois servi à l’élaboration du questionnaire. Au final, les questions du sondage furent organisées autour de quatre grandes thématiques :
Gestion de la bibliothèque. Il s’agissait ici de recenser les pratiques durables au niveau de la gestion de la bibliothèque (numérique responsable, gestion des déchets et du papier, entretien durable du mobilier, consommation énergétique des locaux etc.) mais également de cerner les obstacles et difficultés à la mise en place d’actions concrètes.
Sensibilisation des usagers. Le but était de cibler les actions de sensibilisation menées auprès des usagers dans plusieurs domaines (mise en avant d’ouvrages liés à la durabilité, médiation, animations pédagogiques, ateliers et conférences, projets collaboratifs etc.).
Fonds documentaires. L’enquête portait ici sur les ouvrages liés à la durabilité, à leur signalisation et à leur agencement dans les rayonnages (classement centralisé ou dispatché, modes d’acquisition, désherbage, restauration etc.).
Vos besoins. Cette question ciblait plus particulièrement les supports et soutiens dont pourraient avoir besoin les bibliothécaires pour accorder une place plus importante à la durabilité dans leurs espaces (recommandations et normes, rencontres réseau, guide des bonnes pratiques, formation spécifique, liste bibliographique etc.).
La date limite de retour des réponses fut fixées au 14 avril. Quarante bibliothécaires et AID scolaires remplirent et renvoyèrent le sondage (sur soixante-six BS, soit près de 70% de retour).
Premier constat sans appel : il ressort qu’au niveau du ressenti, près de 100% des personnes interrogées considèrent qu'il est important que les bibliothèques scolaires soient engagées dans le domaine de la durabilité (les chiffres suivants ont été arrondis à la décimale supérieure, d’où un total légèrement supérieur à 100%) (fig. 3).
Une part importante de ces personnes (54%) considèrent toutefois qu'il est généralement difficile d'évaluer l'impact des différentes actions et 55% se sentent isolées dans leurs réflexions à ce sujet).
Pourtant, la majorité des bibliothécaires annoncent disposer de la marge de manœuvre nécessaire pour travailler à la mise en place d’actions, même si bon nombre d’entre eux manquent de temps pour le faire (41% le pensent contre 44%, 15% des sondés ne savent pas).
L’immense majorité des bibliothécaires scolaires ont déjà mis en place des pratiques durables au niveau de la gestion de leur établissement (dans le tableau à la fig. 4, la valeur des colonnes en vert correspond au nombre de réponses cochées sur un total de 40 et non à un pourcentage). Ces pratiques sont principalement liées à la gestion des impressions papier (72,5% y prêtent attention) et/ou des déchets (60%). Un-e bibliothécaire sur deux est sensible à la limitation de la consommation énergétique des locaux (appareils en veille, lumière laissée allumée, gestion du thermostat, fenêtres ouvertes/fermées etc.) et seulement 42.5 % des sondé-es accordent une attention particulière à la sélection et à l’entretien durable du matériel de bureau (45% sont attentif-ves à la limitation de la distribution de matériel aux usager-ères, tels que sacs, crayons, signets etc.). La réduction de l'impact du numérique est, de loin, la mesure la moins pratiquée selon les personnes interrogées. Cet état de fait s’explique en grande partie par le manque de visibilité et l’absence de directives claires sur le sujet.
A la fois actrices, de par leur organisation interne et l’utilisation de leurs ressources, les bibliothèques ont aussi une responsabilité écologique à travers leur rôle traditionnel. Si les statistiques rendent compte d’un certain nombre d’actions de sensibilisation aux questions environnementales déjà mises en place (de nouveau la valeur des colonnes en vert correspond au nombre de réponses cochées sur un total de 40 et non à un pourcentage), les chiffres restent toutefois plutôt bas dans leur ensemble, avec une moyenne de 16.5% d’initiatives internes (fig. 5). Le plus gros score concerne la mise en avant d'ouvrages liés à la durabilité avec 57,5% de réponses cochés. Les activités de médiation ou les animations pédagogiques liés à la durabilité sont peu fréquentes (entre 10 et 12,5% des sondés), et l’organisation de conférences/ateliers avec des intervenant-es externes ainsi que la projection de films/documentaires relèvent presque de l’anecdotiques avec 5% et 2,5%. A noter aussi que 30% des bibliothécaires n’ont rien coché dans cette liste et 7,5% ont imaginé d’autres actions dont il sera question plus loin.
