Le suffixe -esque  : grammaticalisation de l'atypique

Fabienne H. Baider (Nicosia) / Henriette Gezundhajt (Toronto)



1 Introduction

Devant la charmante Elise Lucet, qui s'était pour l'occasion muée en maîtresse de maison de la préfecture d'Angoulême, il (= le président Jacques Chirac) exprime sa fureur sur le mode classique tout d'abord. Par une phrase à balancement ternaire, "indigné par le procédé, indigné par le mensonge, indigné par l'outrance", qui rappelle Cicéron fustigeant Catilina. Et c'est l'invention, le trait de génie linguistique et baroque, surgi d'on ne sait quel recoin de son inconscient : "abracadabrantesque". Lorsqu'on écrit ce mot sur l'ordinateur, la machine se fâche tout rouge et le souligne de manière rageuse. Abracadabrantesque par Luc Rosenzweig, LEMONDE.FR| 22.09.00| 13h15.

Luc Rosenzweig du journal Le Monde fait erreur lorsqu'il suggère que le terme abracadabrantesque est une invention du président de la république française. En fait, l'expression abracadabrantesque apparaît déjà chez un auteur attesté et non des moindres, puisqu'il s'agit de Rimbault dans son poème Le cœur volé (1871, Poésies) :

O flots abracadabrantesques
Prenez mon cœur, qu'il soit lavé !
Ithyphalliques et pioupiesques
Leurs quolibets l'ont dépravé !

Ces constructions néologiques en -esque ne sont d'ailleurs pas rares dans la littérature. Le maître absolu en la matière, i.e. l'invention de tels adjectifs, est sans aucun doute Claude Simon. En effet, selon Rebollar (1993), cet auteur en emploie plus de 35 dans son œuvre, dont très peu sont répertoriés dans le dictionnaire Le Robert ainsi  :

[...] bonne conscience du dénonciateur et du philosophe, l'inusable fable - ou farce - grâce à quoi le bourreau se sent une vocation de sœur de charité et le supplicié la joyeuse, gamine et boy-scoutesque allégresse des premiers chrétiens, tortionnaires et martyrs réconciliés se vautrant de concert dans une débauche larmoyante que l'on pourrait appeler le vacuumcleaner ou plutôt le tout-à-l'égout de l'intelligence [...] (La Route des Flandres  : 172).

La productivité de ce suffixe faisait partie des conclusions de Noailly et al. (1995) lors de leur récapitulatif des études sur le suffixe -esque. Les auteurs avaient aussi remarqué quatre autres faits  :

Remarque 1  : Cette productivité serait en baisse et se limiterait le plus souvent à une création littéraire ou journalistique;
Remarque 2  : La base des néologismes en -esque aurait le trait humain;
Remarque 3  : Le sens de démesure, reconnu par les études antérieures, devrait être complété par un sens humoristique;
Remarque 4  : La dynamique de sens entre la base et le suffixe devrait être soulignée.

Notre étude, qui se place dans une approche énonciative [1], a pour but de mettre au jour une évolution certaine des conclusions mentionnées ci-dessus. Nous préciserons la dynamique de sens évoquée par Noailly et al. entre la base et le suffixe (Remarque 4); l'étude d'un corpus informatisé [2] nous permettra aussi de redéfinir les traits pertinents de la base (Remarque 2) et de préciser la valeur sémantique du suffixe (Remarque 3); enfin, l'étude des occurrences récentes mettra en doute la Remarque 1.

 

2 Constats préliminaires

  • Le nombre d'occurrences reconnues en langue, c'est-à-dire répertoriées dans le dictionnaire, est dix fois moindre que le nombre d'occurrences attestées en corpus (33 contre 270; voir Annexe I et II).
  • Le Robert électronique ne fait état que de 33 entrées d'adjectifs en -esque alors que notre corpus se compose de 270 occurrences. Le dictionnaire n'a en effet retenu que les mots dérivés à partir de noms communs (tels que cauchemardesque ou livresque) ou les mots formés à partir de noms propres validés par le canon littéraire (ainsi dantesque, donjuanesque). Les adjectifs dont la base est un nom propre contemporain tel que pour le mot tapiesque (dérivé du nom Bernard Tapi) ou des dérivations à partir de sigles (rmiesque dérivé de R.M.I, acronyme de "revenu minimum d'insertion") ne sont donc pas pris en compte. De ce fait, la productivité actuelle de ce suffixe est bien plus conséquente que ces 33 occurrences.

  • La formation de néologisme est typiquement base |trait humain| + esque
  • Selon Batning et Noailly (1995), le fait que ces adjectifs soient souvent construits de nos jours à partir de noms propres expliquerait leur absence de la nomenclature des dictionnaires officiels de la langue française. En effet, leur caractère éphémère n'encourage pas les dictionnaires à les répertorier. De plus, nous posons la question des traits pertinents que pourrait donner le dictionnaire pour expliciter le sens. En effet, le sens de ces adjectifs, ainsi chiraquesque, n'est transparent que si l'on s'entend sur les qualités typiques du référent Chirac, risque que le dictionnaire ne peut évidemment prendre.

