Durant longtemps, le traitement intellectuel (classement, tri, analyse, description) des archives anciennes a été l’occupation privilégiée des archivistes. Ces dernières décennies, la donne a changé. Le métier s’est transformé pour répondre aux multiples défis d’une société numérique et de l’information. Les activités se sont diversifiées et de nouveaux impératifs ont émergé. Dans ce grand chamboulement nécessaire, qu’est devenue cette tâche traditionnelle ? Est-elle encore d’actualité dans les services d’archives ? Si oui, ces derniers ont-ils encore l’aptitude de s’en occuper ? En effet, la prise en charge d’archives grosso modo antérieures à 1850 exige des compétences spécifiques, car ces documents présentent des difficultés qui en compliquent la compréhension (écritures et langues anciennes, contexte historique, etc.). Or, plusieurs signaux indiquent que ces compétences se raréfient aujourd’hui, avec le risque corollaire que notre société se coupe progressivement de tout un patrimoine pourtant précieux, à la fois clé d’accès unique à notre passé et garant des liens entre les hommes et les femmes d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
Pour répondre à ces questions, une enquête qualitative a été menée auprès des responsables des Archives cantonales romandes et de trois autres entités institutionnelles qui conservent des documents anciens et qui étaient susceptibles d’être concernés par le traitement intellectuel d’archives anciennes. Les données obtenues lors d’entretiens semi-directifs ont permis de dresser un état des lieux des pratiques actuelles en Suisse romande et de mettre en évidence des éléments qui méritent d’être pris en considération pour optimiser la situation. Sur cette base, une réflexion personnelle a été développée qui se veut avant tout une proposition d’un nouvel état d’esprit qui puisse servir au renouvellement de l’approche du domaine ainsi qu’à une action mutualisée et collaborative.
Lange war die inhaltliche Erschliessung (Klassifizierung, Sichtung, Analyse, Beschreibung) von archivischen Altbeständen bevorzugte Tätigkeit von Archivaren. In den letzten Jahrzehnten hat sich die Lage geändert. Der Beruf hat sich gewandelt, um den vielfältigen Herausforderungen einer digitalen und informationsbasierten Gesellschaft gerecht zu werden. Die Tätigkeiten haben sich diversifiziert und neue Anforderungen sind entstanden. Was ist aus dieser traditionellen Aufgabe in diesem grossen und notwendigen Umbruch geworden? Ist sie noch eine zeitgemässe Aufgabe der Archive? Wenn ja, sind die Archive noch in der Lage, diese zu übernehmen? In der Tat erfordert die Übernahme von Archiven, die grosso modo vor 1850 entstanden sind, spezifische Kompetenzen, da diese Dokumente Schwierigkeiten aufweisen, die ihr Verständnis erschweren (alte Schriften und Sprachen, historischer Kontext usw.). Mehrere Signale deuten jedoch darauf hin, dass diese Kompetenzen heute immer seltener werden, mit dem damit verbundenen Risiko, dass unsere Gesellschaft allmählich den Zugang zu einem sehr wertvollen Erbe verliert, das zugleich ein einzigartiger Schlüssel zu unserer Vergangenheit und Garant für die Verbindungen zwischen den Männern und Frauen von gestern, heute und morgen ist.
Um diese Fragen zu beantworten, wurde eine qualitative Umfrage bei den Verantwortlichen der Staatsarchive der Welschschweiz und bei drei weiteren Institutionen durchgeführt, die alte Dokumente aufbewahren und die von der intellektuellen Bearbeitung derartiger Altbestände betroffen sein könnten. Die in semistrukturierten Interviews gewonnenen Daten ermöglichten es, eine Bestandsaufnahme der aktuellen Praxis in der Suisse romande vorzunehmen und Aspekte hervorzuheben, die für eine Verbesserung des Ist-Zustands berücksichtigt werden sollten. Auf dieser Grundlage wurde eine persönliche Reflexion entwickelt, die in erster Linie als Vorschlag für eine neue Geisteshaltung gedacht ist, die eine erneuerte Herangehensweise an den Themenbereich bilden sowie als Grundlage für ein gemeinsames und kollaboratives Handeln dienen kann.
For a long time, the intellectual processing (classification, review, analysis, description) of old archival holdings was the preferred activity of archivists. In recent decades, the situation has changed, and the profession has been transformed to meet the diverse challenges of a digital and information-based society. Activities have diversified and new requirements have emerged. What has become of this traditional activity of archivists in the face of this major and necessary upheaval? Is intellectual processing and description still a contemporary task for archives? If so, are the archives still capable of taking it on? Indeed, the archival description of archives that were grosso modo created before 1850 requires specific skills, as these documents present difficulties that make them hard to understand (ancient scripts and languages, historical context, etc.). However, several signs indicate that these skills are becoming increasingly scarce, with the associated risk that our society will gradually lose access to a very valuable heritage that is both a unique key to our past and a guarantee for linking the men and women of yesterday, today and tomorrow. To answer the above questions, a qualitative survey has been conducted among the managers of the State Archives of French-speaking Switzerland and three other institutions that hold old documents and might be involved in the intellectual processing of archival heritage holdings. Based on the data obtained in semi-structured interviews the article presents an overview of current practice in French-speaking Switzerland and highlights aspects that should be considered to improve the current situation. It furthermore presents a personal reflection, which is primarily intended as a proposal for a new mindset that may serve as a basis for rethinking the approach as well as for joint and collaborative action in this field.
À l’ère de la société numérique1, le monde des archives n’a plus rien à voir avec celui d’hier. Face aux nombreux défis rencontrés ces quarante dernières années, il a dû évoluer, se professionnaliser et se diversifier pour répondre aux nouvelles attentes. Dans cet « environnement en pleine ébullition »2 et tourné vers les développements technologiques, j’ai souhaité porter mon attention à la fois sur une tâche archivistique fondamentale, le traitement intellectuel (classement, tri, analyse et description), et sur des documents qui ont été créés dans des contextes bien différents du nôtre, à savoir les archives anciennes grosso modo antérieures à 1850. Celles-ci présentent des difficultés qui en compliquent l’accès, voire l’empêchent, pour un public non averti. Les écueils qui rendent leur lecture et leur compréhension ardues sont nombreux. Leur traitement exige donc des compétences spécifiques. Dans le cadre de mes engagements professionnels depuis bientôt vingt ans, j’ai souvent entendu dire que ces dernières se raréfient et que les personnes qui en disposent sont difficiles à trouver. Ce constat inquiétant au regard du patrimoine qui en dépend est à l’origine de la présente étude. Comme il émane d’un territoire assez limité géographiquement – le Valais – et périphérique d’un point de vue confédéral et universitaire, je me suis donc demandé si la situation était semblable ailleurs en Suisse romande3, et, dans l’affirmative, si le traitement intellectuel des archives anciennes en pâtissait. Pour tenter de répondre à cette question, j’ai choisi de mener une enquête auprès de plusieurs institutions concernées et de dresser un état des lieux des pratiques actuelles, puis, sur la base des résultats obtenus, de développer une réflexion sur les perspectives de ce domaine.
La première partie de mon étude est consacrée aux éléments théoriques liés aux tâches archivistiques qui m’intéressent, à l’approfondissement du constat initial (compétences de plus en plus rares) et à la présentation du terrain sondé ainsi que de la méthodologie utilisée.
Bien qu’il existe un cadre théorique général pour le traitement intellectuel, certains aspects de ce dernier diffèrent selon les documents concernés. Le travail dédié aux archives anciennes grosso modo antérieures à 1850 présente ainsi des particularités, dans le sens où il exige des compétences spécifiques sans lesquelles il ne pourrait pas se réaliser.
Par traitement intellectuel, je comprends les tâches de classement, de tri, d’analyse et de description d’un fonds d’archives et de ses documents, aboutissant à la rédaction d’un instrument de recherches, le plus souvent un inventaire. Il s’agit d’une chaîne de travail dont les maillons sont étroitement imbriqués4 et qui est réalisée en appliquant les principes fondamentaux de l’archivistique : le respect du fonds et de sa structure organique, ainsi que les normes de descriptions internationales.5 Pour de nombreux professionnels, ces tâches sont des compétences-clés6 et forment l’un des cœurs, si ce n’est le cœur du métier de l’archiviste7. Ce sont en effet elles qui permettent « au public de connaître l’existence des documents et d’y avoir accès »8. D’une certaine manière, elles « sauvent le document d'archive de son inertie et le rendent repérable par un lecteur »9. L’instrument de recherches qui en découle devient ainsi « la clé du trésor »10.