Dans l’ensemble, 25% des actions déjà menées l’ont été de manière participative (conseil des élèves, commission durabilité de l’établissement). Le reste (75%) relève d’initiatives indépendantes, propres au personnel des bibliothèques.
D’une façon générale, la période COVID n’a pas été propice à la réalisation d’initiatives : durant les 12 derniers mois, 60% des établissements sondés n’en ont réalisé aucune (32,5% 1 à 2 fois et 7,5% 3 à 4 fois).
Dans la très grande majorité des cas (87.5%), les ouvrages portant sur la durabilité ou ses thèmes apparentés (climat, biodiversité, énergies renouvelables, pollution, déchets, alimentation, santé, consommation, océans et eau, ouvrages de fiction, BD etc.) sont répartis à différents endroits dans les locaux, selon la typologie des documents, et ils ne sont presque jamais signalés par une étiquette spécifique (une bibliothèque sur quarante procède de la sorte). En revanche, ils sont ponctuellement mis en avant dans 60% des cas, par exemple sur des grilles d'exposition ou sur des tables. Même constat au niveau des catalogues en ligne : seulement 15% des bibliothèques proposent aux usagers une sélection thématique pour les ouvrages liés à la durabilité. Le développement des collections spécifiques est en outre freiné par la méconnaissance des catalogues d’éditeurs spécialisés en durabilité ou de ceux qui ont des pratiques plus durables (54%).
En ce qui concerne la sélection d'ouvrages liés à la durabilité, les catalogues des éditeurs généralistes sont de loin les plus utilisés (90%), bien davantage que la presse spécialisée (27,5%) et que les bibliographies « durabilité » de la coordination des Bibliothèques scolaires (52,5%) et de Renouvaud (55%)34.
Pour prolonger la durée de vie des ouvrages, 80% des répondant-e-s indiquent plastifier les documents fortement sollicités (avec un certain nombre de réserves quant à la plastification des couvertures) et 85% d’entre eux réparent les ouvrages endommagés. Les ouvrages désherbés sont souvent réutilisés (80% des bibliothèques les mettent à disposition des usagers dans des bacs de type "servez-vous" et 60% les utilisent dans le cadre de bricolages).
L’enquête réalisée a permis de mettre en relief une partie des forces et faiblesses des bibliothèques scolaires vaudoises sous l’angle de la durabilité. La rubrique « Vos remarques/suggestions » apporte en outre des éléments concrets (questions, critiques, constat, souhaits etc.) dont il faut tenir compte. L’ensemble de ces données peuvent être résumées en 10 points assez généraux :
Les enjeux associés à la durabilité ne sont pas toujours bien compris par manque d’informations et de compétences ainsi que par l’absence de formation spécifique (relevé par 35% des sondé-es). Cette situation limite la capacité d’action des bibliothécaires.
Les actions concrètes pouvant être mises en place pour réduire l’empreinte carbone des bibliothèques (processus de travail) sont méconnues.
Un fort potentiel d’amélioration en matière de durabilité est identifié dans les domaines du numérique durable : la réduction de l'impact du numérique s’avère être en effet la mesure la moins pratiquée faute d’informations sur le sujet.
L’absence de recommandations formelles sur les pratiques durables au niveau la gestion du matériel et du mobilier (utilisation ou non du plastique, recyclage, consommation énergétique etc.) est handicapante.
Le matériel n’est pas toujours adapté à la réduction des dépenses énergétiques.
L’information sur les ressources bibliographiques est dispersée : elle n’est pas suffisamment partagée et commentée en dehors des milieux spécialisés.
Les ouvrages touchant aux thématiques de la durabilité sont dispersés dans les rayonnages : ils sont toutefois mis en valeur de façon sporadique sur des grilles d'exposition ou sur des tables.