  • L'effet de sens est celui d'incongruité ou de démesure
  • Comme le remarque Björkman (1984), le sens de [base + esque] est le plus souvent "X de N", et donc de type relationnel [3]. Selon Björkman, la dérivation en -esque à partir de noms propres de personnes connues (mais pas reconnues dans le dictionnaire) ne serait qu'un effet de style, et plus particulièrement un effet d'incongruité, qui irait jusqu'à la provocation. Cet effet de style n'a pas toujours défini l'emploi de ce suffixe comme la section diachronique le suggère.

     

    3 Aspect diachronique (Björkman 1984)

    Une rétrospective diachronique témoigne du rôle primordial joué par le sens de la base  : si les bases qui acceptent le suffixe -esque ont évolué au cours des siècles, des facteurs spécifiques ont toujours contraint le choix de la base.

    Au XVIe siècle, les adjectifs en -esque renvoyaient à l'appartenance à un peuple ainsi romanesque renvoie à romain, mauresque à Maure, etc. [4].. Ceux-ci ont pratiquement disparu de la langue contemporaine et ont été remplacés par les adjectifs roman, maure, arabe. Seuls sont demeurés les dérivés à partir de noms de peuples aujourd'hui disparus, ainsi tudesque.

    Au XIXe et au XXe siècle, les dérivations à partir de noms de métiers et de noms propres apparaissent. Ces bases obéissent aux contraintes suivantes  :

    - les noms de métier se limitent à ceux stéréotypés pour leur caractère non-conformiste (clownesque, funambulesque);
    - les noms propres sont ceux d'auteurs attestés (moliéresque, chaplinesque) ou de personnages que l'énonciateur juge extrêmes dans leur comportement (titanesque) ou dans leurs idées (pompidolesque) [5]:

    De même, dans le domaine de l'onomastique, les toponymes qui ont servi de base à de tels adjectifs devaient évoquer des caractéristiques très spécifiques et hors-norme (charentonnesque [6], niagaresque).

    Une comparaison entre l'emploi du suffixe -esque et son équivalent dans d'autres langues latines (-esco pour l'italien et l'espagnol) permet d'établir la typologie suivante des sens de ce suffixe  :

    Tableau I 

    Sens du suffixe -esque

    Origine du Suffixe -esque Sens Exemples
    it.  : esco ou esp. Esco "à la manière de"[7]
    Arabesque
    it.  : esco ou esp. Esco "ensemble de" Soldatesque
    it.  : esco ou esp. Esco "relatif à" Livresque, Dantesque

    Ce tableau ne reflète ni le sens de "démesure", ni de "caprice", ni de "fantaisie" relevés par Marouzeau, déjà dans les années 50, et que les auteures ne démentent pas.

    Zwanenburg (1975) a, de son côté, reconnu l'effet de sens "bizarre", "original", voir aussi "péjoratif" des dérivés en -esque. Il a imputé ce trait pertinent au sens de la base. Notre position sera toutefois plus nuancée. En effet, si le rôle de la base (ici notionnelle) n'est pas à nier, il faut préciser la dynamique de sens entre celui de cette base et le suffixe -esque  : plus précisément, il s'agit de déterminer quelles sont les opérations relevant strictement de l'emploi du marqueur -esque en français contemporain.

     

    4 Étude synchronique   : Nom propre (Npr) et suffixe

    Balladurien ? Chiraquesque ? Lepenien ? Barriste ? Pre-parkinsonien ...
    (www.cren.net/ftp/ftp/archives/french-embassy/frenchtalk/log9502)

    Cette citation exemplifie la quasi-synonymie qu'il semble y avoir entre les suffixes -ien, -esque et -iste. Pourquoi, en effet, choisir chiraquesque mais lepenien ? La thèse du suffixe -esque comme marqueur des "idées extrêmes" n'est pas fondée ici  : il est clair que celui des référents le plus à même à évoquer des idées extrémistes n'est pas le Npr Chirac mais le Npr Lepen. Comment expliquer ce choix ?

    4.1 Le suffixe -esque et son paradigme

    Il est important de replacer le marqueur -esque dans le paradigme des trois autres suffixes avec lesquels il se trouve en concurrence, notamment les suffixes -ique, -ien, -iste et d'examiner le système motivant le choix entre ces différents suffixes. Les études antérieures suggèrent la répartition de fonction suivante   :

  • le suffixe -ien (chiraquien) est le suffixe privilégié pour les adjectifs de relation composée sur un Npr, dans le sens de "à la manière de";
  • le suffixe -ique, très usité dans les siècles précédents, a perdu de sa productivité pour la formation d'adjectifs avec comme base un Npr (sadique, platonique), mais il est au contraire très productif pour des adjectifs dont la base est un nom ayant le trait /inanimé/ (robotique, informatique);
  • le suffixe -iste est relié à une appartenance scolastique et une adhésion aux idées d'un maître à penser (une tendance politique gaulliste). Il contraste traditionnellement en cela avec le suffixe -ien plus relié de manière neutre à la personne porteuse du nom (le style discursif gaullien).

