Chères et chers diplômé.e.s,
Permettez-moi tout d’abord de vous adresser mes plus vives et sincères félicitations pour l’obtention du CAS ou du MAS ALIS. Ce diplôme sanctionne certes l’acquisition de nouvelles connaissances dans le domaine des sciences de l’information, mais il récompense surtout votre travail et votre engagement sans faille depuis l’automne 2022 pour l’obtenir à côté de votre activité professionnelle et de votre vie personnelle et familiale.
Je me suis questionné depuis plusieurs semaines sur le contenu de ma lettre. J’ai changé plusieurs fois d’angle sans réellement y être satisfait. J’ai finalement choisi, après de nombreuses hésitations, de faire un peu de prospective, en essayant d’imaginer en quoi les métiers que vous exercez, qui font partie du vaste champ des sciences de l’information, pouvaient apporter une réponse aux défis que doit relever notre société contemporaine. Je vous donne donc symboliquement rendez-vous dans 20 ans pour vérifier si mon propos aura eu une réelle pertinence. Je dois dire que le constat est sans appel et augure un avenir loin d’être radieux. Mais il ouvre dans le même temps tout un champ de réponses possibles que je trouve tout à fait stimulantes, à même de renouveler en partie les missions d’une institution de conservation du patrimoine, et qui font appel à des valeurs qui me sont chères.
Le constat, vous le connaissez sans doute très bien et je ne vais pas m’y attarder. Sept des neuf limites planétaires sont aujourd’hui dépassées. Les limites planétaires sont les seuils que l’humanité ne devrait pas dépasser non seulement pour ne pas compromettre les conditions favorables dans lesquelles elle a pu se développer, mais également pour pouvoir vivre durablement dans un écosystème sûr1. C’est-à-dire en évitant des modifications brutales et difficilement prévisibles de cet écosystème. Pour le dire simplement : l’exploitation intensive des ressources dans un monde fini – notre planète – finit immanquablement par provoquer des instabilités difficilement maîtrisables, qui peuvent conduire à des modifications rapides et irréversibles des conditions propices à la vie sur terre. En 2024, les limites suivantes ont été dépassées : changement climatique, chute de la biodiversité, perturbation des cycles biogéochimiques due à l’utilisation excessive d’engrais à base d’azote et de phosphore, artificialisation des sols à travers la déforestation, l’urbanisation et l’agriculture intensive, surexploitation des ressources, dont l’eau douce, et création de nouvelles substances chimiques qui menacent la biodiversité et la santé humaine (plastiques, pesticides et produits chimiques industriels)2. L’actualité nous donne tous les jours des exemples concrets des conséquences profondes de ces changements en cours à une échelle de temps extrêmement réduite. Ces derniers affectent bien évidemment au quotidien notre condition humaine et ont des conséquences notamment sur les systèmes politiques qui nous gouvernent. L’anxiété augmente, la tentation du repli tend à se généraliser, les extrêmes gagnent du terrain, l’information – vérifiée ou non – devient un enjeu de société quasi existentielle à l’heure où le Machine Learning, les Large Language Models et autres modèles d’intelligence artificielle nous bousculent. Bref, l’avenir s’annonce peu réjouissant ; les conséquences de ces changements affecteront sans doute la conservation du patrimoine, avec des destructions irrémédiables liées aux catastrophes naturelles, et les sciences de l’information.
Face à cette situation, nous pouvons bien évidemment adopter la posture de la résignation, conclure que tout est fini et ne rien faire. Je serais, pour ma part, tenté d’y voir de formidables opportunités. Je suis en effet persuadé que nos métiers sont une partie – importante – de la solution, car nous disposons de formidables atouts. C’est en tous les cas ma conviction profonde.
Aix-la-Chapelle, au tout début du IXe siècle. Charlemagne appose sa signature au bas d’un document qui confirme que l’évêque de Sion, Théodule, dispose non seulement du pouvoir spirituel, mais désormais également du pouvoir temporel sur tout le territoire de son diocèse. Appelé la Caroline, ce document sera régulièrement invoqué par les successeurs de Théodule pour légitimer leur pouvoir. Tel Mathieu Schiner qui obtient la confirmation de la Caroline par l’empereur Charles Quint en février 1521 à Worms. Sauf que la Caroline s’avère être un faux : Charlemagne n’a jamais signé ce document, Théodule a bien été évêque de Sion, mais au IVe siècle. Le document a en réalité été forgé au XIIIe siècle par les évêques de Sion pour asseoir leur autorité, qui était de plus en plus contestée aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur du diocèse3.