Malgré leur dynamisme et leur intérêt, les bibliothécaires ne disposent pas toujours des ressources (financières, matérielles et humaines) leur permettant de s’impliquer davantage ; des aides publiques spécifiques soumises à des critères plus exigeants en matière de durabilité font actuellement défaut.
Les actions de sensibilisation à la durabilité sont peu nombreuses (médiation, animations pédagogiques, conférences/ateliers, films/documentaires etc.).
Les actions menées sont rarement collaboratives. Les bibliothécaires peuvent se sentir un peu isolés dans leurs démarches durables : ils ont du mal à évaluer l'impact des actions menées.
Le GT s’est en partie appuyé sur ce constat général mais également sur la dernière partie du sondage qui présentait une suite de propositions susceptibles d’aider les bibliothécaires à inclure davantage la durabilité dans leur quotidien et leurs actions (fig. 6). La mise à disposition d’un guide de bonnes pratiques en bibliothèque scolaire serait, d’après l’ensemble des sondé-es, le support le plus utile aux bibliothécaires (92,5%)35.
Pour aider et accompagner les bibliothécaires scolaires au niveau des pratiques durables dans la gestion de la bibliothèque, le choix a donc été fait de concevoir un catalogue de fiches pratiques destinées à encourager les bonnes pratiques dans un contexte de crise environnementale sans précédent.
Même si certaines actions durables peuvent sembler faciles à mettre en place, passer d’initiatives écologiques individuelles à une réorganisation quotidienne des pratiques professionnelles ne va pas de soi36. L’accompagnement au changement est un processus long et lent qui nécessite un inventaire précis des démarches possibles et une méthodologie de mise en œuvre standardisée. Partant de cette réalité, la première étape du projet a consisté à imaginer un premier répertoire d’initiatives possibles. Ce répertoire est structuré en sept catégories distinctes qui détaillent de façon précise les actions concrètes pouvant être menées dans chacun des domaines où un besoin s’est fait sentir dans le sondage. Ces catégories sont les suivantes :
Fonds documentaire (choix des fournisseurs, acquisition de fonds durabilité, valorisation de ces fonds)
Médiation culturelle (relais des actions externes à l’établissement, collaborations avec les enseignant-e-s, participation des élèves)
Environnement de travail (utilisation du papier, gestion des déchets, matériel de bureau, utilisation des locaux)
Circuit du document (prolonger la vie des ouvrages, valoriser les ouvrages désherbés)
Usagers (limiter la distribution de matériel non nécessaire, inciter aux déplacements en transports publics)
Création et réarmement des locaux (création ou réaménagement de locaux)
Réseau des BS (cadre réglementaire du réseau, informatique, rencontres réseau)
Sur la base de ces résultats, trois axes stratégiques ont été identifiés et retenus pour un total de 9 fiches pratiques :
a) Fonds documentaire
Appliquer une politique d’achats responsables au fonds documentaire
Promouvoir les ouvrages liés à la durabilité
Prolonger la durée de vie des documents
Recycler les ouvrages désherbés
b) Médiation culturelle
Participer à l’approche globale de durabilité par des collaborateurs externes
Participer à l’approche globale de durabilité par des collaborateurs internes (enseignants et élèves)
c) Environnement de travail
Limiter l’empreinte du numérique
Limiter l’empreinte du papier
Limiter la production de déchets
Il a en outre été convenu que les propositions et explications devront être concrètes, concises, faciles à comprendre et en nombre limitées. Elles devront pouvoir être appliquées dans toutes les bibliothèques compte tenu des réalités et des ressources.
La première fiche réalisée (autrice A. Saitta, 29 juin 2022) porte sur la prolongation de la durée de vie des documents (Fonds documentaire). Elle répond à une demande formulée à plusieurs reprises dans le sondage. Comme on peut le voir, l’accent est mis sur les pistes d’action après un texte d’introduction explicatif et une suite de « bonnes raisons » pour agir. Une liste d’exemples inspirants (avec liens) est également proposée. Ce format est celui de toutes les autres fiches que l’on peut aujourd’hui consulter sur le portail DGEO/Bibliothèques et DEF Ecole vaudoise durables, et qu’il n’est donc pas utile de détailler ici37.
