Les institutions culturelles en coopération avec les communautés en ligne
L’exemple du Wikipédien en résidence
Guillaume Rey-Bellet
Introduction
En 2010, le British Museum engage en son sein un Wikipédien en résidence (WiR), soit un représentant de Wikimédia, afin de sensibiliser les collaborateurs à ses plate-formes et projets. Dès lors, le concept s’est rapidement répandu, y compris en Suisse, où les Archives fédérales suisses (AFS), la Bibliothèque nationale suisse (BNS) et la Bibliothèque publique et universitaire de Bâle-Ville (BPUBV) ont tenté l’expérience.
En se référant à deux facettes de la médiation numérique : d’une part, les données ouvertes, et d’autre part, les pratiques collaboratives, cette étude[1] évalue les modalités de la collaboration entre les institutions culturelles et la communauté Wikimédia et son impact sur le rôle de médiateur des professionnels de l’information. Elle se concentre, dans un premier temps, sur le profil du WiR et les conditions de collaboration au sein de l’institution, ainsi que sur les activités réalisées et leurs résultats. J’analyserai ensuite les conditions cadres de cette coopération en insistant sur les points de divergence, de convergence ainsi que sur les bénéfices potentiels pour les deux partis. J’estimerai dans quelle mesure ces conditions peuvent devenir un champ d’interaction durable entre les institutions culturelles et la communauté Wikimédia, amenant de nouvelles possibilités de médiation et de diffusion de l’information.
Méthodologie
Si les thèmes des données ouvertes et des pratiques collaboratives ont été problématisés dans la littérature scientifique, la figure du WiR n’a, à ma connaissance, pas fait l’objet de recherches. Pour cette raison, je me suis basé sur la littérature grise (blogs, sites internet, documents de projets, documents internes de la communauté Wikimédia) et sur des données recueillies à travers deux questionnaires différents adressés à 28 WiRs et aux 28 institutions culturelles les ayant accueillis. 17 WiRs (61% de retours) et 8 institutions culturelles (29% de retours) y ont répondu. En complément, j’ai effectué des entretiens semi-directifs de 60 minutes chacun avec les responsables des WiRs des AFS (Marco Majoleth) et de la BNS (Matthias Nepfer), ainsi qu’avec Emmanuel Engelhart, le WiR de la BNS. Comme cette étude a eu lieu durant le premier semestre 2014, je n’ai pas pu récolter les informations concernant le mandat à la BPUBV qui se déroule de mars à août 2015.
La médiation de l’information à l’ère numérique.
La médiation de l’information, une des tâches principales des professionnels de l’information, a connu des évolutions avec l’arrivée du web. Selon Bertrand, la médiation culturelle actuelle à « l’ère de la désintermédiation » numérique, s’articule autour d’une médiation horizontale dans laquelle le bibliothécaire accompagne l’usager, qui est au centre, et auquel l’information s’offre directement[2]. Selon Chourrot, au-delà de son rôle de médiateur, le bibliothécaire se doit d’être un accompagnateur pour l’usager[3].
Outre la reformulation de la médiation, l’une des principales conséquences de l’émergence du Web 2.0 réside dans la modification de la relation des usagers avec l’information qu’ils peuvent maintenant générer et diffuser rapidement. Comme le relève Singh « le défi pour les bibliothèques réside dans la manière de devenir le centre qui combine le rôle de fournisseur de services, de receveur de services et de communauté »[4]. En outre, l’utilisation du web comme moyen de diffusion de données numériques a permis des réflexions autour du thème des GLAM (acronyme pour galleries, librairies, archives, museums) qui se réfère à un « champ inter-institutionnel qui recherche des points communs entre différentes institutions culturelles »[5]. En effet, l’ère numérique permet un rapprochement des différentes institutions autour du sujet de la valorisation et de la diffusion du patrimoine culturel.
Les pratiques collaboratives dans les institutions culturelles
Le terme crowdsourcing
Un moyen d’interaction avec les usagers réside dans les pratiques collaboratives. Sous le terme de « sagesse des masses » (wisdom of the crowds), Surowiezki développe, en 2004, la thèse que la somme des compétences d’un groupe d’individus menait à un meilleur résultat que l’expertise d’un seul spécialiste. Selon lui, ce processus est facilité par les plate-formes participatives du web[6]. En 2006, Howe créée le terme « crowdsourcing » qu’il définit comme « l’acte d’une entreprise ou d’une institution de transmettre une fonction autrefois effectuée par des employés et de l’externaliser vers un réseau indéfini (et généralement large) de personnes sous la forme d’un appel ouvert[7]. »
Holley met l’accent sur les différences entre, d’un côté, la pratique du crowdsourcing orientée vers un but partagé et atteint grâce à une collaboration active, et, d’autre part, la participation sociale menée par un individu isolé pour ses propres fins (par ex. indexer ses photographies pour mieux les retrouver)[8]. Par ailleurs, Haythronthwaite et Philipps distinguent les activités participatives prises en charge et régulées par des communautés en ligne préexistantes du crowdsourcing basé sur une masse indistincte d’individus[9].