L’histoire de l’humanité – et pas uniquement l’actualité la plus récente – est ainsi jalonnée de centaines d’exemples de ce type, où des autorités civiles ou religieuses ont élaboré de faux documents pour légitimer leur pouvoir, où des particuliers ont créé de fausses généalogies pour se donner une origine illustre, où des individus ont élaboré de faux documents pour gagner des avantages. Il n’a du reste jamais été aussi facile qu’aujourd’hui – j’enfonce bien évidemment une porte ouverte – de produire de faux documents ou de fausses données. Cette véritable « fauxbesité » est absolument vertigineuse. Mais est-ce réellement défendable ? Peut-on vraiment accepter, en tant que citoyennes et citoyens de ce monde, de vivre au sein de sociétés qui doivent systématiquement vérifier l’authenticité, l’intégrité et la fiabilité des documents et des données qu’elle produit et échange, et soupçonner la fausseté, le mensonge voire l’arbitraire derrière toute information qui lui est communiquée ? Quoi qu’il en soit, la formation que vous venez de terminer non seulement vous donne les outils nécessaires pour interroger de manière critique tout contenu qui vous est soumis, mais surtout vous engage vis-à-vis de la société : vous devez ainsi revendiquer votre expertise et devenir de véritables détecteurs de faux documents voire carrément des détecteurs de mensonges. Vous avez en effet désormais acquis une large palette de compétences pour mettre plus ou moins rapidement en évidence les mécanismes de falsification et de supercherie, en dénichant, par exemple, les erreurs dans la fabrication des supports de l’information, qu’il s’agisse d’un parchemin, d’un document papier ou d’une donnée, en détectant les incohérences dans le style d’écriture, dans la mise en forme des textes ou dans le vocabulaire utilisé. Les sciences de l’information sont l’héritier d’une discipline fondée voici 350 ans par dom Jean Mabillon, la diplomatique, qui n’a rien à voir avec la diplomatie, quoique, puisqu’elle permet de démêler le vrai document du faux document. Rappelez-vous ainsi que vous êtes les garants des faits vérifiés contre les fake news d’hier et d’aujourd’hui. Et que vous représentez au quotidien un véritable rempart contre la constitution d’une mémoire tronquée voire arrangée. Nous nous trouvons face à un choix extrêmement simple : voulons-nous vivre dans des sociétés où le relativisme envers l’information est généralisé, où les faits alternatifs sont quotidiens, où l’Etat de droit n’est plus garanti parce qu’il n’est pas possible d’attester l’authenticité des documents qui fondent les droits des citoyens, où la démocratie est en danger parce que la confiance dans l’information est rompue, où l’histoire peut se récrire à l’envi et où l’intelligence artificielle permet de manipuler de manière éhontée les sources d’information ? Face à de tels dangers, il est temps de siffler la fin de la récréation et de retrouver la raison, car, au final, c’est notre démocratie qui est en jeu, c’est notre existence même en tant que citoyenne et citoyen qui est remise en cause, c’est le contrat social qui nous lie aux autorités qui est menacé. Et je suis intimement persuadé que vous pouvez contribuer au rétablissement de la confiance dans l’information, du mois celle gérée par les organisations publiques et privées.
Pourquoi ? Parce que vous savez mettre en œuvre des dispositifs qui garantissent en tout temps l’authenticité des documents et des données et la valeur de preuve de ces derniers. Imaginez les problèmes de société qui naîtraient s’il n’était pas possible de garantir l’authenticité des informations collectées dans la banque de données qui constitue l’état civil suisse ? L’intégrité des pièces que gère le registre foncier ? La fiabilité des pièces fiscales ? L’authenticité d’une signature électronique ? Ce serait à coup sûr l’anarchie dans la société. Grâce à votre expertise, vous disposez toutes et tous des connaissances nécessaires à la mise en œuvre de solutions qui garantissent la valeur de preuve des informations et, au final, préservent les droits des citoyens. Certains d’entre vous participent déjà pleinement à la mise en œuvre de tels outils. Il est temps de généraliser cet apport à l’ensemble des systèmes d’information que gèrent les organisations publiques et privés à travers le monde. C’est ainsi que nous pourrons lutter collectivement contre les faux documents ou les faits alternatifs et disposer de sources d’informations fiables garantissant l’Etat de droit. Vous avez ainsi une responsabilité morale et éthique vis-à-vis des générations actuelles et à venir – je pèse mes mots. Comprenez-le bien et mettez-la en œuvre dans le cadre de votre activité professionnelle. Aujourd’hui comme demain, dans 10, 20 ou 30 ans. « Je suis devenu archiviste, parce que je ne voulais pas mentir », disait Charles Kecskeméti, un archiviste hongrois qui a marqué de son empreinte la communauté archivistique mondiale4. Emboîtez donc son pas sans tarder et relevez ce noble défi. La société vous en sera très reconnaissante, à l’heure où d’autres tiers de confiance sont remis fondamentalement en cause.