Le traitement intellectuel a été abondamment décrit dans la littérature archivistique,11 en particulier l’analyse et la description qui font régulièrement l’objet d’études12. Cette profusion de matière dévoile une préoccupation professionnelle permanente, qui évolue selon les enjeux du moment.13 L’émergence des normes internationales depuis les années 1990 a constitué un véritable tournant en cherchant, par l’harmonisation, à faciliter les échanges et à ouvrir la voie à une exploitation informatique des instruments de recherches14. La dernière (RiC : Records in Contexts) vise le décloisonnement des données descriptives et leur adaptation aux technologies du Web sémantique15. Ces évolutions stimulent les réflexions : améliorations, gain de temps ou encore développement du travail collaboratif.16 Le rêve de la description parfaite a donc encore de beaux jours devant lui.17
L’expression « archives anciennes » est floue. Afin d’orienter le lecteur, j’ai décidé de fixer une limite temporelle : « grosso modo antérieures à 1850 ». Ce terminus ad quem demeure arbitraire et ne correspond à aucune réalité archivistique concrète. Si d’un point de vue historique, on pourrait le rattacher à la création de l’État fédéral moderne en 1848, mon intention dans ce travail est autre. Elle porte sur les documents anciens qui posent des problèmes de lecture et de compréhension à une grande partie des archivistes et des usagers. Il s’agit avant tout des archives médiévales et modernes, mais aussi, de plus en plus souvent, de documents plus récents. Ici, l’ancienneté exprimée est donc moins liée à une temporalité précise qu’à la nécessité de compétences.
Les documents qui nous intéressent s’étendent sur plus de 1000 ans18. Durant cette longue période, la production documentaire a connu de multiples transformations (supports, écritures, langues, typologies, etc.) et un grand développement. Les archives anciennes constituent ainsi une masse volumineuse de documents hétérogènes d’une grande valeur historique et patrimoniale, dans le sens où elles fournissent des informations souvent uniques sur les sociétés humaines et les individus. En Suisse, la plupart d’entre elles sont conservées dans les services d’archives des collectivités publiques (cantons, communes), qui réunissent à la fois des fonds publics et des fonds privés, mais aussi dans d’autres services spécialisés, notamment ecclésiastiques.19
Il est très difficile de se faire une idée de la manière dont sont traitées intellectuellement les archives anciennes aujourd’hui en Suisse ou dans les pays limitrophes. Ce travail se réalise en général dans l’ombre. Selon mes recherches, qui mériteraient d’être approfondies20, il n’a laissé que peu de traces dans la littérature spécialisée ces vingt dernières années. L’article de Gérardot et Chanaud dédié à la prise en charge de deux fonds médiévaux semble ainsi une exception21. Le traitement intellectuel apparaît également en marge de grands projets aux mises en valeur ambitieuses, par exemple celui terminé de l’Abbaye de Saint-Maurice et ceux en cours des Archives de l’Ancien Évêché de Bâle et de l’Université et des Archives de l’État de Namur en Belgique22. Ces entreprises d’envergure ne doivent pas faire oublier le traitement d’autres fonds, moins prestigieux ou plus petits, et des pièces isolées, qui a lieu régulièrement dans les services d’archives.
Il résulte de ces travaux que les archives anciennes sont complexes par nature23, ce qui rend leur traitement contraignant24. En effet, plus on remonte le temps, plus les documents présentent des caractéristiques qui échappent aux lecteurs du XXIe siècle. Les archivistes qui s’en chargent doivent avoir des compétences qui permettent de faire face aux « difficultés paléographiques, linguistiques, typologiques, institutionnelles », ainsi qu’aux particularités « des circonstances locales et du contexte historique général »25. En outre, la réalisation d’inventaires à la pièce est souvent la règle, contrairement aux fonds contemporains décrits plus sommairement. Ce souci de la précision s’explique par la tradition héritée des générations précédentes d’archivistes, qui avaient une prédilection pour ces documents,26 mais aussi par la volonté d’en donner l’accès à un public le plus large possible,27 généralement en incapacité de les comprendre28. Difficultés et exhaustivité font que le traitement intellectuel des archives anciennes exige à la fois beaucoup de temps et de moyens.
Je reviens à mon constat initial et pose la question de savoir si les compétences nécessaires à la prise en charge intellectuelle des archives anciennes ne subissent pas un déclin en Suisse. Pour esquisser une réponse, j’ai choisi de mettre en évidence quelques indices qui méritent d’être pris en considération.
Depuis les années 1990, la profession archivistique a connu un bouleversement en Suisse comme dans le monde. Sans entrer dans les détails de ce phénomène, nous pouvons évoquer plusieurs facteurs dont certains remontent un peu plus haut dans le temps : le recentrage des activités sur la masse des archives contemporaines,29 l’apparition des normes internationales de description, l’essor des cadres légaux et institutionnels sur l’archivage30 et le développement de nouvelles formations orientées d’abord sur la gestion documentaire et les sciences de l’information31. Ce dynamisme s’est révélé nécessaire face aux transformations sociétales à l’œuvre, surtout le développement technologique et administratif en lien avec l’essor du numérique32. En quelques décennies, le métier a ainsi profondément changé, appelant les archivistes sur de nombreux fronts : records management, fonds clos, conservation, restauration, valorisation, médiation, etc. Ces enjeux actuels exigent des compétences nouvelles qui sont privilégiées sur le marché du travail. Les formations archivistiques concentrent logiquement leurs efforts sur ces spécificités. En Suisse, leurs programmes, mis en place tardivement au tournant du XXIe siècle en réunissant bibliothéconomie, archivistique et sciences de l’information,33 en témoignent.34 Quant aux autres cours professionnalisants, notamment organisés par l’Association des archivistes suisses (AAS)35, leur format de courte durée ne concerne pas ou peu le domaine qui nous intéresse. En résumé, aucune des formations archivistiques diplômantes en Suisse ne permet aujourd’hui de se former au traitement intellectuel des archives anciennes.
Je me concentre ici sur deux domaines, qui font partie des compétences requises pour le traitement des archives anciennes : le latin et la paléographie.
Le latin « classique » peut s’apprendre, selon les cantons, dès le secondaire 1 (S1), puis au secondaire 2 (S2) et ensuite à l’université.36 La plupart des universités proposent des cours de rattrapage ouverts à tous mais obligatoires pour certaines sections des facultés de Lettres,37 ainsi que des formations spécifiques aux niveaux bachelor et master38. Certaines d’entre elles proposent aussi des formations en latin médiéval.39 D’après une étude publiée en 2024, la situation aux S1 et S2 est plutôt rassurante dans le sens que, malgré les attaques récurrentes, cet enseignement arrive à s’y maintenir.40 En fait, la chute de son importance date de la fin du XXe siècle,41 lorsque son statut est passé d’obligatoire à facultatif ; le nombre d’années et de périodes qui lui étaient dévolues avait alors diminué, touchant de moins en moins d’élèves.42 L’étude précise toutefois qu’il « est impossible d’obtenir des chiffres sur le nombre d’élèves, que ce soit au S1 ou S2 »43. J’ai tout de même pu obtenir ceux du S2 valaisan pour la période 2014-2023.44 Il en ressort que les effectifs sont en baisse alors même que le nombre d’élèves, toutes années et toutes OS confondues, augmente.45 Je relève également que la tendance des cours de rattrapage dans les universités est à la baisse46 et que les études en Lettres sont actuellement en souffrance47. La question de l’utilité du latin est d’ailleurs régulièrement évoquée dans la presse,48 la branche pâtissant « de la désaffection des ‘humanités’ [et] de la culture classique »49, tout en étant marginalisée dans la société50.