Parce que le terme « crowdsourcing » définit un principe général ne retenant pas certaines spécificités des institutions culturelles, Theimer et Moirez préfèrent, dans le cadre des archives, utiliser le terme « archives participatives »[10]. De même, aux yeux d’Owens, le terme « crowd » fait référence à une masse indistincte de personnes, alors que les participants aux projets collaboratifs des institutions culturelles sont essentiellement des participants engagés dans la continuité de « la tradition du volontarisme et l’investissement des citoyens dans la création et le développement du bien public[11] ». Pareillement, Proctor est d’avis que les racines historiques du crowdsourcing dans les institutions culturelles se trouvent dans l’amateurisme[12].
Typologies des pratiques collaboratives dans les institutions culturelles
Différents types de classification ont été proposés pour définir les pratiques collaboratives menées sur des données et des documents des institutions patrimoniales. En se basant sur le cycle de vie du document, Oomen distingue les tâches suivantes: corrections et transcriptions de documents, contextualisation, ajout de documents dans une collection, classification, co-curation et crowdfunding[13]. Dunn et Hedges analysent ces pratiques en terme de processus (géolocalisation, catégorisation, etc.), de types de tâches (mécanique, éditorial, synthétique, etc.), de formats (textes, son, image, etc.) et de résultats (texte corrigé, métadonnées, données structurées, etc.)[14]. En se concentrant sur la dynamique inhérente à la génération collaborative des métadonnées, Smith-Yoshimura a proposé une autre typologie : termes d’indexation libre, commentaires, critiques, images, vidéos, recommandations, listes, liens vers les articles[15].
Principaux projets collaboratifs dans les institutions culturelles
Outre le projet Gutenberg initié en 1971, les pratiques collaboratives se diffusent exponentiellement dans le monde des institutions culturelles, notamment depuis la seconde partie des années 2000, grâce aux outils du Web 2.0 et la mise à disposition de collections en ligne[16]. La création de tags ainsi que les folksonomies qui en découlent représentent la forme la plus courante de pratiques collaboratives dans le milieu des institutions culturelles comme le souligne Doerfel[17]. Le projet Penntags de la Bibliothèque universitaire de Pennsylvanie autorise les usagers à enrichir le catalogue de la bibliothèque (2005), alors que le projet Waisda ?, développé par le Nederlands Instituut voor Beeld en Geluid, permet aux volontaires d’indexer des documents audiovisuels[18]. Un certain nombre de projets se concentre sur la transcription et l’annotation de documents numérisés (Trove Newspaper Digitisation Programm[19] dès 2008 ; Transcribe Bentham[20] dès 2010, What’s on the Menu ?[21] dès 2011) et sur la géolocalisation (Building Inspector[22]). La National Archives and Records Administration (NARA) a développé le portail Citizen Archivist Dashboard, qui offre aux volontaires la possibilité d’effectuer diverses tâches[23].
La mobilisation des communautés en ligne préexistantes
Afin d’éviter des coûts trop importants (création de la plate-forme, hébergement, maintenance, etc.) [24] et de contrer le manque et le déclin des participants[25], certaines institutions culturelles ont utilisé les réseaux sociaux comme lieu de diffusion et d’exercice de pratiques collaboratives. En effet, la participation de nombreux volontaires octroie certains avantages à l’institution culturelle tels que la réalisation de projets impossibles à mener avec les seules ressources internes, un gain de temps, le recours à l’expertise externe des usagers, la création de communautés virtuelles et l’établissement de relations entre l’institution et les usagers[26].
En outre, Paraschakis et Friberger émettent l’idée que les pratiques collaboratives « sur les médias sociaux sont la prochaine étape de l’évolution des jeux de crowdsourcing […] L’énorme public des réseaux sociaux doit être la cible principale des institutions culturelles qui souhaitent utiliser l’intelligence des masses[27].»
Si divers médias sociaux sont utilisés à des fins de communication par les institutions culturelles, Flickr fut le premier à se démarquer, car, il est non seulement doté d’une communauté d’usagers importante et approprié pour le dépôt de documents numérisés, mais a également développé un portail et un projet spécifiquement à l’intention des institutions culturelles. Développé dès 2007 lors d’un projet pilote avec la Bibliothèque du Congrès, le portail Flickr The Commons vise « premièrement à dévoiler les trésors cachés des archives photographiques publiques du monde et deuxièmement à montrer la manière dont les contributions et la connaissance du public peuvent enrichir ces collections[28] ». En mai 2015, 101 institutions culturelles y participaient[29]. Une enquête de Vaughan montre qu’en moyenne 66% des documents d’une institution culturelle ont reçu au moins un terme d’indexation libre et 46% d’entre eux au moins un commentaire sur Flickr[30].