À côté de ce catalogue de fiches pratiques, d’autres initiatives et actions sont possibles38. La boîte à outils de Biblio2030 (padlet Bibliosuisse) propose par exemple un ensemble de « Best practices » très inspirantes pour les bibliothécaires. Parmi les conseils pour une bibliothèque durable, on peut retenir la maitrise de la consommation d’électricité39, la création d’un événement durable, le transports des prêts avec un véhicule électrique ou des coursiers à vélo, le remplacement des gobelets en plastiques par des gobelets recyclables ou réutilisables, la végétalisation des espaces intérieurs pour un air plus pur, le renforcement de la communication auprès du public etc.40 Des bases de données existent par ailleurs qui recensent les témoignages d’actions et les projets de durabilité menés par des bibliothèques françaises et allemandes41. La "Library Map of the World" de l'IFLA compile quant à elle les témoignages "ODD" de bibliothèques du monde entier (fig. 7)42.
En dehors de ces exemples et initiatives nombreuses, quelques autres pistes sont envisageables, dont certaines sont directement issues des suggestions et réflexions faites par les bibliothécaires sondé-e-s.
Dans le bloc 4 du questionnaire (consacré aux besoins des bibliothèques), Valentine Humbert-Prince (EPS Elysée) soulève la question des bénéfices qui pourraient être tirés d’une veille consacrée à la durabilité dans le réseau des BS. De nos jours, des outils de veille stratégique personnalisés dans le domaine du développement durable existent43. Ils permettent notamment de fournir des informations pertinentes et actuelles sur la durabilité aux administrations et aux organisations pour les aider à tirer parti d’une quantité d’informations de plus en plus complexes. On pourrait donc imaginer la mise en place d’une antenne de veille (par exemple accessible sur une page Teams ou sur la plateforme durabilité existante https://www.ecolevaudoisedurable.ch/) (cf. suggestion de Laurence A. Sansonnens de l’EPS Chavannes) qui serait alimentée par les bibliothécaires et les AID, le/la référent-e durabilité de l’établissement scolaire et les enseignants motivés. Cet outil de veille favoriserait en outre la mise en réseau des acteurs et le développement des compétences spécifiques à la durabilité, répondant par là-même au besoin transversal souvent exprimé dans le sondage. Il permettrait également de tenir à jour une liste d’éditeurs spécialisés et d’alimenter la bibliographie critique44. Un des enjeux importants du travail de veille est en effet de diversifier les points de vue et les positions car les sujets traités sont parfois très politiques voire polémiques.
L’aménagement d’un espace qui afficherait de l’information sur les thèmes de la durabilité et sur les moyens de réduire son empreinte écologique au quotidien pourrait être envisagé (fig. 8). Conçu pour permettre aux élèves de mieux comprendre les enjeux de l’écologie et pour lui donner des outils d’action et d’engagement, cet affichage permettrait d’aborder, de façon simple et animée, des thématiques nombreuses, comme la protection des ressources naturelles, les changements climatiques, la consommation responsable, l’économie solidaire, l’écotourisme, l’histoire des mouvements écologistes et alter-mondialistes, la permaculture, les modes d’installation d’un panneau solaire, la fabrication de produits d’entretien etc. Les bibliothécaires et AID pourraient proposer en parallèle des ouvrages de réflexion, des revues et des DVD.
Un bilan des forces et faiblesses du profil écologique d’une bibliothèque permet de préciser les objectifs à atteindre et les actions à mettre en place de façon prioritaire. L’évaluation est aujourd’hui possible et relativement simple à mener. Plusieurs ouvrages et articles proposent des catalogues d’indicateurs chiffrables dans différents domaines (achats, déchets, papier, transports, médiation, numérique etc.). Comme le souligne Joachim Schöpfel, ces indicateurs permettent de " mesurer l’impact du fonctionnement d’un service sur l’environnement "45.