La paléographie appartient au groupe des sciences dites auxiliaires ou fondamentales de l’histoire. Des chaires qui leur étaient dédiées existaient dans certaines universités depuis la deuxième moitié du XIXe siècle. Elles ont été progressivement supprimées dans les années 1980, plus tard à Fribourg. Actuellement, ce sont des chargés de cours qui proposent une formation minimale d’un semestre ou deux en paléographie.51 Aucun perfectionnement n’est donc envisageable en Suisse, si ce n’est par l’effort individuel, via des formations en ligne52 ou des cours ponctuels53. La seule possibilité de se former de manière solide est de suivre des formations à l’étranger, comme à l’École nationale des chartes de Paris,54 mais les places y sont restreintes.
Les tendances évoquées ci-dessus montrent que les deux domaines abordés sont dans une courbe négative et que cette dernière est même préoccupante pour la paléographie. Est-elle plus positive pour les autres disciplines concernées ? On peut en douter, à l’image de l’histoire qui a subi une forte baisse du nombre d’étudiants universitaires ses vingt dernières années55.
Plusieurs historiens et paléographes ont observé la baisse générale de compétences dans leur domaine respectif56. Certains tirent même la sonnette d’alarme, comme von Scarpatetti dans un article intitulé « La paléographie : bientôt un savoir ancestral ? »57. Ces inquiétudes sont partagées par bon nombre de professionnels aujourd’hui : le projet européen FONTES, qui réunit plusieurs universités et hautes écoles (Italie, France, Pologne, Suisse) en témoigne ;58 né des « préoccupations […] liées à la pérennisation d’un savoir-faire que requièrent la lecture et l’étude des sources médiévales et modernes », il vise à établir de nouvelles méthodes d’apprentissage grâce aux avancées des humanités numériques, qui constituent un bel espoir, mais que très peu de monde maîtrise encore.59 En Suisse romande, la création en 2022 de l’Institut Arthur Piaget dévoile aussi ces craintes et une tentative de réponse.60 Si des initiatives sont donc actuellement à l’œuvre pour « pallier le péril que représente, à l’échelle européenne, la perte de connaissances et de savoir-faire indispensables à l’étude des sources médiévales et modernes »61, elles mettent surtout en exergue un élément essentiel : « le décalage qui existe désormais entre l’évolution technologique [et ce qu’elle offre] et la capacité toujours plus limitée des chercheur.e.s en sciences humaines à utiliser pleinement ces sources »62.
En tenant compte de tous les signaux évoqués ci-dessus, on peut se demander si le savoir-faire autour des archives anciennes n’est pas aujourd’hui en danger, avec le risque que notre société se coupe progressivement mais irrémédiablement de tout un patrimoine devenu inaccessible. La situation en Suisse est peut-être encore plus préoccupante que dans nos pays voisins aux traditions archivistiques bien ancrées63. La technologie qui a énormément progressé, notamment dans la Handwritten text recognition (HTR)64, offre un espoir prometteur auquel se raccrocher. Mais, sans des compétences humaines pour l’encadrer, la maîtriser et la contrôler, que peut-on vraiment en attendre ? La problématique semble occuper surtout des chercheurs universitaires, cependant, qu’en est-il dans les services d’archives, acteurs majeurs de la préservation et de la mise à disposition de ce patrimoine ?
Pour tenter de répondre aux interrogations énoncées ci-dessus, j’ai choisi de mener une enquête dans plusieurs institutions. Le terrain principal est constitué des Archives cantonales romandes65. En Suisse, où le panorama des dépôts d’archives est une « mosaïque » qui reflète le système fédéral66, les Archives cantonales ont un rôle primordial : « outre les archives des anciens gouvernements et des anciennes administrations, [elles] conservent des archives féodales […], des archives ecclésiastiques […], ainsi que des archives notariales »67. Par leur fonction patrimoniale, elles ont donc un lien direct avec des archives anciennes et sont confrontées à leur prise en charge. Elles présentent également de « notables différences entre elles : différences de taille […], différences de rattachement administratif […]. Plus encore, chaque service organise ses fonds […] [et leur] traitement […] comme il l’entend »68. Ces disparités permettront sans doute de mettre en évidence des divergences dans les pratiques.
Le terrain comparatif, quant à lui, réunit trois autres entités institutionnelles qui conservent aussi des documents anciens mais qui ont des contextes organisationnels différents69. Il s’agit tout d’abord d’un dépôt « spécialisé », les Archives de l’Ancien Évêché de Bâle, situé à Porrentruy (JU). Cette fondation conserve principalement les archives des princes-évêques de Bâle qui ont exercé le pouvoir spirituel et temporel du Moyen Âge jusqu’à la Révolution française sur un territoire qui touche à quatre cantons (Berne, Jura, Bâle-Campagne et Bâle-Ville). Les deux autres entités se trouvent, quant à elles, au sein de bibliothèques patrimoniales : la collection des manuscrits et des archives de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne et le secteur des manuscrits et des archives privées de la Bibliothèque de Genève. Cette présence de fonds d’archives dans des bibliothèques est fréquente70 et témoigne de la porosité entre ces deux domaines.71
L’enquête menée a suivi une approche qualitative inspirée des sciences sociales et des professionnels de l’évaluation72. Avec le procédé des entretiens semi-directifs, le chercheur « dispose d’une série de questions guides, relativement ouvertes » et laisse l’interlocuteur parler librement, recentrant l’entretien sur les objectifs s’il s’en écarte.73 Cette méthode permet de récolter des informations variées et riches, ce qui correspondait bien à la visée explorative de mon étude. Le guide d’entretien a été conçu autour de six « thématiques »74. Les questions ont été posées aux responsables des entités sélectionnées. Ce choix s’explique par la volonté d’obtenir une vue d’ensemble en matière d’organisation, d’équipe, de finance ou de vision stratégique75.
Dans cette deuxième partie, qui se veut descriptive, je présente les informations récoltées lors des entretiens.76 Les Archives cantonales et les autres organisations consultées me servent de supports pour tenter de révéler une réalité. Je ne cherche donc pas à les comparer entre elles, mais à tirer un enseignement général et des tendances qui éclairent la situation actuelle en Suisse romande. Il ne s’agit pas non plus de porter un jugement sur ce qui s’y fait, mais un regard attentif qui permette de lever une partie du voile sur ce domaine peu étudié. Les résultats ont été structurés en plusieurs thématiques réunies en deux ensembles, l’un dédié à l’état des archives anciennes et de leurs inventaires, et l’autre au traitement intellectuel de ces mêmes archives.
Je commence par un point de situation sur les archives anciennes et sur les inventaires qui y sont liés. J’aborde aussi les questions de l’acquisition et de l’arriéré, importantes pour déterminer si, aujourd’hui encore, les institutions sont amenées à traiter intellectuellement des documents anciens.
Avant d’aborder le vif du sujet, je reviens sur la notion d’« archives anciennes » utilisée dans cette étude. Lors de mes travaux préparatoires, j’avais opté pour les expressions « fonds d’archives anciennes » ou « fonds anciens ». Cependant, en menant les entretiens, j’ai constaté qu’elles posaient des problèmes. En Suisse, le terme « fonds » est souvent utilisé comme un équivalent du terme « archives ». Or ces dernières ne sont pas que des fonds organiques77, mais aussi parfois des pièces isolées ou des collections. En outre, dans certaines institutions, l’expression « fonds anciens » sert à désigner uniquement les anciens fonds de l’État. Enfin, de nombreux fonds couvrent plusieurs siècles, réunissant des documents anciens et des plus récents ; peut-on alors les qualifier d’anciens ? J’ai donc finalement écarté la notion de « fonds », trop restrictive et potentiellement source de malentendus.