Positionnement des professionnels dans les démarches collaboratives
Ces pratiques collaboratives provoquent une remise en question des professionnels de l’information, dont une partie des tâches est partagée ou même reprise par les bénévoles. Galaup a montré que l’émergence d’usagers « co-créateurs » pouvait être perçue comme une menace par certains bibliothécaires[31]. Dans un contexte plus large, Brabham relève que le crowdsourcing est souvent perçu comme « une attaque réelle envers les moyens d’existence et l’estime des professionnels[32]. »
Toutefois, des professionnels de l’information voient dans ces pratiques l’occasion de revaloriser leur rôle de médiateur d’information en remodelant leur identité face aux usagers et leurs tâches traditionnelles. Philipps est d’avis que « les musées peuvent embrasser la culture du web ouvert en exerçant leur autorité pour faciliter et valider le contenu généré par les usagers […] Ce modèle que j’appelle open authority rassemble l’expertise des musées et les contributions d’un large public sur des plate-formes collaboratives virtuelles[33]. » Elle est d’avis que Wikipédia représente une des meilleures initiatives permettant une telle collaboration[34].
Données ouvertes dans les institutions culturelles
Comme la participation aux projets de Wikimédia (et de Flickr The Commons) exige l’adoption de licences libres, il s’agit d’aborder la question des données ouvertes (open data). La politique des données ouvertes vise à rendre disponibles et réutilisables (sous certaines conditions définissables par l’ayant droit[35]) des documents et des données par le grand public.
Si le concept des licences libres, telles que les Creative Commons, existe depuis un certain temps[36], la politique des données ouvertes a pris de l’ampleur en 2009, lorsque Obama lance son Open Government Initiative qui promeut la transparence de l’appareil étatique et la collaboration avec les citoyens. En parallèle, la Sunlight Foundation publie des documents sur les caractéristiques et les bonnes pratiques pour l’ouverture des données[37]. La Confédération helvétique adopta également des principes de données ouvertes comme l’atteste le portail opendata.admin.ch en ligne depuis 2013[38].
L’adoption d’une politique des données ouvertes dans les institutions culturelles en est à ses débuts comme le relevait Baltussen en 2013[39]. Néanmoins, depuis le début des années 2000, la numérisation et la mise à disposition libre des métadonnées et des documents de collections patrimoniales ont été promues politiquement, particulièrement avec les « Principes de Lund » en 2001[40] et font partie du programme numérique de la Commission européenne[41].
Des collectivités (Open Cultuur Data, OpenGLAM, GLAM-Wiki, Europeana…) sont spécialement actives dans la promotion de l’ouverture des données détenues par les institutions culturelles. Ainsi, OpenGLAM a publié 5 principes : la libération des métadonnées dans le domaine public en utilisant des licences libres telles que la Creative Commons Zero ; le refus d’ajout de nouveaux droits aux documents entrés dans le domaine public ; la communication claire des attentes de l’institution quant à la réutilisation des données ; la publication des données dans un format ouvert et lisible par machine ; l’opportunité de communiquer d’une nouvelle manière avec les usagers sur le web[42].
Pratiques collaboratives et de données ouvertes dans les institutions culturelles suisses
Créée en 2006, Wikimédia CH a constitué différents groupes de travail dont swissGLAMour. Il existe une section helvétique d’OpenGLAM, un groupe de travail d’Opendata.ch créé en 2013. La Digitale Allmend qui dirige la section suisse de Creative Commons œuvre pour l’ouverture des données en Suisse. Par ailleurs, le portail fédéral des données ouvertes comprend certaines collections patrimoniales issues d’institutions culturelles suisses[43]. La Haute école spécialisée bernoise possède un institut d’e-government.
La bibliothèque de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich a mis en ligne, dès 2009, environ 40'0 photographies numérisées des archives photographiques de Swissair auxquelles 135 anciens employés sélectionnés ajoutèrent des métadonnées[44]. Inauguré en 2015, le projet Valais *Wallis Digital développé par l’IDIAP et pérennisé par la Médiathèque Valais permet aux citoyens de déposer leurs documents numérisés concernant le canton du Valais[45].
Concernant les données ouvertes, une enquête d’Estermann basée sur des données récoltées auprès de 72 institutions culturelles suisses en 2012 montre que si 17% des institutions interrogées ont déjà utilisé des licences Creative Commons[46], seul 1% d’entre elles a pleinement adopté une politique de données ouvertes[47]. Depuis la parution de cet article, la pratique des données ouvertes par les institutions culturelles suisses s’est développée. En effet, les résultats intermédiaires (19.7.2015) d’une enquête montrent que 18% des 278 institutions culturelles suisses ayant répondu au questionnaire auraient adopté la pratique des données ouvertes[48]. En outre, au moins 15 institutions ont publié des ressources sous licence libre : parmi elles, une seule les a versées sur Flickr The Commons, et 8 sur Wikimedia Commons, le serveur multimédia de Wikimédia[49].
La médiation en collaboration : l’exemple du Wikipédien en résidence
Premières implications des institutions culturelles dans les projets Wikimédia
Alors que les premiers usages de Wikipédia par les institutions culturelles étaient menés de manière unilatérale et autonome sous la forme d’éditions d’articles et d’ajouts de références vers leurs documents (Bibliothèques de l’université de Washington en 2007[50], Université de Texas du Nord en 2008[51]), une des premières véritables collaborations entre la communauté Wikimédia et les institutions culturelles remonte à 2008, lorsque le Palladio Museum versa, avec l’aide de la communauté Wikimédia, 87 images numérisées sur Wikimedia Commons[52]. La même année, les Archives fédérales allemandes ont déposé 89’0 documents issus de leurs fonds sur Wikimedia Commons[53].