  • Tableau II
    Sens et suffixes -ique, -ien, -iste, -esque

    Suffixe Exemple d’adjectif Relation à la base Exemple en contexte
    -ique *chiraquique Marque une simple identification à un type sans valeur appréciative
     
    -ien Chiraquien Relié à la personne porteuse du nom

    Les temps forts du mandat présidentiel chiraquien
    http  ://www.humanite.presse.fr/journal/2000/2000-05/2000-05-08/2000-05-08-037.html

    La droite présente 2 candidats RPR , l'un chiraquien (De Bonadona 23% au 1er tour), l'autre balladurien (Alain Nouveau 10% au 1er tour).
    Alerte orange, http  ://alerteorange.multimania.com/page3.html
    (dernière visite   : 18-05-01)

    -iste Chiraquiste Adhésion à une pensée scolastique

    -Un gaullisme "chiraquiste" (qui tient son origine de la création même du RPR), Jacques Chirac s'est en apparence éloigné du gaullisme rassembleur qui refuse la division en créant ce parti. Il s'est donné du même coup une légitimité" néo-gaulliste" teintée de Bonapartisme.
    La Campagne présidentielle de Jacques Chirac http  ://www.multimania.com/stansite/Droit/pdf/chirac.pdf (dernière visite   : 18 - 05 - 01)

    -esque Chiraquesque (chiracesque) Préconstruit la personne porteuse du nom comme ayant des caractéristiques très particulières Par quel miracle, quelle potion magique, quelle loi Debré-Pasqua, quelle Mitterranderie-Chiracesque, quel bon vent ? Respirez, respirez et vous serez entendus !
    Kezako-hebdo, chap.31 http  ://erby.free.fr/JK/JKchap31.html
    (dernière visite   : 18 -05 -01)

    Cependant, ce tableau schématise une situation beaucoup plus complexe, comme nous l'avons vu avec la citation donnée en exergue   : pourquoi le choix du suffixe -ien pour la base Lepen, et pourquoi le suffixe -iste pour la base Barre ? De plus, on trouve des exemples où -ien fait référence à une tendance d'école politique.

    Pierre Lellouche se dit attaqué comme "chiraquien, RPR et séguiniste" Rétablissement ou non du boeuf dans les cantines ...
    (http  ://www.ternova.com/frameset/rubrique/framep2_st7_1. htm)

    En outre, Bartning et Noailly (1995) notent que l'expression le vote chiraquien peut aussi bien faire référence "au vote de Chirac" (Chirac=agent) - et dans ce cas l'adjectif est relationnel - qu' "au vote en faveur de Chirac" (Chirac=bénéficiaire) et dans ce cas, l'adjectif est synonyme de "chiraquiste" puisqu'il signifie une adhésion à la politique de Chirac).

    De même, l'alternance entre les différentes valeurs sémantiques de "démesure" et de "fantaisie" du suffixe -esque sont pour le moins ambiguës  : il est vrai qu'elle dépend de la base notionnelle à partir de laquelle l'adjectif est dérivé, ainsi titanesque dénote-t-il la démesure car le trait/force extraordinaire/ est pertinent à Titan et carnavalesque dénote la fantaisie car le trait /fantaisie/ est contenu dans le mot carnaval. Cependant, le trait/péjoratif/ souvent perçu lors de l'emploi d'adjectifs en -esque tels que clownesque ou simiesque doit-il uniquement être imputé à la base clown et ou simia "singe" ou au suffixe lui-même ?

    4.2 Le suffixe -esque et le rapport à la base

    Si le suffixe -esque exprime lors de son emploi avec un NPr un préconstruit selon lequel la personne porteuse du nom a "des caractéristiques très particulières" (cf. Tableau II), ces caractéristiques très particulières le sont en effet souvent de manière négative. L'étude de cette connotation péjorative peut permettre de préciser la dynamique entre la base et le suffixe, évoquée dans notre introduction.

    Morphologiquement, dans les cas où il s'agit d'un adjectif de relation pure c´est-à-dire sans modalité appréciative marquée, des contraintes morpho-phonologiques expliqueraient l'emploi du suffixe -esque plutôt que les autres suffixes. Selon Plénat (1996, 1997), la présence d'un yod dans la dernière syllabe de la base, par exemple, faciliterait l'emploi de -esque, alors que le suffixe -ien pour la même base serait malheureux, d'où moliéresque plutôt que  ?moliérien. La présence d'une contrainte morpho-phonologique est donc à prendre en compte, ce que souligne Clements  :