Ceci précisé, il n’en demeure pas moins que l’expression « archives anciennes » présente elle aussi un flou. Qu’est-ce qui est ancien, qu’est-ce qui ne l’est pas ? Tous mes interlocuteurs s’accordent à dire que les archives des époques médiévale et moderne le sont. En revanche, le terminus ad quem de 1850 a été discuté. La date proposée ne fait pas consensus. D’autres repères temporels ont parfois été évoqués, comme l’apparition des textes aux caractères uniformisés grâce à la machine à écrire. Il ressort ainsi des entretiens une indétermination des archives anciennes, qui n’est d’ailleurs pas anodine pour mon travail. En effet, dans bien des sujets abordés, il a été relativement difficile pour les personnes interrogées de les isoler. Leurs propos ont parfois dévié sur des considérations qui touchaient à l’ensemble des archives historiques, y compris celles du XXe siècle. Force est donc de constater que les archives anciennes ne constituent pas un ensemble clairement défini ni distinct du reste – si ce n’est peut-être par les compétences nécessaires pour les traiter – et que ma tentative de définition théorique n’a pas pesé bien lourd face à cette réalité.78
Toutes les Archives cantonales interrogées conservent des archives anciennes antérieures à 1850.79 Leur contenu et leur volume diffèrent d’une institution à l’autre, dépendant notamment de l’historique de la conservation des fonds publics et de la politique d’acquisition des fonds privés. Les responsables se sont toutefois trouvés bien empruntés face à mes questions relatives à leur ampleur, car ils n’avaient à disposition aucun chiffre précis, ni en mètres linéaires, ni en nombre de fonds. On en est donc réduit à de vagues estimations : les archives anciennes, toutes Archives cantonales interrogées confondues, représentent sans doute plus d’un millier de fonds et plusieurs kilomètres d’archives, probablement plus de dix. Il s’agit dans tous les cas d’une masse volumineuse et d’un patrimoine de grande importance, composés de documents remontant jusqu’au IXe siècle. Les bibliothèques patrimoniales rencontrent les mêmes difficultés à évaluer la part représentée par les archives anciennes, mais leurs fonds, presqu’exclusivement privés, en sont assez largement constitués. Quant aux AAEB, elles conservent 1600 mètres linéaires d’archives, toutes anciennes car antérieures à 1815.
On pourrait penser que, à l’heure actuelle, les Archives cantonales n’acquièrent plus d’archives antérieures à 1850, faute d’occasions. Il n’en est rien. Même si la majorité des entrées concernent des fonds du XXe siècle, et si des signes de tarissement sont signalés par plusieurs responsables, chaque année des documents anciens rejoignent les institutions. Il s’agit le plus souvent de pièces isolées ou de petits fonds, plus rarement d’entrées d’importance, comme le fonds du Chapitre cathédral de Sion aux AEV en 201980 ou celui du Vicariat épiscopal de Genève aux AEG en 202281. Les lois cantonales sur l’archivage permettent aux Archives cantonales de collecter des fonds privés qui ont une valeur significative pour l’histoire de leur canton.82 Pour encadrer cette possibilité et les choix qui en découlent, certaines institutions ont établi une politique d’acquisition83. Ces documents administratifs ne portent en général aucune attention particulière aux archives anciennes, même si les services se disent accueillants pour celles-ci. L’ancienneté et la rareté sont des critères qui peuvent être déterminants, mais ils doivent toujours être couplés à d’autres éléments pertinents. Les acquisitions d’archives anciennes sont d’ailleurs plutôt le fait d’opportunités que d’une politique active des services. L’archiviste d’État de Genève explique : « On n'est pas pro-actif car on n'a pas les ressources. En revanche, on est sollicité régulièrement (…) ».84 Selon l’archiviste cantonal de Fribourg, une attitude proactive peut même se révéler délicate et susciter la crainte des propriétaires ou éveiller chez eux un intérêt pécuniaire.85 D’autres interlocuteurs précisent qu’il est difficile d’avoir une vision de ce qui se trouve chez des privés. Dans les deux bibliothèques patrimoniales, la situation est similaire. Des politiques d’acquisition formalisées existent86 et des entrées d’archives anciennes, soit de documents isolés, soit de petits fonds, ont lieu presque chaque année. Aux AAEB, l’acquisition d’archives anciennes, souvent des pièces isolées, est en revanche moins fréquente.
Au cours de leurs existences, les Archives cantonales ont produit différents types d’instruments de recherches : inventaires, répertoires, index ou guides. Je n’aborde ici que le cas des premiers. Réalisés entre le XVIIIe et le XXIe siècles, les inventaires des archives anciennes présentent une forte hétérogénéité. La majorité d’entre eux ont été établis bien avant les normes internationales de description. Les disparités entre institutions mais aussi au sein d’une seule sont donc très importantes. Il s’agit souvent d’inventaires à la pièce, car les archives anciennes, en particulier les médiévales, ont bénéficié d’une attention particulière. Cependant, malgré cette situation globalement privilégiée, certaines d’entre elles ne disposent que de descriptions partielles, voire sommaires ou fautives ; d’autres n’ont même jamais été traitées. Cela s’explique en général par leur historique de conservation ou les aléas du service dépositaire dont les équipes n’ont pas toujours été suffisantes ou compétentes.
Ces vingt dernières années, la plupart de ces inventaires ont été rétro-convertis en format numérique, soit automatiquement, quand cela était possible (numérisation + OCR87), soit manuellement. Une grande partie des données ont ainsi été partiellement harmonisées ou améliorées, et versées dans des bases de données à disposition du public sur Internet. Le résultat diffère toutefois d’une institution à l’autre en raison notamment de la solution informatique retenue, mais aussi de stratégies différentes : certaines ont choisi de rétro-convertir l’ensemble des inventaires et sont encore en train de le faire manuellement avec ceux du XIXe siècle ; d’autres ont décidé de le faire seulement pour ceux qui pouvaient l’être automatiquement, se contentant de mettre à disposition en ligne les scans des autres (sans possibilité de recherche par mots-clés).
Dans les deux bibliothèques patrimoniales et les AAEB, la situation est globalement comparable. La responsable de la collection des manuscrits et des archives de la BCUL signale que l’état de certains inventaires est compliqué, car les fonds correspondants ne sont qu’à moitié traités. Elle estime qu’il y a encore beaucoup de choses à faire dans ce domaine.88
L’arriéré est « l’ensemble des documents conservés dans un service d’archives non encore traités »89. C’est un sujet qui peut s’avérer délicat, certains auteurs qualifiant son existence de preuve d’échec et donc révélateur d’un problème d’infrastructure.90 Malgré cela, les responsables m’ont répondu assez ouvertement. Les projets de nouveaux dépôts, terminés ou en cours,91 ont nécessité des récolements des fonds qui leur permet d’avoir une bonne vision d’ensemble. Il en ressort que l’arriéré varie fortement d’un service d’archives cantonales à l’autre. Il dépend de plusieurs facteurs comme l’historique de l’institution, l’ampleur des versements des services administratifs, les priorités des directeurs précédents, la politique d’acquisition plus ou moins active, etc. En général, il est constitué d’archives du XXe siècle, mais tous les responsables mentionnent aussi des archives anciennes, parfois quelques boîtes, parfois de grands volumes. Il peut s’agir d’acquisitions récentes ou d’entrées qui remontent à plusieurs décennies, voire plus. Du côté du terrain comparatif, l’arriéré est également bien présent : dans les bibliothèques patrimoniales, son ampleur – y compris pour les archives anciennes –- y est annoncée comme importante ; aux AAEB, certaines séries, qui ont de grands potentiels selon le conservateur, n’ont jamais été traitées ou seulement superficiellement.
L’état des lieux se poursuit avec le traitement intellectuel des archives anciennes. Je présente d’abord les résultats obtenus sur son organisation, puis, en deux points distincts, sur les ressources compétentes nécessaires à sa réalisation. Sont également abordées des questions connexes, comme l’évolution de la description, le financement et la concurrence d’autres tâches archivistiques.
Dans les Archives cantonales, l’organisation du traitement intellectuel92 n’est pas normée. Chaque service a son fonctionnement, ou plutôt ses fonctionnements. Chacun doit composer avec un contexte différent : organisation interne, taille de l’équipe de base, apport des auxiliaires, profils des archivistes, volume de l’acquisition annuelle, état des arriérés, historique de l’institution, etc. Si des procédures existent, elles sont la plupart du temps appliquées avec souplesse. Quand cela est possible, les responsables cherchent à confier toutes les étapes du traitement intellectuel d’un fonds à la même personne, car l’opération nécessite une vision d’ensemble difficilement transmissible à un tiers.93 L’entraide entre collègues reste toutefois importante, notamment pour les pièces difficiles.