Afin de structurer et d’intensifier les collaborations avec les institutions culturelles, Wikimédia a progressivement développé au sein de sa communauté des projets et des portails de promotion des collaborations avec les institutions culturelles. Le projet GLAM-Wiki a débuté en 2010, à la suite du premier mandat de WiR effectué au British Museum par Liam Wyatt. Ce portail disponible en 19 langues (mai 2015) a été mis en place pour servir à la fois de point de rencontre pour les Wikimédiens intéressés par le sujet, de point d’accès aux pages des projets et pour fournir de la documentation (études de cas, marches à suivre, guides, etc.) aux institutions culturelles[54]. Le projet Wikipedia Loves Libraries en activité depuis 2011 est un autre témoin de cette proximité[55].
Les coopérations en Suisse
Outre les versements de documents sur Wikimedia Commons cités précédemment, plusieurs institutions culturelles suisses ont collaboré d’autres manières avec Wikimédia. Dès 2008, la Bibliothèque centrale de Zurich a participé à la rédaction d’articles biographiques sur des personnalités zurichoises[56]. Elle organise également de façon autonome des ateliers de formation à Wikipédia[57]. Dans le cadre du projet Valdensia en 2011, la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne a versé dans Wikipédia quelques 800 notices bibliographiques de personnalités vaudoises[58]. En 2014 et 2015, plusieurs institutions culturelles ont hébergé des WikiPermanences, des rencontres permettant à des novices d’apprendre à rédiger des articles ou de questionner les Wikimédiens sur le fonctionnement des projets[59]. Des edit-a-thons, des ateliers d’édition de Wikipédia, ont eu lieu aux AFS et à la BNS.
Les AFS en 2013, la BNS en 2014 ainsi que la Bibliothèque publique et universitaire de Bâle-Ville en 2015 engagent des WiRs afin d’établir des contacts durables avec la communauté Wikimédia.
Le Wikipédien en résidence avant la collaboration
Origine du terme
Le terme « Wikipedian in Residence » est apparu en 2006 sur le blog de Geoff qui proposa d’appliquer à Wikipédia le modèle, déjà pratiqué, des artistes et des écrivains en résidence dans les institutions culturelles[60]. Au-delà du terme WiR, celui de Wikimedian in Residence, Wikimedia Ambassador[61], Wikipedia-GLAM Ambassador[62], GLAM Ambassador[63] ou encore Wikipedia Ambassador[64] sont également appliqués. La diversité des appellations montre clairement qu’il s’agit d’une notion vague sous laquelle peuvent se ranger des WiRs effectuant des tâches très différentes.
Rôle de médiateur et coordinateur
Sur la page Wikimédia dédiée au WiRs, ils sont décrits comme « des wikimédiens qui consacrent une partie de leur temps à tisser des liens avec une organisation dont la philosophie se rapproche de celle du mouvement Wikimédia. En plus d’éditer « à l’intérieur des murs » de l’organisation, ils permettent à cette dernière de mieux comprendre et d’intégrer la communauté pour, éventuellement, permettre à l’organisation d’établir et de maintenir des contacts avec la communauté, une fois la résidence terminée[65]. »
McDevitt Parks, WiR à la NARA, résume parfaitement ce rôle de médiateur et de coordinateur : « Dans le fond, je vais travailler pour renforcer la collaboration entre la communauté Wikipédia et les Archives nationales pour leurs bénéfices mutuels ou, en réalité, pour le bénéfice du public que les deux projets servent[66]. »
Rieser, WiR aux AFS, se voit comme un « médiateur et consultant[67]. » Il est d’avis qu’il « représente avant tout les AFS au sein de la communauté wikipédienne, leur donne un certain aperçu du monde des archives et leur montre comment effectuer des recherches[68] ». Non seulement, il introduit le personnel des AFS aux projets Wikimédia, mais ils les sensibilisent aussi aux intérêts de cette communauté[69].
Pour Engelhart, WiR à la BNS, la mission principale du WiR est également celle de la médiation qui passe aussi par des connaissances techniques dans le domaine de Wikimédia (outils de dépôt automatisé, formats des données), ainsi que des connaissances légales sur le domaine public et les licences libres.
Profils des WiRs
L’âge des WiRs est réparti de façon égale entre 15 ans et plus de 40 ans avec un pic de 35% entre 26 et 30 ans. En outre, 65% ont moins de 30 ans.
Concernant leur rôle dans la communauté Wikimédia, ils ont tous précisé être des éditeurs de Wikipédia ainsi que tous, sauf un, des contributeurs sur Wikimedia Commons. Plus de la moitié des WiRs (53%) ont plus de 5 ans d’expérience dans les projets Wikimédia et 35% entre 3 et 5 ans. Un seul d’entre eux en a moins d’un an.