    Parallèlement, M. Plénat, M. Roché et S. Lignon s'intéressent au rapport entre contraintes phonologiques et fréquence lexicale, aux relations entre contraintes phonologiques et contraintes sémantiques. On a en effet des raisons de penser (cf. McCarthy 1994, et Frisch, Broe & Pierrehumbert, à paraître, en ce qui concerne l'arabe) que la fréquence lexicale d'une forme est liée à son degré d'euphonie (i.e. au nombre et la nature des contraintes qu'elle enfreint). Les formes optimales (au sens de OT [8] ) n'ont pas les mêmes chances de voir le jour (e.g.'ionesquesque' est moins probable que 'chiraquesque', qui est moins probable que 'toubonesque' ou 'madelinesque'). Nous avons aussi des raisons de penser que les chances qu'a une forme dysphonique d'apparaître dépendent de la concurrence exercée par des formes sémantiquement proches issues d'inputs différents ('avionnier' est barre par 'avionneur' comme substantif, mais probablement pas comme adjectif  : 'l'industrie avionnière'). (G. N. Clements, 1999, GDR-Phonologie -Modèles actuels en phonologie  : le statut des contraintes, http  ://gdr-phonologie.univ-lyon2.fr/action3.html)

    On peut se demander si, d'une manière générale, tous les suffixes adjectivaux du type [son voyelle + son/-sk/] ne sont pas liés à une appréciation énonciative en français. En effet, les adjectifs fantasque, flasque, et brusque relèvent également la plupart du temps d'un commentaire de l'énonciateur sur le domaine du [bon/mauvais] ou du domaine [normal/étrange], commentaire que Culioli (1990) classerait dans la modalité de type 3, c'est-à-dire dite appréciative. Soit dit en passant, le même type de valuation de l'énonciateur est vrai dans l'emploi des suffixes -asse (bêtasse), ou -âtre (jaunâtre, saumâtre) [9]. Cette valeur péjorative pourrait être imputable à des sonorités perçues comme dépréciatives comme c'est le cas pour les suffixes -âtre et -asse. Peut-on alors considérer comme élément d'explication l'influence de l'analogie phonétique entre le suffixe -asque et le suffixe -esque, cela et plus particulièrement pour les attestations les plus anciennes telles que l'adjectif frasque et pour les premiers dérivés tels que l'adjectif grotesque  ?

    4.3 Le suffixe -esque, marqueur d'opération énonciative

    Corbin et al. (1993) remarquent effectivement que les adjectifs contemporains en -esque construits sur des Npr sont d'ordre qualificatif plutôt que d'ordre relationnel. On serait donc, si on reprend le point de vue de Corbin et al., en présence d'une réduction de l'intension du domaine notionnel de base à une classe de propriétés stéréotypiques. Le suffixe -esque "ne focalise qu'un sous-ensemble des propriétés qui servent de support à la métaphore" (1993  : 17), d'où l'effet de démesure. Bartning et Noailly (1995), au contraire, ne pensent pas que cette opération de réduction soit liée à l'emploi du suffixe -esque mais au fait même d'employer une métaphore, puisque le même effet métaphorique est obtenu avec "un catcheur pachydermique [10] ", "un catcheur dinausaurien" ou "un catcheur éléphantesque".

    Nous nous permettrons de mettre un bémol à cette position. En effet, pachydermique peut renvoyer à l'espèce "d'un éléphant", sans connotation de disproportion, comme l'indique l'emploi du mot pachydermique dans la citation ci-dessous, alors que éléphantesque renvoie toujours à un commentaire appréciatif de l'énonciateur  :

    La "patte d'éléphant" est l'ancêtre du moulin à café. C'était un moulin à épices en forme de cube de bois juché sur un large pied, cube équipé en plus d'un petit tuyau métallique évoquant irrésistiblement une trompe pachydermique...
    (http  ://www.google.com/search ?q=cache  : 67199b990d62f36d  :www.art- decoration.fr/352.artdeco/Pages/AD352.Moulincafe.html+pachydermique&hl=en, site d'origine
    http  ://www.art-decoration.fr/352.art-deco/Pages/AD352.Moulincafe.html.)

    De fait, Melis-Puchulu (1993) interprète l'emploi des adjectifs dérivés en -esque comme "un exemple d'énonciation intégrée dans la langue". En effet, tout comme les suffixes -âtre et -issime, le suffixe -esque semble fonctionner comme un marqueur d'appréciation énonciative.

     

    5 Cadre méthodologique   : quelques concepts du formalisme culiolien

    Comme nous l'avons remarqué précédemment, les adjectifs en -esque contemporains semblent très souvent renvoyer à la modalité appréciative de type 3 chez Culioli, qui est celle de l'étrange, du malheureux, du disproportionné. La section suivante présente les différentes modalités et le cadre théorique dans lequel nous reformulerons les réflexions suggérées par notre corpus.

    5.1 Le suffixe -esque et la modalité

    Pour Culioli, modaliser signifie "affecter d'une modalité" et le terme modalité sera entendu ici au quadruple sens de  :

    1. affirmatif ou négatif, injonctif, etc.;
    2. certain, probable, nécessaire, etc.;
    3. appréciatif  : "il est triste que… ; heureusement";
    4. pragmatique, en particulier, mode allocutoire, causatif, bref ce qui implique une relation entre sujets. (1970  : 8).