Travailler dans le domaine des archives et des bibliothèques vous confronte au quotidien à un horizon temporel peu commun, qui se calcule non pas en jours, en semaines, en mois ou en années, comme c’est le cas dans la majeure partie de notre économie, mais en siècles voire en millénaires. Vous pouvez aisément l’éprouver de manière sensible au regard des fonds et des collections que gèrent les institutions de conservation du patrimoine pour lesquelles vous travaillez et qui consistent en des documents sur support parchemin datant de l’an mil, des documents sur support papier datant de 1500 ou des données produites voici deux ans dans un système d’information. Vous êtes ainsi l’un des maillons d’une chaîne qui remonte souvent très haut dans le temps et qui, je l’espère, se poursuivra le plus longtemps possible dans l’avenir. Le travail que vous réalisez sera utile et utilisé par nos lointains descendants dans 200 ou 300 ans. C’est ce que j’expliquais, par exemple, à une personne au profil atypique engagée aux Archives de l’Etat du Valais pour dépoussiérer les registres du Chapitre de la cathédrale de Sion et de la Bourgeoisie de Sion du XVIIIe siècle. Cette personne effectuait un travail qui n’avait jamais été réalisé depuis la production de ces registres et qui serait utile pour le prochain siècle. Cette explication lui a immédiatement donné tout son sens à son travail. Elle s’est alors prise de passion pour une tâche que nous pourrions considérer comme rébarbative et elle n’hésite désormais pas à le dire avec enthousiasme à toute personne qu’elle croiserait dans son atelier de nettoyage.
Au niveau de la durabilité, il y a un champ dont vous devez vous saisir en priorité : celui des infrastructures. En particulier les dépôts. Dans un contexte où les risques de pénuries énergétiques s’accroissent, miser sur une gestion climatique des dépôts par la seule ventilation mécanique me paraît risqué. Plusieurs réalisations récentes ont démontré toute la pertinence de travailler sur les propriétés de l’enveloppe des bâtiments pour réguler à la fois la température et l’hygrométrie. L’avenir est ainsi au low-tech. La sagesse en la matière d’un expert en conservation des biens culturels écrits que vous connaissez toutes et tous, Andrea Giovannini, m’a en tous les cas beaucoup marquée. J’ai eu la chance de pouvoir partager ses réflexions dans le cadre de la construction des nouveaux dépôts des Archives de l’Etat du Valais et je souhaite les partager avec vous9. Andrea Giovannini est parti de deux constats. Le premier : les biens culturels écrits ont été conservés durant des siècles sans réelle dégradation la plupart du temps dans des églises ou des clochers exposés aux quatre vents et à de fortes variations de température entre l’hiver et l’été. Pourquoi devrait-on ainsi absolument se limiter à une fourchette de températures extrêmement stricte comprise entre 18 et 22° C alors que tel n’a pas été le cas durant des siècles ? Deuxième constat : lorsque surviendra une crise majeure de la société – Andrea Giovannini pensait à un tremblement de terre –, les secours viendront en aide aux personnes, puis rétabliront les services de première nécessité. Les dépôts d’archives ou de bibliothèques ne seront alors pas la première priorité. C’est ainsi qu’il convient de concevoir des bâtiments qui offrent d’eux-mêmes les conditions nécessaires à la conservation des biens culturels, utilisant aussi peu de technologie que possible, mais autant de techniques que nécessaire. Après 5 ans d’exploitation, les dépôts des Archives de l’Etat du Valais sont quasi passifs et pourraient tout à fait traverser une crise majeure de la société sans impact significatif sur les fonds conservés. A l’instar d’autres bâtiments en cours de construction. Tout cela pour vous inciter plus que fortement à intégrer la question de la durabilité dans toutes les réflexions que vous aurez à mener dans le cadre de votre activité professionnelle.