Au sein de la communauté Wikimédia, les WiRs sont très investis dans la communication (76%) et 59% sont responsables de projet dans les coopérations GLAM-Wiki. Toutefois, seuls 29% sont membres du comité d’une section locale de Wikimédia et 12% sont des administrateurs sur Wikipédia ou Wikimedia Commons. Un répondant a relevé qu’il est un développeur d’applications informatiques dans les projets Wikimédia.
L’importance de l’engagement et de la longévité d’un WiR dans les projets et la communauté Wikimédia est soulevée par Rieser qui est d’avis qu’ « un Wikipédien en résidence doit être très familier avec les processus internes de Wikipédia et doit maîtriser les règles de base et aussi les différents points de vues des membres de la communauté. Un Wikipédien dans un mandat de ce type doit comprendre les objectifs supérieurs de Wikipédia et des autres projets Wikimédia[70]. »
Si 88% des WiRs sont diplômés de l’université ou d’une haute école, seuls 15 % ont suivi une formation dans les sciences de l’information ou muséales. 15% sont spécialisés dans le domaine d’expertise de l’institution et 65% ont répondu « autres ».
Sélection du WiR
Le nombre restreint de professionnels de l’information parmi les WiRs peut s’expliquer par le fait que les facteurs de recrutement important pour les institutions culturelles sont clairement l’expérience (71%) et l’intégration (57%) dans la communauté Wikimédia. Les critères de formation (14%) et d’expérience dans le domaine des institutions culturelles (29%) sont secondaires.
Pour les représentants des AFS et de la BNS, il s’agissait avant tout de trouver une personne intégrée dans la communauté permettant de mettre les institutions culturelles en contact avec cette dernière comme l’ont affirmé les deux représentants des AFS et de la BNS. Pour ces deux institutions, l’absence de formation en sciences de l’information permet aux WiRs d’avoir un regard neuf sur l’institution et ses missions.
Lieu et conditions de travail
Durant leur mandat, les WiRs ont travaillé dans des musées (35%), bibliothèques (18%), centres d’archives (12%) et instituts de recherche (12%). 23% ont répondu « autres ». Parmi les 86 résidences comptabilisées jusqu’au 29 mai 2015[71], certaines se sont déroulées hors d’institutions culturelles traditionnelles telles que la ZDF, ORCID et OCLC. 14.5% des institutions ont moins de 10 collaborateurs, 28.5% entre 11 et 30, 28.5% entre 51 et 100 et 28.5% plus de 100.
Pour la majorité des institutions, le mandat de WiR s’inscrit dans une stratégie d’ouverture déjà définie avant son engagement. En effet, avant la coopération avec Wikimédia, elles ont eu un niveau élevé d’adoption des données ouvertes (50%), de pratiques collaboratives (33%) et de collaboration avec Wikimédia (57%).
Le plus grand nombre de WiRs (41%) fut employé à plein temps et 18% à moins de 20%. Leur engagement dure majoritairement plus de 6 mois (65%). Aucun mandat n’a duré moins d’un mois. 25% des WiRs ne furent pas payés pour leur engagement. Un WiR explique, ainsi, les difficultés liées à la rémunération: « les collaborations entre Wikimédia et les institutions culturelles sont très bien perçues en France. Toutefois, il n’existe pas de réelles opportunités de le faire : il n’y a pas de budget et les seules offres d’emploi sont juste pour des stagiaires. »
Activités réalisées durant la résidence du WiR
L’amélioration de la qualité (88%), y compris par l’ajout de références vers les ressources de l’institution (41%), et la création d’articles sur Wikipédia (82%) sont les principales activités menées par les institutions culturelles.
Elles peuvent être effectuées de façon individuelle ou coopérative lors de compétitions de rédaction (29%) ou d’edit-a-thons (82%). Ces derniers sont généralement centrés sur une thématique d’excellence de l’institution peu couverte dans les projets Wikimédia (par ex. les femmes scientifiques[72]). Le 21 juin 2014, les AFS et la BNS ont conjointement organisé un edit-a-thon autour de la collection de photographies « Service actif Première Guerre mondiale » versée sur Wikimedia Commons par les AFS[73].
Le dépôt de documents numérisés sur Wikimedia Commons (76%) ou Wikisource (29%) est une activité centrale qui permet la mise en valeur des fonds de l’institution. Si la majorité des documents ont déjà été numérisés avant la collaboration, cette dernière a mené à des numérisations dans 41% des cas. Comme le dépôt de ces documents sur Wikimedia Commons exige l’adoption de licences libres, le rôle du WiR est la sensibilisation au principe des données ouvertes (59%). Aux AFS, le versement sur Wikimedia Commons de 5111 photographies de la collection « Service actif Première Guerre mondiale » fut la principale activité de Rieser[74]. Parmi ces dernières, 110 ont été intégrées dans des articles de la Wikipédia germanophone[75]. Comme le souligne Nepfer, la BNS souhaite orienter les actions des WiRs davantage au niveau des processus par intégration de bonnes pratiques que du chargement en masse des images. En privilégiant la qualité, les WiRs ont développé le projet « Swiss GLAMmies » dans le cadre duquel ils versent tous les deux ou trois jours une image accompagnée d’une description historique en allemand, français et anglais sur Wikimedia Commons[76] et sur Tumblr[77]. Toutefois, la BNS a aussi chargé de manière plus importante des photographies numérisées, dont la collection de photographies d’Eduard Spelterini durant le séjour d’Engelhart et Rieser[78]. Les deux institutions ont continué à verser des documents sur Wikimedia Commons après le départ des WiRs[79].