    De plus, selon la Théorie des Opération Énonciatives, tout domaine notionnel est structuré selon trois principes  :

    Nous avons établi que lors de l'emploi du suffixe -esque, le domaine de la métaphore était toujours de mise et que les valeurs extrêmes faisaient partie de cette métaphore. On sort alors du domaine du "pas vraiment" pour arriver à "l'intense" (Culioli 1999b  : 129-133) et à "une déformation". Dans le cadre de la théorie des opérations énonciatives, toute comparaison et toute métaphore casse l'ancrage à une valeur stabilisée pour construire du non quelconque; (Culioli 1999b  : 87). Ce n'est plus une simple mention mais une appréciation par comparaison à un type (Culioli 1999b  : 129)  :

    La déformation est une transformation qui modifie une configuration, de sorte que certaines propriétés restent invariantes sous transformation, tant que d'autres vont varier (Culioli 1990  : 129)

    Le suffixe -esque nous permet de nous réintroduire vers une forme non quelconque des occurrences du domaine au moyen d'un gradient.

    Notre hypothèse est donc qu'avec l'emploi de l'adjectif en -esque, l'énonciateur sort du domaine type de la notion modifiée (relation en extension) pour tendre vers un extremum (attracteur) d'un nouveau domaine déformé. Celui que construit la relation entre la notion lexicale du modifié additionnée du monde de référence auquel renvoie la notion lexicale de l'adjectif. Nous ne sommes plus dans le type stable mais dans la notion "instable", "déformable". (Culioli 1999b  : 125-134).

    5.2 Le suffixe -esque  : une opération de typage

    Chez Culioli, la détermination d'une notion est liée à des propriétés physico-culturelles; Un peu comme chez Piaget, tout est construit, rien n'est inné. Pour être quantifiée la notion doit avoir comme propriété d'être sécable (en élément distincts). C'est "la fragmentation" (Culioli 1999b  : 82). La qualification relève, quant à elle, d'une opération d'identification/ différentiation; elle implique un préconstruit, une préexistence de la notion qualifiée. Toute détermination relève alors d'un jeu sur le quantitatif/qualitatif appelé quotité.

    Nous avons relevé la présence d'un déterminant tel que "le" ou "ce" dans nos exemples (le patois moliéresque, cette sorte de vertu chevaleresque); cette présence relève d'une préexistence . De plus, lorsque le déterminant indéfini "un" est employé, il ne s'agit pas de "un" discret comme dans "un, deux, trois", mais d'un "un" continu, non dénombrable comme dans "il a une de ces chances ! "  : la formule" : *Il a deux de ces chances" est impossible. Dans ce cas, nous référons au compact (pour le concept de compact, voir plus bas 5.2.2.) et non pas au discret (Culioli 1999b  : 115, 116). D'après ces exemples, le suffixe -esque renvoie donc au type plutôt qu'à l'unité (une diversion gigantesque).

    Le marqueur -esque n'est donc pas forcément révélateur d'une valuation péjorative ou laudative de la part de l'énonciateur. Tout ce qu'on peut dire, c'est que -esque est en fait un marqueur de l'opération de typage. Selon les notions identifiées et la base adjectivale ce typage pourra provoquer des effets divers en ce qui concerne la modalité appréciative.

    5.2.1 Typage sans valuation appréciative

    Considérons l'exemple suivant tiré de la base de données ARTFL  :

    Je me souvenais de la famille de M. De Charlus citant tant de traits de bonté admirables, de la part du baron, à l' égard de cette vieille bonne dont il venait de rappeler le patois molièresque, et je me disais que les rapports, peu étudiés jusqu' ici, me semblait- il, entre la bonté et la méchanceté dans un même coeur, pour divers qu' ils puissent être, seraient intéressants […] (Proust, A la Recherche du temps perdu, Guermantes, page 289)

    Dans le cas de l'emploi de molièresque, on a ici une opération de typage. En effet, il ne s'agit pas de n'importe quel patois, il s'agit du patois qui ressemble à celui qu'on trouve dans les oeuvres de Molière. Il s'agit donc ici d'un repérage en extension (en tout ou rien) sans construction de gradient, où tout patois non-molièresque est rejeté à l'extérieur du domaine notionnel.

    L'opération d'identification dans ce cas est appelée fléchage. Elle est d'ordre qualitative. Par l'emploi de l'adjectif en -esque, l'énonciateur désigne bien une propriété préconstruite qui préexiste et qui est supposée déjà connue du coénonciateur, comme il avait été suggéré dans le tableau II.

    On retrouve le même type d'opération dans tous les cas où l'adjectif renvoie à une relation pure entre deux notions. Le repérage se fait alors par rapport à une origine. La pondération au profit du qualitatif est alors affaiblie. C'est le cas pour les adjectifs dérivés de noms de peuples ou de styles littéraires et artistiques attestés.