En ce qui concerne le personnel qui réalise le travail, là aussi il n’y a pas de règles qui prévalent. Chaque archiviste cantonal ajuste son organisation aux besoins du moment. Une tendance tout de même : si les archivistes nommés en CDI (contrat à durée indéterminée) continuent à traiter intellectuellement certains fonds, notamment publics, une partie importante, souvent même prépondérante, du travail est confiée à des aides temporaires, les premiers se contentant alors de superviser les opérations. Cet apport nécessaire des auxiliaires, à qui l’on donne volontiers le traitement de fonds sériels ou privés, est souligné par plusieurs directeurs. Leur statut est très varié : stagiaires (apprentis AID, étudiants HES, universitaires), civilistes, personnes placées par l’AI ou le chômage, mandataires (universitaires ou non), etc. Plus rarement, il est fait appel à des indépendants ou à des entreprises privées, surtout pour des fonds spéciaux et de grand volume. Dans ces cas, des moyens financiers plus importants sont indispensables. Un des directeurs a toutefois indiqué ne pas chercher ce dernier type de collaboration, préférant garder la maîtrise sur la méthode de travail.
Dans les bibliothèques patrimoniales, la situation est semblable. Le recours à des auxiliaires est aussi fréquent, mais avec des possibilités d’engagement variables selon l’institution. Des mandats ont aussi été octroyés à des entreprises privées ou des indépendants. Enfin, aux AAEB, le travail d’inventaire est réalisé par le personnel scientifique fixe, avec l’aide ponctuelle de stagiaires.
Qu’en est-il plus particulièrement du traitement intellectuel des archives anciennes ? Selon tous les témoignages récoltés, il se distingue par deux éléments déjà évoqués plus haut : les compétences spécifiques et une tradition de description plus fine, souvent à la pièce.
Tous les responsables interrogés s’accordent à dire que la prise en charge des archives anciennes exige des compétences particulières, à la fois pour lire (paléographie) et comprendre (langues anciennes, histoire) ces documents. Qui a ces compétences dans les institutions interrogées ? Sur les six directeurs des Archives cantonales, quatre, formés à l’École nationale des chartes de Paris, les ont ; un autre a des connaissances limitées et le dernier presqu’aucune. En ce qui concerne les trois responsables du terrain comparatif, tous les ont, deux étant aussi diplômés de la même école. Quant aux équipes, les informations récoltées ne concernent que les collaborateurs en CDI. La situation varie d’une institution à l’autre : deux Archives cantonales, qui sont d’ailleurs les seules à se dire satisfaites de la situation, bénéficient encore de trois personnes compétentes ou partiellement compétentes, une autre de deux et les trois dernières plus que d’une seule. La taille des équipes n’a étonnement que peu d’influence sur ces chiffres. Dans les archives en bibliothèques, la situation est contrastée : dans une, plusieurs personnes possèdent les compétences nécessaires, dans l’autre, une seule, quoique de manière limitée. Aux AAEB, tout le personnel scientifique les a.
Ces données conservent une part d’imprécision, car chaque individu a ses périodes de prédilections qui ne recouvrent souvent pas l’entier des archives anciennes à traiter. Pour les responsables, deux éléments importants sont aussi à prendre en compte : sur les sept qui ont les compétences, cinq sont proches de la retraite et cinq ne pratiquent plus depuis longtemps, leur cahier des charges ne le permettant pas. Quant aux collaborateurs qui en théorie ont les compétences, certains ne pratiquent plus non plus, ou seulement ponctuellement en raison de leurs autres activités. Or, comme plusieurs interlocuteurs l’ont souligné, les capacités dans ce domaine s’étiolent rapidement sans entrainement. Les services d’archives doivent donc se tourner souvent vers des ressources temporaires externes.
La prospection de ressources externes compétentes se révèle souvent ardue. Trois difficultés ressortent des entretiens : le repérage d’une personne, sa disponibilité, et, selon son statut professionnel, la procédure administrative (engagement ou mandat) qui s’en suit. La situation ne se présente toutefois pas toujours sous cet angle pro-actif. Le traitement des archives anciennes étant rarement une urgence, certains directeurs attendent que des opportunités se présentent. Parfois la simultanéité entre l’arrivée d’un fonds et la présence d’une ressource fait bien les choses, comme l’archiviste cantonal de Neuchâtel en a témoigné.94
Dans ce recrutement, les réseaux jouent un rôle central. La proximité d’une université est un avantage, qui permet de trouver plus facilement des étudiants ou des jeunes diplômés pour un stage ou un travail temporaire. Cette configuration fonctionne relativement bien pour des fonds des XVIIIe et XIXe siècles, qui ne posent souvent que des difficultés limitées. En revanche, elle ne suffit généralement plus pour des fonds plus complexes, plus anciens ou plus volumineux. Dans ces cas, des profils aguerris, souvent des archivistes indépendants ou travaillant dans des entreprises, doivent être dénichés, mais leur rareté et leur coût compliquent la tâche.
Presque tous les responsables interrogés ont aussi fait le constat du recul général des compétences, notamment en latin et en paléographie. La plupart pointe du doigt les formations universitaires. Le cas de la paléographie est symptomatique : son enseignement est jugé fragile et la forme des cours actuels insuffisante, même si ces derniers ont le mérite d’exister. Quelques-uns signalent que les documents en latin n’y sont parfois même plus abordés, car la majorité des étudiants ne maîtrisent plus cette langue. D’autres observent que de nombreux travaux de master ou même de doctorat ne se réalisent plus sur des sources primaires, mais uniquement sur des textes édités. Le conservateur des AAEB évoque un problème plus large : « Il y a un fait civilisationnel. On était habitué à voir des écritures qui n'étaient pas la sienne. Et puis maintenant on utilise l'ordinateur (…). Il y a un rapport à l'écriture manuscrite qui est transformé. »95. Si la situation actuelle est perçue comme comportant un risque, plusieurs interlocuteurs nuancent toutefois : certains expliquent qu’il existe des cycles ou des modes dans les formations, alors que d’autres estiment que la rareté des ressources compétentes n’est pas nouvelle et qu’elles reposaient déjà sur un petit nombre de personnes auparavant.
Comme nous l’avons vu, une des caractéristiques du traitement intellectuel des archives anciennes est le niveau de description à la pièce. Lors des entretiens, plusieurs responsables ont remis en question cette habitude. Par exemple, le secteur des manuscrits et des archives privées de la BGE ne réalise plus de description systématique à la pièce, sauf au cas par cas, notamment pour les correspondances, qui sont un fleuron de l’institution. De même, plusieurs interlocuteurs ont mentionné la possibilité d’un travail itératif rendu possible par l’informatisation des inventaires, les notices descriptives pouvant être continuellement améliorées. Les AEV étudient, par exemple, une nouvelle manière de faire qui privilégie la création d’instruments de recherches sommaires dans un premier temps et l’affinage par la suite au gré des occasions. Aux AEN, le directeur signale l’apport possible des chercheurs qui pourraient participer à l’amélioration des contenus lors de leurs travaux de recherche. Cette remise en question du modèle traditionnel de description n’est toutefois pas partagée par tous. Certains responsables soulignent qu’un travail détaillé reste nécessaire.
La majorité des interlocuteurs ont également mentionné l’évolution technologique, avec l’apparition de la norme de description RiC ainsi que des possibilités offertes par la HTR et l’International Image Interoperability Framework (IIIF)96. La plupart la voit d’un bon œil, car elle permet d’imaginer des améliorations importantes, comme associer aux notices descriptives les documents numérisés et leurs transcriptions ainsi qu’éventuellement leurs traductions et des listes de mots-clés générées automatiquement. C’est un véritable changement de paradigme qui s’annonce, y compris pour les archives anciennes. Les deux bibliothèques patrimoniales ont, de leur côté, un coup d’avance, car elles disposent déjà d’outils compatibles avec IIIF. Le projet « Crimes et châtiments » des AAEB pourrait, quant à lui, servir d’inspiration. Il a pour objectif d’ « offrir au public le meilleur accès possible » aux procédures criminelles et aux procès de sorcellerie de l’ancien Évêché de Bâle (1461-1797), « grâce à trois outils complémentaires consultables en ligne : des répertoires extrêmement détaillés ; les reproductions numériques de tous les documents ; leurs transcriptions systématiques générées automatiquement par HTR. »97 C’est un projet ambitieux, qui nécessite toutefois des recherches de financement et un engagement en temps très important.