Coopération entre la communauté et les professionnels de l’information
L’importance des rencontres physiques entre les professionnels et la communauté sous la forme d’ateliers de sensibilisation (76%) ou de visites des coulisses de l’institution est constamment soulignée (53%). Majoleth affirme qu’ « il s’agit d’une activité durant laquelle nous pouvons tisser des liens avec les personnes influentes dans la communauté Wikimédia». En outre, les Wikimédiens ont été sensibilisés au travail des archivistes, à la recherche documentaire et aux fonds possédés par les AFS.
L’interaction avec la communauté peut également être virtuelle. En effet, autant les AFS[80] que la BNS ont créé un compte d’utilisateur à leur nom. Le compte d’utilisateur de la BNS « a pour vocation d’être un canal de communication avec la communauté, afin de favoriser les échanges autour de nos projets[81]». On peut y lire les questions des Wikimédiens et les réponses du personnel autour de certains fonds, mais aussi des commentaires sur des images versées[82].
Les experts s’investissent principalement dans la sélection des documents et les conseils prodigués au WiR et à la communauté Wikimédia. En revanche, ils s’investissent moins dans l’édition d’articles, la numérisation de documents et l’ajout de métadonnées.
Convergences et divergences entre les institutions culturelles et Wikimédia
Points communs entre les institutions culturelles et Wikimédia
La totalité des personnes interrogées du côté des WiRs et des institutions culturelles relèvent que Wikimédia et les institutions culturelles partagent certaines valeurs comme la diffusion des connaissances au plus grand nombre. Pour décrire les similitudes, certains répondants de notre enquête ont relevé les notions suivantes « accès à la connaissance/partage de la connaissance », « ouverture et amélioration de la mise à disposition et de la diffusion de la connaissance », « le concept de données ouvertes, d’approche sensée des métadonnées et de débats transparents ».
Obstacles à la collaboration
Du point de vue des WiRs, les principaux obstacles à la collaboration sont, dans l’ordre d’importance: les problèmes légaux, le manque de ressources, le conservatisme des professionnels, le manque de support des Wikimédiens, les divergences idéologiques et l’élitisme des professionnels. En outre, 29% des WiRs mentionnent d’« autres » obstacles.
Questions légales et ouverture des données
Si des institutions culturelles mentionnent le manque de recul de certains WiRs sur les questions de droit (confidentialité, datation et identification des détenteurs), 47% WiRs relèvent également les questions légales comme un obstacle à la collaboration. Certains sont d’avis que les employés des institutions culturelles ont une certaine méconnaissance des problématiques liées au droit et plus particulièrement à l’adoption de licences libres. Ainsi, un WiR affirme que « les membres des institutions culturelles tendent à ne pas être au courant du copyright et des autres éléments légaux, sauf s’ils travaillent explicitement avec eux ». Un second affirme que « la fondation Wikimédia est beaucoup plus familière avec les lois sur le copyright, alors que la plupart des experts du musée dans lequel j’ai travaillé basent leur jugement sur ce qu’ils pensent être la loi.» Ces dires sont confirmés par un rapport d’Allen qui démontre que la plupart des idées que les employés de musées se font concernant les licences des images de leurs collections sont incorrectes[83].
Plusieurs études ont mis en exergue les craintes des institutions culturelles concernant l’ouverture des données obligatoires dans les projets Wikimédia. Une étude d’Europeana cite les peurs de la perte de la qualité (des documents et des métadonnées), de la réputation de l’institution, de l’attribution, de revenus, de revenus potentiels, de visiteurs physiques, du manque d’unité, des répercussions involontaires et des questions de confidentialité, ainsi la perte de contrôle sur les documents versés[84]. D’autres études révèlent que cette perte de contrôle constitue l’obstacle majeur à l’ouverture des données[85].
Un WiR relève le problème de « la pression de la commercialisation [des documents]» qui s’exerce sur les institutions culturelles. Cette crainte de la perte de revenu a été étudiée en 2004 par Tanner, à travers l’analyse des modèles de gestion des droits et des prix des reproductions dans des musées américains[86]. A l’instar de la Bibliothèque nationale d’Ecosse, certaines institutions recourent à la libération de documents en qualité moyenne sur Wikimedia Commons et à la facturation des copies en haute résolution, comme le souligne la WiR Crockford[87]. En Suisse la perte de revenu n’est que rarement évoquée[88].
Un WiR a également relevé que l’ouverture des données et les pratiques collaboratives posent des problèmes d’attribution et de réputation pour les institutions culturelles qui veulent être créditées pour le travail effectué sur leurs documents. Comme l’a étudié Drews, l’ensemble de ces craintes peut pousser les institutions à poser de nouveaux droits sur des documents pourtant tombés légalement dans le domaine public[89].