    5.2.2 Typage avec valuation appréciative

    Lorsque l'adjectif est construit à partir d'une notion non graduable, on aura de nos jours un effet d'étrange, bizarre ou curieux ce qui est évident dans les analyses d'occurrences de l'adjectif grotesque  :

    Madeleine. - non.
    Léo. - il existe ?
    Madeleine. - non, madame. Il n' existe pas. Et Michel n' a pas interrogé, pas douté. Il a accepté cette histoire grotesque, sans hésiter, sans se dire que c' était fou !
    Léo. - c' est une chance. S' il était capable de réfléchir, de découvrir la seconde chose, il risquait de comprendre la première. (Cocteau, Les Parents Terribles, page 264)

    Le déterminant cette permet le typage d'un élément non typique dans le domaine des histoires possibles. On sort du monde des histoires validables par l'énonciateur (éloignement du centre attracteur, refus de prise en charge par l'énonciateur) et on opère une orientation vers le centre attracteur d'un domaine déformé valué négativement. La notion <histoire> et la notion de la base lexicale du substantif <grotte> n'étant pas graduables [11], il y a une pondération plus forte au profit du négatif ridicule qu'au profit de l'intensité, qui toutefois demeure.

    L'adjectif grotesque peut aussi être associé à un autre adjectif relié à une appréciation négative de l'énonciateur, comme dans les deux exemples qui suivent   :

    Ainsi, jusque dans la vie des rêves, l'enfance seule est privilégiée et connaît des sensations de paradisiaque béatitude. En comparaison, l'existence est " un songe grotesque et vide, une lourde farce incohérente, que nous avons tort de prendre au sérieux, la triste parodie d'une véritable existence ". Sternbald, le héros du second grand roman de Tieck, ressemble fort à Lovell; (Béguin, L'Âme romantique et le Rêve, page 227 )

    Mais ils sont tous arrachés à ce bonheur, soit qu'ils commettent une faute, soit qu'ils dévoilent un secret, soit encore que la vision de beauté se flétrisse et se change en un chaos grotesque ou terrifiant. La certitude d'être sous la menace ou sous le coup d' un châtiment poursuit la plupart de ces êtres, sans qu' ils sachent trop la nature de leur faute  : péché inhérent à la condition humaine […] (Béguin, L'Âme romantique et le Rêve, page 229 )

    L'association à une autre notion a pour effet de réorienter la définition même de grotesque   :

    - associé à l'adjectif vide, l'adjectif grotesque est orienté vers l'idée de "non approprié" "ridicule";
    - associé à l'adjectif terrifiant, l'adjectif grotesque renvoie au monde du "monstrueux".

    Cependant, alors que ce sont les adjectifs qui permettent à l'énonciateur de donner sa valeur négative à la notion <songe>, la notion <chaos> est déjà négative au niveau des relations primitives liées à la notion. On est dans le hors norme (le non P=P'), mais le domaine extérieur est différent (ridicule ou monstrueux).

    Ces remarques valident les théories énonciatives qui de Benveniste à Culioli expliquent que c'est au niveau de l'énoncé en situation et en contexte que les unités lexicales prennent leur sens  : "nihil est in lingua quod non primus fuerit in oratione" (Benveniste 1966  : 161) (Rien n'est dans la langue qui n'ait d'abord été dans le discours. [12])

    Par ailleurs, dans les deux exemples ci-dessus, le déterminant un ne renvoie pas à du discontinu discret et sécable. On ne pourrait pas avoir "*deux songes grotesques et vides" et encore moins "*deux chaos". On est en présence de deux occurrences d'un continu, un peu comme dans "j'ai fait un de ces songes !". C'est ce que Culioli appelle le compact  :

    Dans le cas du compact, le type ne joue pas de rôle prépondérant, c'est la construction d'un gradient qui est fondamentale. On a affaire à de l'homogène. La stabilité provient de l'attracteur. La seule singularisation possible est d'ordre qualitatif. Il n'y a pas occurrence, au sens où il n'y a pas fragmentation d'une portion d'espace-temps, mais l'on peut sans contradiction parler d'occurrence, car le compact, en renvoyant à l'homogène reporte le déclenchement de la fragmentation sur l'entourage, avec des contraintes spécifiques. (Culioli 1999b  : 14)

    La connotation péjorative ou laudative dépend de la base notionnelle et non du suffixe -esque. La courtoisie a construit une image positive du chevalier et cette connotation est encore valuée positivement par la société  :

    Voilà née la notion, voilà né le sentiment de ce qu' on appellera l' amour courtois  : une mystique nouvelle, une exaltation de l'âme qui, pour l' amour de la dame, ne rêve que d' atteindre aux perfections de la vertu chevaleresque et de la pureté du coeur, par lesquelles l' amant méritera sa récompense. (Farale, Vie quotidienne au temps de St Louis, page 131)

    De plus, pour certains adjectifs en -esque la valeur descriptive ou appréciative dépend totalement du contexte  :

    - valeur purement descriptive (constat)

    […] tout ce qui entoure Clara sert, il est vrai, à relever la pureté de son âme; néanmoins on n' admettroit pas en France dans l' art dramatique l' un des principes de l' art pittoresque, l' ombre qui fait ressortir la lumière. (Allemagne, page 44 )

    L'adjectif pittoresque peut également renvoyer au hors-norme avec comme dans le cas de grotesque la construction d'un gradient. Cependant, l'appréciation de l'énonciateur peut selon le contexte être négative ou positive.