L’utilisation durable des technologies numérique en fait également partie. Au-delà de l’oxymore « numérique durable », il convient de questionner, dans tout projet de dématérialisation, la pertinence du transfert de l’analogique au numérique. Nous savons toutes et tous qu’un document conservé sur support parchemin ou papier, hormis quelques exceptions notables, est consulté au mieux sporadiquement, généralement très rarement. Cette loi ne devrait pas être différente dans l’environnement numérique. Pourquoi dès lors se lancer dans des projets de numérisation de masse, gourmandes en ressources techniques et énergétiques à moyen et long termes ? Le jeu en vaut-il réellement la chandelle ? Je n’en suis plus forcément convaincu aujourd’hui alors que cela me paraissait relever d’une évidence voici quelques années encore.
Je vous avoue du reste ressentir aujourd’hui, à l’aune de la durabilité, un certain malaise voire un malaise certain vis-à-vis de l’intelligence artificielle. Ce n’est pas tant une attitude technophobe qui se manifeste en moi, alors que, je crois, je suis plutôt technophile, mais un principe de réalité dans un monde aux ressources limitées. Les produits de l’intelligence artificielles sont proprement stupéfiants. Nous en convenons tous. Je suis intimement persuadé que l’intelligence artificielle peut nous rendre des services immenses et décisifs dans le traitement de volumineux fonds d’archives, dans le catalogage et l’indexation de notices de bibliothèques, dans la reconnaissance de l’écriture manuscrite. De nombreux projets dans le domaine des sciences de l’information nous en démontrent tous les jours toute l’utilité et la pertinence. Mais le malaise persiste en moi. Est-il aujourd’hui éthiquement et moralement défendable de développer une technologie qui consomme une quantité d’énergie extraordinaire – une recherche sur ChatGPT consomme au moins dix fois plus d’énergie qu’une recherche sur Google – et qui nécessite des matériaux dont l’extraction bouleverse les écosystèmes qui les conservent ? J’ai comme un doute que je souhaite simplement relayer auprès de vous, sans jugement, et que je vous laisserai analyser et lever en votre âme et conscience.
Dans un monde où l’angoisse ne cesse d’augmenter, nous avons un urgent besoin non seulement de réenchanter le monde qui nous entoure – la culture a un rôle majeur à exercer dans ce cadre – mais surtout de favoriser les contacts entre les êtres humains. Au-delà de la durabilité environnementale, la durabilité sociale constitue un enjeu de société décisif. Et vous avez à mon sens un rôle essentiel à jouer dans ce cadre. Une anecdote à ce propos : en automne 2024, les services de l’Etat du Valais ont dû rédiger un plan de continuité des activités dans la perspective d’une éventuelle pénurie énergétique. Il a été proposé, dans ce cadre-là, de fermer tous les sites de la Médiathèque Valais pour faire des économies d’énergie. J’ai alors pris mon bâton de pèlerin pour expliquer et convaincre mes différents interlocuteurs que les bibliothèques devaient, au contraire, être les derniers lieux à fermer. Ce qui a fini par fonctionner. En effet, si une véritable pénurie d’énergie devait survenir, la population n’aurait plus la possibilité, à domicile, de se chauffer convenablement, de surfer sur internet, d’interagir à travers les réseaux sociaux ou de regarder des séries sur des plateformes de streaming. Les bibliothèques pourraient combler ce manque, en offrant des espaces chauffés, un accès internet et surtout des collections importantes de livres, exerçant ainsi parfaitement leur rôle de tiers-lieux d’échanges, de discussions et de partages. Forts de ce constat, ouvrons ainsi nos services d’archives et nos bibliothèques pour donner accès à des parcelles de la vie des générations qui nous ont précédé, montrer la persistance des sentiments humaines et témoigner de la capacité de résilience et d’adaptation des sociétés anciennes. Je cite très souvent l’exemple du mode de gestion des eaux à l’échelle d’un bassin versant à travers les bisses qui peuvent tout à fait nous inspirer aujourd’hui pour régler les problèmes de gestion de l’eau dans un environnement plus sec. Des dizaines d’exemples de ce type existent sans doute. Il y a donc là des connaissances, des savoir-faire et des pratiques qui pourraient nous aider ou nous inspirer dans les défis qui se présentent à nous. Ouvrons également les services d’archives et les bibliothèques pour créer du lien social, favoriser l’intégration des populations et contribuer à la cohésion de la communauté locale. Ouvrons nos services d’archives et nos bibliothèques pour montrer que le patrimoine est essentiel, qu’il permet tout à la fois de nous enraciner et de déployer nos ailes et de partir à la découverte – durable – du vaste monde qui nous entoure. Car les services d’archives et les bibliothèques sont bien hic et nunc. Au cœur de la société. Pour favoriser la rencontre et le lien entre les générations.