Conservatisme et élitisme du personnel de l’institution
Un WiR relève que le problème principal lors de sa collaboration fut le « conservatisme, l’élitisme, la résistance au changement». Un autre WiR est d’avis que « des institutions accordent beaucoup d’autorité à l’érudition, mais n’ont pas conscience des changements dans le rapport à la connaissance induits par les nouvelles technologies. »
En outre, le procédé de création collaboratif et bénévole inhérent aux projets Wikimédia constitue une tension entre cette dernière et les institutions. Ainsi, une institution relève que « l’organisation Wikimédia (et certains membres GLAM-Wiki, mais pas tous) doivent se conformer à un niveau de professionnalisme plus élevé (normal). Trop souvent, ils ne sont pas fiables et non professionnels dans un contexte professionnel. »
Toutefois, notre enquête montre que la collaboration avec Wikimédia a conduit à une amélioration générale de la perception de la qualité, de la fiabilité et du contrôle du contenu ainsi que de la structure de la communauté Wikimédia et de la durabilité de la plate-forme.
Manque de soutien de la communauté Wikimédia et conflit d’intérêt
35% des WiRs interrogés relèvent que le manque de soutien de la communauté Wikimédia fut un problème. De l’avis de certains, ces collaborations sont trop lourdes à porter pour la communauté Wikimédia constituée de volontaires bénévoles[90].
Aucun répondant n’est d’avis que la communauté n’accepte pas son statut de Wikipédien rémunéré. En outre, 94% des WiRs interrogés sont d’avis que le nombre d’éditeurs payés va augmenter exponentiellement dans le futur. De même, Engelhart pense que la professionnalisation de Wikimédia va se renforcer, si cette dernière veut continuer à développer plus globalement une politique de la culture libre.
Comme le problème du conflit d’intérêt a entaché la réputation de certains WiRs payés pour éditer des articles spécifiques[91], 29% des répondants demandent que le WiR n’écrive pas lui-même à propos de l’institution qui l’accueille. Par ailleurs, la communauté Wikimédia a publié des lignes directrices sur le conflit d’intérêt[92], qui découragent également les WiRs de rédiger des articles à propos de l’institution pour laquelle ils travaillent[93].
Notre enquête montre que la plupart des WiRs annoncent leur conflit d’intérêt sur leur page d’utilisateur (47%), alors que 23% n’en parlent pas. Près du quart des WiRs ont répondu « autres ». Il est possible que ces derniers aient choisi plusieurs options simultanément. Ainsi, McDevitt Parks a créé une page non seulement sur ses activités au sein de la NARA, mais aussi sur ses convictions et ses positions.[94] Engelhart a également indiqué sa résidence à la BNS sur sa page d’éditeur[95].
Raisons de la collaboration pour Wikimédia
L’amélioration de la qualité des articles et l’ajout de références témoignent de la volonté de privilégier la qualité plutôt que la quantité des articles. En effet, au congrès international Wikimania en 2006, Jimmy Wales déclarait qu’il « faut déplacer notre attention de l’augmentation [du nombre d’articles] vers la qualité.[96]»
L’amélioration de la qualité des articles passe également par le recours à des institutions détentrices de connaissances. Comme le relève Cohen, « dans la Wikipédia d’aujourd’hui, l’expertise traditionnelle a une valeur nouvelle, soit pour fournir des détails obscurs sur certains articles qui ont déjà été édités, soit pour trouver des sujets qui n’ont pas encore été traités.[97]»
L’association avec des institutions culturelles permet à Wikimédia d’augmenter la légitimité de Wikipédia et de ses autres projets.
Ce n’est certainement pas un hasard que cette orientation vers la collaboration avec des institutions culturelles coïncide avec le déclin ou le ralentissement des nouveaux contributeurs sur la Wikipédia anglophone depuis 2007[98].
L’orientation très nette vers la promotion des collections et la diffusion des ressources suit la tendance d’autres enquêtes comme celle de Jason Vaughan qui relève que 94% des institutions interrogées ont participé à Flickr The Commons pour « exposer les collections à un public plus large/faciliter la découverte de nos ressources[99].» Autant Majoleth que Nepfer relèvent que l’avantage de Wikimedia Commons sur d’autres plate-formes réside dans la possibilité d’intégrer ces images dans des articles Wikipédia et, par conséquent, de leur offrir une grande visibilité.
De même, Nepfer a relevé que la BNS voulait « aller là où les personnes se trouvent.» Or, il relève que les personnes effectuent leur recherche par Google et tombent généralement sur une page Wikipédia qui est en tête des résultats, étant le sixième site le plus visité du monde[100]. La présence sur Wikipédia permet également d’élargir le public de l’institution, tant à partir de critères géographiques que sociaux. Une institution m’a ainsi indiqué qu’elle souhaitait toucher un public plus jeune, plus technophile, qui ne se rendrait pas forcément dans l’institution. Une autre m’a affirmé qu’elle souhaitait ainsi « diffuser au niveau international des documents auparavant accessibles uniquement sur place dans une localité excentrée ». Relevons que les gains en ressources, la durabilité de la plate-forme et l’effet mode ne sont pas des arguments majeurs.