Ces développements technologiques pourraient-ils à terme rendre caduc les compétences aujourd’hui indispensables à l’appréhension des archives anciennes ? Tous mes interlocuteurs estiment qu’elles seront sans doute utilisées différemment, mais qu’elles devraient continuer à être utiles et même nécessaires pour maîtriser la « machine », qui doit rester un outil.
Dans les organisations consultées, le traitement intellectuel des fonds est financé en grande partie par le budget de fonctionnement de l’institution, qui prend en charge les salaires des collaborateurs en CDI et permet ou non l’engagement d’auxiliaires et l’attribution de mandats. À cela s’ajoutent des possibilités de recrutement de forces temporaires financées par le chômage, l’AI ou le service civil.
Selon les témoignages collectés, la recherche de financement supplémentaire spécifiquement pour le traitement intellectuel des archives anciennes peut avoir lieu soit à l’interne de l’administration, soit à l’externe. En interne, les solutions sont limitées et dépendent de chaque contexte institutionnel. Selon la situation économique, des budgets complémentaires peuvent parfois être obtenus, rarement des postes fixes. En externe, les tentatives semblent peu fréquentes. Cela arrive ponctuellement pour des fonds privés et peut prendre principalement deux formes. La première, qui est la plus répandue, est la négociation d’un accord avec un propriétaire qui souhaite donner ou déposer un fonds dans l’institution, le service d’archives lui demandant de prendre en charge une partie des coûts du traitement intellectuel ou physique des documents. La seconde, plus rare et plutôt réservée aux fonds d’archives exceptionnels, est la recherche de fonds via des mécènes, des sponsors ou des sociétés d’utilité publique. Plusieurs institutions interrogées l’ont pratiquée, parfois à travers des associations existantes ou créées pour l’occasion, d’autres non. Là aussi le contexte administratif peut jouer en faveur ou en défaveur d’une telle démarche, tout comme le contexte géographique, certaines régions étant mieux pourvues en mécènes que d’autres. Ces ressources financières supplémentaires peuvent se révéler capitales pour le traitement intellectuel d’archives anciennes. Elles permettent, par exemple, de rétribuer des profils plus expérimentés pour traiter des fonds d’importance, alors que les ressources financières internes ordinaires ne permettent souvent l’engagement temporaire que de forces avec peu d’expérience.
La multiplicité des tâches qui occupent les archivistes aujourd’hui a souvent été évoquée par les responsables lors des entretiens : records management, médiation, communication, gestion administrative, conservation préventive, etc. Le traitement intellectuel, et plus particulièrement celui des archives anciennes, a bel et bien perdu son « monopole » d’autrefois. Dans les services d’archives cantonales, si le traitement intellectuel reste bien sûr une tâche essentielle, les enjeux sont aujourd’hui ailleurs, surtout dans l’évaluation et le records management. La gouvernance documentaire accapare une grande partie des énergies comme en ont témoigné la directrice des ACV et l’archiviste d’État de Genève98. L’archiviste cantonale du Valais a, quant à elle, signalé des répercutions au sein de son organisation, avec le recrutement d’archivistes-informaticiens et l’orientation différente de ses équipes pour répondre aux nouveaux besoins99. Dans ce domaine, tous parlent de chantiers encore énormes.
Après cette enquête qualitative, je dresse un bilan en mettant en exergue quelques constats saillants, puis je développe une réflexion sur des perspectives en quatre axes, qui constituent une proposition d’éléments à considérer et de pistes à creuser pour l’avenir.
Les entretiens ont été riches en information et ont levé une partie du voile sur l’état du traitement intellectuel des archives anciennes en Suisse romande. Je dresse ici quatre constats qui me seront utiles pour ma réflexion finale.
Le premier concerne les archives anciennes à traiter. La situation dans les entités interrogées montre que, aujourd’hui en Suisse romande, leur afflux n’est pas encore tari et que le potentiel de travail est encore substantiel. Parmi « cet océan inexploré que constituent les archives privées et familiales non déposées dans les services publics »100, certaines, antérieures à 1850, continueront à rejoindre, de temps à autres, les institutions qui devront les prendre en charge, en plus de l’arriéré déjà existant.101 Le cas des archives ecclésiastiques, d’une grande richesse patrimoniale, mérite d’être relevé. Le directeur des AEF l’a d’ailleurs évoqué en le qualifiant de « souci d’avenir »102. Ce constat sur les archives anciennes à traiter demanderait également à être vérifié au-delà du cercle des institutions approchées dans cette étude. Qu’en est-il, par exemple, des archives communales, qui possèdent aussi des fonds anciens d’importance ? Leur situation varie d’un canton à l’autre, et même d’une commune à l’autre103. D’après plusieurs archivistes cantonaux interrogés, ce patrimoine, s’il n’est pas abandonné, est parfois délaissé, faute de ressources et de connaissances suffisantes. En matière d’archives anciennes, il y a là aussi matière à réflexion.
Deuxième constat, les compétences nécessaires au traitement intellectuel des archives anciennes existent encore, mais, si le bilan les concernant est plus nuancé qu’imaginé, le contexte global leur est défavorable. Il est d’ailleurs intéressant de relever que toutes les institutions consultées cherchent des forces d’appoint temporaires pour réaliser une partie importante du travail. Selon la complexité ou l’ampleur des fonds à traiter, les personnes sont alors plus ou moins difficiles à trouver. Ce fonctionnement masque un autre problème, celui de la durabilité et du renouvellement de ces compétences. À ce sujet, presque tous les responsables ont exprimé des craintes. La formation en Suisse, en particulier en paléographie, est jugée préoccupante. La technologie sera incontestablement une aide très utile, mais il s’agira non seulement d’être capable de la maîtriser techniquement, mais aussi intellectuellement. Les compétences de base, même utilisées différemment, seront donc, selon toute vraisemblance, toujours nécessaires.
Troisième constat, le traitement intellectuel des fonds d’archives est en train d’évoluer. D’une part, l’apparition de la nouvelle norme RiC et le développement des nouvelles technologies annoncent des changements importants ; d’autre part, la masse de documents à traiter couplée aux autres urgences pousse à trouver des solutions moins chronophages. La prise en charge des archives anciennes s’en trouve bien évidemment aussi impactée. Les constats sur la transformation du métier de l’archiviste présentés dans la première partie du travail se sont donc vus confirmés sur le terrain. Toutefois, tout reste à faire dans ce domaine : la plupart des bases de données des inventaires ne sont pas encore compatibles avec les dernières innovations, les technologies ne sont pas encore complètement au point et les archivistes ne sont pas encore vraiment formés à ces nouveaux outils. La question écologique pourrait également représenter un frein.
Dernier constat, les entretiens ont mis en évidence un élément que je n’ai pas développé104 mais que je relève ici : les institutions utilisent fréquemment les archives anciennes comme vitrine. Ces dernières leur servent même parfois d’images de marque, à l’instar des manuscrits médiévaux qui bénéficient d’une valorisation exceptionnelle à l’échelle suisse et internationale105. Les archives anciennes jouent donc là un rôle important. Si les institutions consultées ne mènent que très peu de projets en humanités numériques, elles participent volontiers à ceux menés par d’autres. Dans ces cadres, les numérisations d’archives anciennes sont fréquentes et donnent l’occasion aux services d’archives de prendre part à des entreprises innovantes qui connaissent un certain engouement.