Pour aider les professionnels de la bibliothéconomie, l’IFLA, par le biais de l’ENSULIB, a édité une check-list qui se décline en six groupes de critères d’évaluation : gestion de l’environnement et engagement social, construction d’une bibliothèque verte, recyclage et pratiques durables, collections vertes, services verts et projets durables46. Les résultats obtenus dans chacune de ces rubriques dressent une sorte de photographie statique des performances écologiques de l’établissement. Le suivi régulier des mesures sur une durée plus ou moins longue permet de surveiller l’évolution et d’adapter les mesures en fonction des résultats obtenus. Ces derniers pourraient donner lieu à un rapport semestriel ou annuel qui servirait, par exemple, aux besoins d’un reporting interne ou institutionnel. L’ajout du storytelling et du narratif (photo, interview, récits d’actions réussies) serait un plus pour assurer la promotion de la bibliothèque au sein du réseau et suggérer un panel d’actions pertinentes. On mentionnera ici, comme autre source d’inspiration possible, le projet eCO2profil d’ecoLive association. Ce projet a été imaginé pour répondre aux objectifs du Plan d’étude romand et il bénéficie notamment du soutien de la ville de Lausanne et du Canton de Vaud47. Les outils mis à disposition sur le site web de l’association permettent " de réaliser aisément les bilans de gaz à effet de serre des écoles tout en éduquant et en sensibilisant les élèves à la protection du climat "48. Le calcul se fonde notamment sur la répartition des déchets, l’analyse des habitudes alimentaires, la part de chaleur et d’électricité, l’usage des différents consommables (eau, papier etc.). Les résultats obtenus permettent de déterminer presqu’instantanément l’empreinte carbone d’un groupe ou d’un établissement, et d’identifier les sources principales de gaz à effet de serre. Cette initiative est d’autant plus louable et inspirante qu’il n’existe pas encore à ce jour d’étude bilan carbone au sein des bibliothèques Suisses49.
Il n’existe pas à ce jour de certification pour les bibliothèques vertes, bien que l’IFLA ait commencé à y réfléchir50. La plupart des standards, normes et certifications utilisés touchent à la construction/rénovation des locaux et à la consommation d’énergie. Comme l’indiquent Pascale Guertin et Valérie Poirier-Rouilla, ces normes sont celles qui permettent actuellement de vérifier si une bibliothèque correspond ou non aux critères de durabilité. Mais les bibliothèques pourraient également prendre en considération la norme internationale ISO14001 (Management environnemental) qui a été créée en 1996 et révisée en 201551. Cette norme fut imaginée pour aider les « organismes de toutes tailles, de tous types et de toutes natures » à structurer un ensemble d’actions et des gestes concrets destinés à réduire à sa plus simple expression l’impact environnemental :
" [elle] établit les exigences relatives à un système de management environnemental [et] […] aide les organismes à améliorer leur performance environnementale, […] gagnant, par là même, un avantage concurrentiel et la confiance des parties prenantes. "
La norme ISO14001 s'applique donc aux aspects environnementaux de l’activité poursuivie et ne concerne pas seulement les aspects liés au bâtiment. Même si elle n’a pas été imaginée à l’origine pour améliorer la performance écologique des écoles, cette norme propose toutefois un cadre que les bibliothèques pourraient appliquer afin de mettre en place un système efficace de management environnemental.
Je terminerai ici en évoquant le travail inspirant de Melanie Padilla Segarra, étudiante en maîtrise à l'université des médias de Stuttgart, qui a rédigé une thèse intitulée "Let's go green". Son objectif était de développer les bases d’un possible certificat pour les bibliothèques vertes52. Prenant appui sur l'exemple pratique de la bibliothèque publique de Stuttgart, elle propose ainsi une suite de mesures généralisables qui concernent l’ensemble des services et processus d'une bibliothèque (fig.9).