Après le mandat
Durabilité de la démarche
D’après les résultats de notre enquête, l’autonomie des employés est modérée après le départ du WiR. Le personnel est le plus à l’aise dans la rédaction d’articles Wikipédia, suivi du versement des documents sur Wikimedia Commons ou Wikisource ainsi que la capacité à interagir avec la communauté Wikimédia en ligne.
Satisfaction des institutions culturelles
Si toutes les institutions culturelles sont satisfaites de la collaboration, une seule n’envisage plus de collaborer avec Wikimédia après cette expérience. 71.4% continuent à éditer des articles Wikipédia déjà existants en y insérant des images, des références ou des corrections. 71.4% organisent encore des edit-a-thons. 42.8% créent de nouveaux articles. L’organisation de visite des coulisses pour les Wikimédiens, de numérisations à destination de Wikimedia Commons, d’ateliers et de projets autour de QRpedia restent minoritaires (14.3% chacune). Si seules 14.3% des institutions avaient en leur sein des employés participant aux projets Wikimédia avant la coopération, 57.1% des institutions comptent des employés actifs sur ces projets après la collaboration et aucune institution n’a compté d’employés actifs uniquement durant le séjour des WiRs.
A la BNS, Nepfer a relevé que « le but de cette coopération est de faire entrer durablement la mentalité Wikipédia dans la Bibliothèque nationale suisse». Engelhart relève que l’un des objectifs de la coopération a été d’établir un projet commun entre la BNS et Wikimédia CH pour les prochaines années et de créer les outils le permettant[101]. Un autre WiR met l’accent sur « la mise en place de processus assurant l’autonomie du personnel ».
La collaboration avec Wikimédia fut accueillie très positivement par les autres institutions culturelles. 85.7% des institutions ont reçu des retours d’autres institutions qui souhaiteraient entreprendre des projets semblables.
Conclusion
L’environnement numérique offre de nouvelles formes de médiation aux institutions culturelles. Le recours efficace à la communauté de volontaires Wikimédia investis dans divers projets est rendu possible par l’engagement d’un médiateur qui connaît le fonctionnement de cette dernière et s’intègre physiquement dans une institution culturelle. Cet article a essayé de mettre en évidence que l’utilisation des plate-formes Wikimédia est non seulement marquée par la diffusion de documents sous licence libre et les pratiques collaboratives, mais s’articule autour de relations virtuelles et physiques avec une communauté active et engagée, définie par son propre mode de fonctionnement et ses idéaux qui peuvent entrer en conflit avec ceux des institutions culturelles.
En effet, notre enquête relève un scepticisme d’institutions culturelles envers le volontariat et le manque de professionnalisme de la communauté Wikimédia. De même, les professionnels témoignent d’une implication qui se limite essentiellement aux conseils donnés au WiR et à la communauté. Par ailleurs, les problèmes liés au conflit d’intérêt et au manque de rémunération d’une grande partie des WiRs témoignent de potentielles tensions entre une communauté de volontaires et l’engagement et l’intégration de l’un d’entre eux dans une institution culturelle.
D’autres analyses pourraient approfondir les résultats de cette première étude basée sur un nombre restreint de WiRs. Elles pourraient se concentrer sur un panel plus large de WiRs (augmentation importante de leur nombre depuis 2013) ou analyser un aspect particulier des collaborations telles que la résolution des tensions entre les deux partis. En outre, il serait intéressant de définir dans quelle mesure les institutions culturelles et Wikimédia se sont influencées et s’influencent mutuellement dans la création et la diffusion de ressources. Aussi, il faudrait, à moyen terme, évaluer les résultats de ces collaborations. L’effort de sensibilisation déployé par Wikimédia mène-t-il à un changement notable d’attitude des institutions culturelles envers les données ouvertes et les pratiques collaboratives? Est-ce que Wikimédia se professionnalisera et intégrera de plus en plus d’éditeurs payés par des tiers? Ces collaborations sont-elles un simple effet de mode ou une pratique durable ?
Les résultats de cette étude sont encourageants. Je suis d’avis que des compromis et des adaptations sont, en revanche, nécessaires des deux côtés afin d’optimiser les résultats de ces collaborations. D’une part, les institutions culturelles ne doivent plus sous-estimer l’impact de canaux de production et de transmission de connaissances tels que Wikimédia sur la visibilité de leurs ressources. D’autre part, Wikimédia doit démontrer du professionnalisme dans le traitement et la mise en valeur des ressources des institutions afin de gagner la confiance de ces dernières. Une solution serait d’intégrer au cahier de charge du personnel de l’institution culturelle la participation aux projets Wikimédia.
[1] Cet article est une synthèse de mon mémoire de fin d’étude défendu en 2014.
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d’Eduard Spelterini, collection Gugelmann), Bibliothèque centrale de Soleure
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l’Institut des Hautes études internationales et du développement de Genève
(photographies du fonds Boris Souvarine).
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Zurich (métadonnées bibliographiques), Archives historiques du Temps, Archives
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