Au-delà de ces trois atouts, il y a pour moi une nécessité absolue : celle de mieux collaborer entre tous les acteurs de la conservation du patrimoine. Dans un monde en complète mutation, la collaboration est non seulement essentielle, mais surtout vitale, le collectif permettant sans doute de réussir là où l’individuel n’a qu’une force de frappe limitée.
Je milite en premier lieu – je prends ici ma casquette de chef d’un Service de la culture constitué d’un service d’archives, de bibliothèques, de musées et de l’archéologie – pour une meilleure collaboration entre tous les acteurs de la conservation du patrimoine dans le cadre de la collecte du patrimoine culturel, qu’il soit mobilier, documentaire, linguistique ou immatériel. Les frontières traditionnelles entre les différentes institutions de conservation du patrimoine, vous le savez, sont de plus en plus floues : un musée conserve aujourd’hui des fonds d’artistes, un service d’archives des bibliothèques de famille ou des objets en lien avec les fonds d’archives, une bibliothèque des fonds littéraires. Le patrimoine immatériel, constitué d’artefacts mobiliers et documentaires, brouille davantage ses frontières alors que le numérique bouleverse les répartitions traditionnelles. Les risques de lacunes ou de conservation à de multiples exemplaires à l’échelle locale, cantonale ou fédérale ne sont pas négligeables et il est grand temps de sortir de son pré carré pour envisager une approche concertée. Le Canton du Valais développe cette approche dans le cadre des institutions culturelles de l’Etat du Valais avec la rédaction en cours d’une mémopolitique dédiée au patrimoine culturel. Parallèlement a été mené un projet pilote de recensement du patrimoine culturel d’intérêt cantonal conservé par des tiers dans le district de Martigny. Un projet qui repère tant des fonds d’archives que des bibliothèques ou des biens mobiliers. Dans une perspective d’inclusion. Cette approche concertée est de même, à mon avis, absolument nécessaire dès lors que l’on parle de collecte du patrimoine culturel numérique. Les enjeux techniques sont tels qu’avancer seul ne peut conduire qu’à un gaspillage de temps, d’argent, de ressources et de compétences. D’autant plus que le caractère éphémère de certaines informations nécessite une forte capacité d’action et de réaction.
Au-delà de la collecte du patrimoine culturel, je milite également pour une meilleure collaboration dans le domaine numérique, qu’il s’agisse des questions de préservation numérique, de communication ou de mise en valeur du patrimoine. Faute de temps, je ne vais pas m’y attarder et j’ai déjà eu suffisamment l’occasion d’en parler dans le cadre de mes précédentes fonctions.
Cet encouragement à une meilleure collaboration poursuit du reste un objectif : celui de renforcer la visibilité des institutions de conservation du patrimoine et des sciences de l’information dans notre société. Je militais en faveur de cette collaboration lorsque j’étais président de l’Association des archivistes suisses. Je milite encore plus aujourd’hui en faveur de cette collaboration renforcée en tant que chef d’un service cantonal de la culture. Je suis toujours très défavorablement surpris du manque de considération envers ces domaines au sein de la société. Or vous avez une occasion unique – et je pèse mes mots –, à travers les différentes fonctions que vous exercerez au cours de votre carrière professionnelle, de montrer en quoi vos connaissances et vos compétences permettront à la société d’affronter les défis auxquels elle est confrontée. Car vous êtes les tiers de confiance de l’information. Car la durabilité fait partie de votre ADN professionnel. Car vous êtes les dépositaires des connaissances, des pratiques et des savoir-faire développés par les générations qui nous ont précédés et qui peuvent nous aider à affronter les défis contemporains. Vous disposez ainsi de tous les atouts pour contribuer à une société plus durable et résiliente, qui fait face aux changements auxquels elle est confrontée. Saisissez donc cette occasion en développant la collaboration entre vous. Vous disposez désormais d’un diplôme qui vous donne la possibilité d’agir à votre niveau et qui, par conséquent et d’une certaine manière, vous engage. Je le redis : saisissez donc votre chance. Les générations actuelles et à venir vous en sauront gré. Tel est mon credo.