Durant les deux dernières décennies, la question environnementale est venue occuper une place de plus en plus centrale dans les débats de la bibliothéconomie. Au niveau international, plusieurs éléments ont incité le monde des bibliothèques à se tourner vers la durabilité, comme l’adoption de l’Agenda 2030 et les prises de positions de l’IFLA. En Suisse, le cadre législatif et les stratégies éco-responsables mises en place au niveau fédéral et cantonal constituent aussi, nous l’avons vu, des leviers d’action importants. Avec les écoles, les bibliothèques sont aujourd’hui considérées comme des moteurs de la transition écologique, car elles peuvent à la fois agir sur leur fonctionnement interne et être des diffuseurs de changement à travers leurs fonds documentaires et leur programmation culturelle. Le sondage diffusé dans le réseau des bibliothèques scolaires en avril 2022 montre que les professionnel-elles du secteur souhaitent pleinement participer au mouvement « vert ». Une part importante des bibliothécaires et AID scolaires ont d’ailleurs mis en place des pratiques durables dans la gestion de leur bibliothèque (gestion des impressions papier et/ou des déchets, mise en avant des ouvrages liés à la durabilité, limitation de la consommation énergétique des locaux etc.). La majorité des personnes interrogées considère toutefois qu'il est difficile d'évaluer l'impact des différentes actions menées et plus de la moitié se sentent isolé-e-s dans leurs réflexions à ce sujet. Il est vrai que le spectre des actions possibles est très large, de l’intégration de critères environnementaux dans le fonctionnement des locaux à la gestion durable des collections. S’il existe de nombreux moyens d’agir, ceux-ci ne sont pas toujours connus et peuvent parfois sembler complexes à mettre en place. Peut-être est-ce là une raison au fait que les bibliothèques scolaires communiquent encore assez peu sur leurs engagements et réalisations durables, que ce soit entre professionnel.les pour diffuser des idées d’actions, ou pour valoriser le rôle qu’elles jouent au des sein des écoles. Les activités de médiation, les animations pédagogiques liées à la durabilité sont toutefois, nous l’avons vu, encore assez peu fréquentes et l’organisation de conférences/ateliers avec des intervenant-es externes sont rares, de même que la projection de films/documentaires. Pour que les problématiques environnementales trouvent un écho plus important dans le quotidien des bibliothèques scolaires vaudoises, le GT durabilité a conçu un ensemble de fiches pratiques qui portent sur des actions réalisables, à la fois dans la gestion de la bibliothèque, de ses activités et de ses collections. Huit propositions ont été formulées qui concernent la durée de vie des documents, la promotion des ouvrages liés à la durabilité, les achats responsables, le recyclage, la médiation culturelle, les procédures de dématérialisation, la gestion des déchets et la gestion du papier. La démarche participative initiée par le questionnaire a également fonctionné comme une boîte à idées. Un échantillonnage des suggestions reçues est ainsi présenté dans la dernière partie de ce travail (veille, campagnes d’affichage, évaluation des performances écologique, norme ISO). Espérons que l’ensemble de ces conseils et recommandations contribueront, avec cet article, à mettre en valeur l’action des bibliothèques scolaires vaudoises en faveur de la durabilité, et à susciter de nouvelles initiatives.
Durabilité dans les bibliothèques scolaires vaudoises
Ce questionnaire a été élaboré dans le cadre du GT « Gestion durable bibliothèque scolaire ». Il vise à établir un état des lieux des actions réalisées dans vos bibliothèques et des actions que vous planifiez de réaliser.
L’objectif est de récolter les bonnes idées et réflexions du terrain pour vous fournir par la suite des outils adaptés et utiles. Les personnes qui citent des actions innovantes/inédites pourront être contactées par le GT pour un partage de pratiques.
Il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse, ni de jugement par rapport à ce que vous faites ou ne faites pas.
Plusieurs bibliothécaires ou AID d’une même bibliothèque peuvent répondre.
Informations de base
Nom de votre bibliothèque :
Votre prénom – nom :
Gestion de la bibliothèque
Est-ce que vous avez des pratiques durables au niveau de la gestion de la bibliothèque dans les domaines suivants ?
Réduction de l’impact environnemental du numérique
Gestion des déchets
Gestion durable des impressions papier
Sélection et entretien durable du matériel de bureau
Limitation de la consommation énergétique des locaux
Limitation de la distribution de matériel aux usagers (sacs, crayons, signets, etc.)