L’enquête a confirmé globalement ce qui a été annoncé dans le cadre de l’étude, à savoir que, entre urgences et activités protéiformes, l’archivistique contemporaine pousse à la marge le traitement intellectuel des archives anciennes. J’ai ainsi pu constater un certain manque de vision des dirigeants pour ce domaine.106 Deux éléments ont été révélateurs : l’absence de souhaits spécifiques – excepté celui d’avoir plus de ressources pour faire le travail – et la terminologie utilisée (« saisir des opportunités ou des occasions », « hasard qui fait bien les choses », « chance », « attente de meilleurs outils informatiques », etc.). L’attitude change quand des problèmes se présentent, comme l’arrivée d’un fonds de grand volume. Des solutions sont alors recherchées, mais toujours par projet, sans perspective sur le long terme ni réflexion stratégique plus large. S’il est clair que le traitement intellectuel des archives anciennes est devenu secondaire – tout en restant fondamental –, les enjeux qui l’accompagnent mériteraient d’être mieux considérés. La réflexion qui suit est donc une proposition, celle de porter un regard « rajeuni » sur les archives anciennes et leur prise en charge intellectuelle. Elle met en évidence quatre éléments qui devraient, à mon sens, servir au renouvellement de l’approche du domaine et à sa consolidation.
Malgré l’image qu’il véhicule107 et malgré le fait qu’il soit devenu une activité de second plan, le traitement intellectuel des archives anciennes n’en demeure pas moins un enjeu actuel, peut-être même plus que jamais.
Comme nous l’avons vu, des archives anciennes continuent de rejoindre des services d’archives publiques. La question doit même se poser plus largement : un grand nombre de documents anciens sommeillent dans des entités (communes, paroisses, etc.) qui n’ont souvent ni les moyens ni les compétences de les traiter. Ce patrimoine local est pourtant essentiel pour notre société : il représente l’échelon politique ou religieux le plus proche du citoyen et contient une foule d’informations sur les individus et leurs interactions remontant parfois à l’époque médiévale. La potentielle prise en charge de ces fonds et le besoin de compétences spécifiques qui va avec sont donc un enjeu auquel la profession doit être capable de répondre.
Le traitement intellectuel des archives anciennes joue également un rôle essentiel dans la mise en ligne de documents numérisés. Pour les services d’archives, il ne s’agit pas simplement de mettre à disposition des images. Cette opération doit impérativement s’accompagner d’une contextualisation des documents et des fonds auxquels ils appartiennent.108 Ces précisions, les archivistes sont les seuls à les connaître.109 Leur savoir devient d’autant plus important que l’accès aux archives anciennes s’est vu largement démocratisé, attirant des usagers qui ne sont pas en mesure de les comprendre110. Il doit désormais également servir à « organiser la porosité des données et métadonnées pour les ouvrir à des usages nouveaux » puisque « l’on a [désormais] dépassé l’approche du document pour aborder celle de son contenu »111. L’évolution des inventaires proposant documents numérisés et transcriptions automatiques va dans ce sens. Malgré les coûts et l’impact écologique, ces opérations devraient prendre de l’ampleur à l’avenir. Dans cet univers de données ouvertes, l’autorité de l’archiviste, voire son identité, est parfois remise en question.112 Si le retour des expérimentations de ces nouveaux procédés semble plutôt réaffirmer son importance, il faut souligner le fait que la maîtrise des archives anciennes et de leur contexte en demeure néanmoins la condition sine qua non.113
Enfin, plus largement, les documents anciens participent à des enjeux sociétaux. Dans la culture contemporaine, les archives ont acquis une place inédite touchant des publics variés dans des domaines qui le sont tout autant114. La réflexion les concernant est devenue « polycentrique, ce qui apparaît aussi bien dans l’écriture de l’histoire que, plus largement, dans le contrôle politique et mémoriel de la documentation ancienne et contemporaine, identifiée dorénavant comme un enjeu crucial, tant par les États que par les sociétés civiles »115. L’information est d’ailleurs considérée aujourd’hui comme la quatrième richesse mondiale. Dans ce contexte, le rôle des archivistes demeure primordial, car ils sont « les garants de l’intégrité de l’information transmise dans un monde où l’accroissement de la quantité d’information disponible se fait souvent au détriment des éléments permettant de la critiquer »116 ; selon Melot, ils seront bientôt les seuls, avec les bibliothécaires et les documentalistes, « à compenser cette fuite en avant par un salutaire regard rétrospectif, par une mise en contexte, les seuls à penser que la communication ne doit pas se faire aux dépens de la transmission »117. Les services d’archives doivent donc tout faire pour continuer à se préoccuper de l’ensemble de leurs documents, peu importe leur ancienneté. Cette approche holistique ou universaliste, présentée comme une valeur professionnelle par Couture,118 m’apparaît comme un élément fondamental qu’il ne faudrait pas perdre de vue sous la pression des impératifs actuels du métier. Les archives anciennes font partie de ce tout et offrent des terrains d’exploration qui peuvent révéler des informations essentielles pour la société et les individus. Il est donc non seulement indispensable de maintenir les compétences pour les traiter, mais aussi de chercher à obturer les failles qui peuvent mettre en péril cette prise en charge.
Pour toutes ces raisons, le traitement intellectuel des archives anciennes n’a rien d’un devoir passéiste : il est actuel et même d’avenir.
Le traitement intellectuel des archives anciennes doit composer avec une certaine image péjorative. Il est tout d’abord un cliché qui lui colle à la peau : celui de l’ancien archiviste-chartiste, image d’Épinal de laquelle les dernières générations de professionnels ont cherché à tout prix à se distancier.119 Dans la littérature, ce portrait120 est souvent dressé pour marquer la différence entre l’archivistique d’hier, tournée vers le classement et la description des fonds anciens, et celle d’aujourd’hui, diversifiée, collaborative, dynamique, technologique. Le contraste est toujours saisissant. Lors des entretiens, plusieurs directeurs ont voulu montrer qu’ils s’en démarquaient. Force est donc de constater que la peur de cette étiquette a la vie longue et que le traitement intellectuel des archives anciennes est parfois associé, consciemment ou inconsciemment, à ces temps anciens de l’archivistique, comme s’il en était le vestige ou, pire, la dernière expression.
Un autre élément défavorable est le lien supposé avec une forme d’élitisme. L’ancien portrait des archivistes, intellectuels et conservateurs, l’incarne à sa manière. À cela s’ajoute l’exigence du latin, qui fut pendant longtemps un signe distinctif de la classe bourgeoise dominante.121 Même si la situation a bien changé aujourd’hui, ce lien demeure dans les esprits puisqu’il est presque toujours évoqué dans les articles de journaux qui traitent du latin dans les écoles.122
Enfin, le traitement intellectuel lui-même est en général peu valorisé dans la profession, car il est perçu comme une tâche classique et rébarbative confinée123 aux salles de tri. Dans les institutions consultées, un signe ne trompe pas : le fait de le déléguer dans une large part à des aides temporaires, avec les conditions salariales qui vont avec ; ces ressources, souvent peu formées, sont d’ailleurs toujours qualifiées d’« auxiliaires », jamais d’« archivistes », même dans les cas où elles en ont les qualifications ou l’expérience, ce « titre » étant réservé au personnel fixe. Cette hiérarchisation n’aide certainement pas à la valorisation de ce travail.
On pourrait s’interroger sur les conséquences de ces étiquettes négatives, à la fois à l’interne et à l’externe des services. Quoiqu’il en soit, il faudrait travailler à changer cette image, car elle ne reflète ni la réalité actuelle du travail, ni son importance, ni parfois sa complexité.
L’engagement fréquent de personnel auxiliaire peu formé pour réaliser le traitement intellectuel des fonds peut interroger au regard de l’utilité de cette tâche dont l’impact sur l’écriture de l’histoire revêt une importance sociétale à ne pas sous-estimer.124 Sans elle, les archives et leur contenu resteraient non seulement inaccessibles, mais aussi se délabreraient « wie ein unbewohntes Haus »125. Plusieurs de mes interlocuteurs l’ont reconnu, la qualité des inventaires produits en est impactée. La sous-dotation des équipes et les moyens financiers limités face à l’afflux toujours plus important de documents expliquent en grande partie cette situation. Mais, peut-on s’en satisfaire ?