    - valeur appréciative négative (commentaire - ridicule, risible)

    […] il tirait de sa poche trois ou quatre foulards qu' il nouait au hasard les uns sur les autres, qu' il faisait tomber en gesticulant, qu' il ramassait et remettait avec distraction, se coiffant ainsi, sans le savoir, de la manière tantôt la plus fantastique et tantôt la plus pittoresque. (Sand, Histoire de ma Vie, page 318 )

    - valeur appréciative laudative (commentaire - charmant, agréable)

    La langue qu' on emploie à bord, cette admirable langue de la mer, si complète et si pittoresque, qu' ont parlée Jean Bart, Duquesne, Suffren et Duperré, qui se mêle au sifflement des agrès, au bruit des porte- voix, au choc des haches d' abordage, au roulis, au vent, à la rafale, au canon, (Huguo, Les Misérables, page 190)

    […] - à Vevey, je rencontre dans la rue les deux amies de Blonay, et nous remontons ensemble au village. - un charmant logement entre des noyers et une fontaine, d'aimables hôtes, un souper pittoresque sur une terrasse, une promenade subnocturne, les splendeurs du couchant et de la voie lactée, les gâteries de l'affection, tous les bien- être réunis m'attendaient dans le nid de feuillage. (Amiel, Journal de l'année 1866, page 360)

    - valeur mixe, à la fois descriptive et appréciative (digne d'un tableau + charmant, agréable)

    Pas était situé au fond d'une gorge du Jura. Le voyageur qui s'y rendait, parvenu au sommet d'une montagne jusqu'au point culminant de laquelle le vallon et le manoir demeuraient invisibles, apercevait tout à coup un paysage saisissant et pittoresque. Il avait sous les pieds une vallée environnée de collines et au centre de laquelle se trouvait un village éparpillé sur les deux bords d'un torrent. Les collines étaient boisées de sapins au feuillage sombre..(Ponson du Terrail, Rocambole tome 5, page 433)

    5.2.3 Orientation vers un haut degré

    Lorsque l'adjectif en -esque est dérivé à partir d'une base notionelle graduable, l'énonciateur sort du domaine type de la notion modifiée (relation en extension/intension) pour tendre vers l'extremum (attracteur) d'un nouveau domaine déformé (celui que construit la relation entre la notion lexicale du modifié additionnée du monde de référence auquel renvoie la notion lexicale de l'adjectif). On n'est pas dans le type stable mais dans la notion instable, déformable.

    Ainsi, des adjectifs tels que gigantesque renvoient à un domaine où le qualitatif est étroitement lié au quantitatif. C'est ici un commentaire de l'énonciateur sur la quantité. Nous restons dans le hors-norme, mais au lieu d'être dans le commentaire négatif de type ridicule ou monstrueux, l'énonciateur met l'accent sur le disproportionné, ce qui a pour effet de mettre en jeu la modalité 2 au niveau du possible et du vraisemblable.

    A. très grand et inimaginable lorsque associé à de l'empirique (presque à la limite du domaine)   :

    À force de sauter, de grimper, de s' ébattre au milieu des abîmes de la gigantesque cathédrale, il était devenu en quelque façon singe et chamois, comme l' enfant calabrais qui nage avant de marcher, et joue, tout petit, avec la mer. (Huguo, Notre-Dame de Paris, page 178 ) Quand nous disons qu'un objet est gigantesque ou minuscule, qu'il est loin ou près, c'est souvent sans aucune comparaison, même implicite, avec aucun autre objet ou même avec la grandeur et la position objective de notre propre corps, ce n'est que par rapport à une certaine "portée"[…] (Merleau-Ponty, Phénoménologie de la Perception, page 308)

    B. démesuré, incroyable, visée difficilement accessible   :

    Mais ce n'était là, semblait-il pour le moment, que des essais de diversion auxquels on ne pouvait guère se laisser prendre. Quant à l'opération principale, fallait- il s'obstiner à y voir aussi une diversion gigantesque, au profit d'un théâtre d'offensive que les jours prochains révéleraient ? (Romains, Verdun, page 28)

    Il semble que nous percevions alors, en lisant Hésiode ou Jean- Paul comme en errant dans les cosmogonies de nos rêves, une secrète et profonde parenté entre la gigantesque création des mondes et le tumultueux foisonnement des formes qu' enfante l' imagination. (Béguin, L'Âme romantique et le Rêve, page 171)

    Pour ce qui est des adjectifs construits sur des noms de métier ou des noms propres, le renvoi à la modalité du ridicule, du valorisé ou du disproportionné dépendra des qualités typiques attribuées par la société au personnage porteur du nom de base.

    Le gâtisme royal n'a jamais été peint avec une vigueur plus amère que dans ces personnages de Valens et de Prusias  : où a-t-il pris ces modèles, où a-t-il pris cette conception véritablement ubuesque de la famille ? Et les femmes n'y échappent point. (Brasillach, Pierre Corneille, page 284)

    La définition du Robert électronique pour l'adjectif ubuesque est   : "Qui ressemble au personnage d'Ubu roi par un caractère comiquement cruel et couard."