Autre (précisez) : …
Souhaitez-vous nous communiquer une pratique inspirante, à partager au sein du réseau ?
…
Dans quelle mesure les affirmations suivantes correspondent à ce que vous ressentez ?
Je pense qu’il est important que la bibliothèque scolaire soit engagée dans la durabilité
Tout à fait d’accord
Plutôt d’accord
Plutôt pas d’accord
Pas du tout d’accord
Je ne sais pas
J’ai la marge de manœuvre nécessaire pour mettre en place ces actions
Tout à fait d’accord
Plutôt d’accord
Plutôt pas d’accord
Pas du tout d’accord
Je ne sais pas
Je trouve difficile de savoir quelle action a quel impact
Tout à fait d’accord
Plutôt d’accord
Plutôt pas d’accord
Pas du tout d’accord
Je ne sais pas
Je me sens isolé-e dans ces réflexions
Tout à fait d’accord
Plutôt d’accord
Plutôt pas d’accord
Pas du tout d’accord
Je ne sais pas
Je n’ai pas le temps de mettre en places ces actions
Tout à fait d’accord
Plutôt d’accord
Plutôt pas d’accord
Pas du tout d’accord
Je ne sais pas
Sensibilisation usagers
Est-ce que vous avez mis en place des actions de sensibilisation auprès des usagers dans les domaines suivants ?
Mise en avant des ouvrages liés à la durabilité
Actions de médiation hors animations pédagogiques
Animations pédagogiques liés à la durabilité
Organisation de conférences / ateliers avec intervenant-e-s externes
Projets collaboratifs avec les enseignant-e-s et les élèves
Projets spécifiques avec associations / ONG / communes
Projection de films / documentaires
Souhaitez-vous nous communiquer une pratique inspirante, à partager au sein du réseau ?
…
Les actions de durabilité de la bibliothèque sont-elles mises en place de manière participative ? Si oui, dans quel cadre ?
Plusieurs réponses possibles
Conseil des élèves
Boîte à idées
Commission durabilité de l’établissement (autre nom possible)
Conférences des maîtres
Autre (précisez) :…
A quelle fréquence avez-vous mené des actions de sensibilisation dans le domaine de la durabilité sur les 12 derniers mois ?
Une fois par mois ou plus
3 à 4 fois
1 à 2 fois
0
Fonds documentaires
Dans votre bibliothèque, comment les ouvrages sur la durabilité sont-ils organisés ?
Plusieurs réponses possibles
Répartis à différents endroits dans les locaux selon la typologie des documents
Classés au même endroit dans les locaux, quelle que soit la typologie des documents
Ponctuellement mis en avant (grilles, tables, etc.)
Signalés par une étiquette spécifique
Autre (précisez) :…
Avez-vous créé une sélection thématique dans le catalogue en ligne pour les ouvrages liés à la durabilité ?
Oui
Non
Est-ce que vous accordez un intérêt particulier aux catalogues des éditeurs durables ?
Oui
Plutôt oui
Plutôt non
Non
Je ne les connais pas
Pour acquérir des ouvrages touchant à des thématiques durables, vous consultez :
Les catalogues d'éditeurs / libraires
La presse spécialisée
Le catalogue d’autres bibliothèques du réseau
La liste thématique « durabilité » de la CoordBS
Autre (précisez)…
Les ouvrages désherbés sont-ils réutilisés ? Si oui, dans quel cadre ?
Bricolages
Mise à disposition des lecteurs (bacs de type « servez-vous »)
Quelles sont les actions en vue de prolonger la durée de vie des ouvrages que vous réalisez ?
Plastifiage des ouvrages fortement sollicités
Réparation des ouvrages endommagés
Autre (précisez) :…
Vos besoins
Quel type de support/soutien au niveau du réseau pourrait vous aider ?
Ajouter un engagement à la durabilité dans les Recommandations et normes
Agender un point "échange d'expériences" dans les rencontres du réseau
Disposer d'un Guide de bonnes pratiques en bibliothèque scolaire
Formation dans le domaine de la durabilité
Développement de la liste d'ouvrages recommandés
Autre (précisez) :…
Vos remarques / suggestions