En ce qui concerne spécifiquement les archives anciennes, je dirais que non, en raison notamment de l’enjeu du maintien des compétences indispensables à leur traitement. L’accumulation d’expériences est déterminante pour perfectionner l’« œil paléographique »,126 développer les connaissances linguistiques et maîtriser la « riche flore »127 des documents anciens. Or les engagements à court terme, souvent aléatoires, ne le permettent clairement pas. La précarité de ce statut pousse les individus concernés à changer d’orientation. Et, pour les services d’archives, c’est un éternel recommencement : trouver de nouvelles forces, les former, etc.
La mise en place d’une véritable formation pratique, qui allie archivistique et disciplines liées aux documents anciens, pourrait être une solution. Cependant, j’opterais plutôt pour la création d’un système d’appoint, sous forme d’équipes d’experts, qui permette, d’un côté, de fournir aux services d’archives du personnel compétent sur demande, et de l’autre, de donner suffisamment de travail à ce dernier pour qu’il puisse émerger et durer. Avec cette manière de faire, les institutions pourraient éviter la discontinuité du travail et tous ses corollaires contraignants. Cela permettrait également de lutter contre la déliquescence des compétences en renforçant le savoir-faire et les connaissances d’archivistes qui deviendraient ainsi hautement chevronnés. Ces derniers, dédiés à ce domaine, pourraient non seulement perfectionner leurs compétences classiques et nouvelles (notamment technologiques) afin d’être en phase avec les défis actuels, mais aussi les transmettre aux générations d’archivistes suivantes. Ce système viserait à la fois une amélioration de la qualité (des prestations, des productions, des savoirs), de l’efficience (efficacité des pratiques, souplesse, disponibilité), de la durabilité (des compétences, des services, des carrières) et de l’offre (possibilité d’atteindre des fonds « oubliés » ou négligés). Il s’agirait d’un bond professionnel pour ce domaine, en concordance avec les valeurs128 et le code éthique de l’archiviste, et participerait sans doute au rehaussement de son image.
Pour développer un système d’appoint tel qu’esquissé ci-dessus, il est nécessaire de réunir les forces. Il s’agit de dépasser le cloisonnement des services d’archives et leur fonctionnement en silo dans ce champ professionnel. La collaboration, l’échange et l’établissement de réseaux pour lutter contre le morcellement favorisé par le fédéralisme129 sont d’ailleurs promus et encouragés par l’AAS.130
Pour ce faire, il faudrait mettre à l’agenda cette problématique et mener une réflexion, qui réunirait des dirigeants d’institutions, des spécialistes des archives anciennes et des archivistes indépendants ou d’entreprises travaillant dans le domaine. Ces derniers pourraient se révéler grandement utiles, puisque leur point de vue dépasse déjà les frontières institutionnelles. Il s’agirait, dans un premier temps, d’élargir l’enquête proposée ici à d’autres régions de Suisse et d’autres services d’archives (communaux, ecclésiaux, etc.) et de la préciser avec des données quantitatives ; puis dans un deuxième temps, d’évaluer la pertinence de la proposition de mutualisation de services.
En cas d’intérêt, une des pistes possibles serait la création d’une entité, dont la nature serait à définir (collectif, association, etc.), qui puisse mettre en place un processus ciblé, coordonné et coopératif capable de se mobiliser131. Cet organisme serait alors à même d’engager ou de mandater les profils compétents et de planifier leurs interventions selon les besoins des services d’archives, qui financeraient le travail effectué dans leur institution avec d’autres soutiens. Les archivistes ou les équipes d’archivistes pourraient fonctionner comme des services ambulants, se déplaçant d’un lieu à l’autre, un peu à la manière du Curatorium pour le catalogage des manuscrits médiévaux132.
L’avantage d’une telle structure serait multiple. Outre les éléments de professionnalisation signalés plus haut, elle pourrait servir à chercher des soutiens financiers complémentaires (sponsors, mécènes, crowdfunding, etc.), à effectuer des expertises pour des fonds anciens hors institutions, à tisser un réseau professionnel spécifique au domaine, à fédérer des acteurs pour certains travaux (crowdsourcing),133 ou encore à développer une « advocacy »134, qui permettrait à la fois de sensibiliser les autorités de tutelles, les formations archivistiques existantes, les universités, etc., et de défendre les intérêts au sein de la profession et en dehors. Le travail ne manquerait pas.
Le constat initial sur l’état des compétences a ouvert la voie à une enquête qualitative en Suisse romande qui s’est révélée fructueuse. La méthode choisie et les résultats obtenus ont permis de mettre en lumière les pratiques d’un domaine archivistique peu étudié et de mettre en perspective certaines problématiques qui le touchent de près. Il ressort de ce travail que le traitement intellectuel des archives anciennes n’est certes pas oublié par les services d’archives, mais que son accomplissement en interne ne va plus toujours de soi. Les organisations s’appuient souvent sur des forces auxiliaires externes, plus ou moins qualifiées, qui n’ont pas le temps de développer leurs compétences comme il le faudrait et qui peinent à durer. Cette situation nécessite une prise de conscience par la profession. Des investigations complémentaires mériteraient d’être menées dans d’autres régions de Suisse et auprès d’autres types de services d’archives. Et il serait bénéfique qu’une concertation ait lieu pour réfléchir à des solutions globales.
Pour conclure, je reviens sur ma proposition de structure d’appoint. Étant tout à fait conscient de la difficulté d’une telle mise en place, j’emprunte à des archivistes et chercheurs deux extraits de formulations qui me semblent particulièrement à propos ici. En présentant une esquisse d’un système mutualisé et collaboratif, j’ai surtout cherché à « témoigner de la possibilité et de la nécessité d’un état d’esprit »135, celui qui permettrait la création d’une dynamique nouvelle et originale. Je pense qu’il s’agit d’« un chantier [indispensable] […] pour permettre aux forces vives [du domaine] […] de se retrouver autour de ce qui demeure un véritable enjeu pour la sauvegarde et le maintien »136 d’un patrimoine certes ancien, mais toujours aussi nécessaire à notre monde actuel et à celui de demain. À mon sens, agir pour le traitement intellectuel des archives anciennes aujourd’hui, c’est participer à la défense d’une profession qui prend en compte l’ensemble des documents dont elle a la responsabilité, et qui, tout en sachant tirer parti des apports technologiques, n’oublie pas que les archives sont, d’abord, « infiniment humaines »137. Le temps de l’ « archiviste humaniste »138 est venu.
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Domaines | Compétences nécessaires |
|---|---|
Écritures | Paléographie latine Paléographie allemande Paléographie française Paléographie d’autres langues (moins fréquent) |
Documents (support, format, datation) | Diplomatique |
Langues anciennes | Latin Latin médiéval Ancien français Ancien allemand Régionalismes |
Contexte historique | Histoire générale Histoire régionale Histoire locale |
Contexte géographique | Géographie régionale Géographie locale |
Archives | Archivistique (principes fondamentaux) Traitement intellectuel (classement, normes internationales de description, etc.) |

Institutions | Responsables | Dates de l’entretien | Sites Internet (consultés le 20.03.2025) |
|---|---|---|---|
Archives cantonales jurassiennes (ArCJ) | Antoine | 24.04.2024 | |
Archives cantonales vaudoises (ACV) | Delphine | 28.03.2024 | |
Archives de l’État de Fribourg (AEF) | 14.05.2024 | ||
Archives d’État de Genève (AEG) | Pierre | 03.04.2024 | |
Archives de l’État de Neuchâtel (AEN) | Lionel | 14.05.2024 | https://www.ne.ch/autorites/DESC/SCNE/archives-etat/Pages/accueil.aspx |
Archives de l’État du Valais (AEV) | Fabienne | 22.05.2024 | |
Archives de l’Ancien Évêché de Bâle (AAEB) | Jean-Claude | 24.04.2024 | https://www.aaeb.ch/fr/Accueil/Archives-de-l-ancien-eveche-de-Bale.html |
Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne, collection des manuscrits et des archives (BCUL) | Ramona | 05.06.2024 | https://www.bcu-lausanne.ch/collections-patrimoine/manuscritsetarchives/ |
Bibliothèque de Genève, secteur des manuscrits et des archives privées (BGE) | Paule | 29.05.2024 |