    "Voyons, ne fais pas plus longtemps ta merde !" là- dessus, Burty, qui cause beaucoup avec les cochers, nous narre qu'un jour, il a été conduit par un ancien domestique de Bertin, qui lui parlait de la puissance herculéenne et gargantuesque de l'homme. (Goncourt, Journal 2, page 1145)

    Gargantua est un personnage renommé pour la démesure de son appétit et de son caractère. Il y a ici possibilité de construction d'un gradient avec atteinte d'un haut degré. Comme, nous l'avons déjà mentionné plus haut, si le personnage est un auteur ou un artiste attesté comme référence culturelle, nous serions simplement en présence d'un typage pure et simple propre aux adjectifs classificatoires de relation  :

    La plupart d' entre vous connaissent l'histoire courtelinesque des vitres du ministère des finances, qui sont toujours sales même lorsqu'on vient de procéder à leur nettoyage. (Lhote, Peinture d'Abord, page 36)

    Ici, l'adjectif signifie simplement à la manière des écrits de Courteline. Même s'il n'y a pas vraiment de dépréciation de la part de l'énonciateur, le côté incongru de la situation est renforcé par cette comparaison avec Courteline.

    Cette brève analyse d'emploi dans le discours littéraire des dérivés en -esque diffère sensiblement de la situation en discours "argotique" ou "cybernautique".

     

    6 Le dynamisme et la productivité contemporaine du suffixe -esque.

    Nous sommes conscientes que les analyses qui ont fait l'objet de la section 5. sont limitées de par la nature du corpus essentiellement littéraire. Nous aimerions compléter notre analyse sur les motivations d'emploi du suffixe -esque et ses conséquences, avec des données plus récentes répertoriées sur le Web.

    Le corpus Web nous permet de souligner trois grands points   :

    1. la productivité de ce suffixe semble très élevée et infirme les remarques pessimistes faites dans les recherches antérieures et évoquées dans notre introduction;
    2. les créateurs/énonciateurs de néologisme sont différents de ceux décrits par Noailly et al.;
    3. la valeur péjorative du suffixe associée au /+ humain/ semble de moins en moins vraie;

    6.1 La productivité

    Même si le nombre de néologismes est moindre que celui trouvé lors de recherches sur la langue anglaise faites parallèlement [13], nos résultats attestent la productivité de ce suffixe. Nous pourrions même suggérer un effet de mode qui touche tous les milieux, mais plus particulièrement la jeune génération ou, du moins, la génération dite branchée au sens propre et figuré.

    6.2 Les créateurs/énonciateurs

    Tous les milieux, en effet, font un usage créatif de ce suffixe, ainsi un père de famille évoque la consommation Tv-esque de ses enfants. Nous pouvons noter l'équivalent de Tv-esque à une expression de type relationnelle " consommation de télévision ". Cette équivalence, selon Noailly, n'était vraie qu'au XVIe siècle [14]  :

    Mon fils de 10 ans a vu une bonne partie de ce déchet télévisuel; d'où mon indignation. Le service aux clients de TQS que j'ai rejoint suite à cette affaire a tenté de faire reposer sur mes épaules la responsabilité de cette horreur en m'accusant d'indignité, moi qui n'avait pas su contrôler la consommation TV-esque de mon fils. Il était 7 h 45, ne l'oublions pas. Devant mon argumentation serrée, un repli stratégique s'est imposé à eux; le fameux " contexte final " où l'information liant ces pratiques sexuelles à la mort d'homme justifiait utilisation de scènes scabreuses. (http  ://www.ccnr.ca/francais/decision/990623.htm)

    Les afficionadi de jeux sur le Net font une consommation gigantesque (!) de ces néologismes, ainsi que les cybernautes travaillant dans le secteur de l'informatique  :

    Tonalité constante système-esque d'émissions de secours formant une configuration-boucle reconnaissable, se déplaçant de l'expérimentalisme..

    Des pages pour se divertir   : Le site "The (virtual) Baguette", fanzine mensuel 'on line' incontournable pour tous les amateurs de délire Monty Python-esque.

    Le risque prit à imposer des flips et autres figures de la part des concepteurs peu s'avérer hasardeux et risqué devant des utilisateurs 64 toujours plus méfiants - mais à la hauteur d'une réalisation de pointe et d'un concept "Gran Turismo-esque" avec son tunning et son principe d'achats, de gains pour optimiser les voitures etc.

    Cette productivité met donc en doute la remarque de Noailly et al. suivante, selon laquelle la création est surtout littéraire  : "former des dérivés originaux ne relève pas toujours d'un registre savant, encore moins pédant, mais, pour ce qui est des adjectifs dénominaux, il semble bien que si pour l'essentiel".

    6.3 Évolution sémantique du suffixe -esque et de la base

    Les exemples que nous avons de néologismes dans des œuvres littéraires sont en fait des textes de style argotique (San Antonio) et l'effet burlesque [15] n'est pas véhiculé par le suffixe -esque mais par la base employée  :

    De plus en plus Las-Vegas-esque [16], Eilat kitchissime mirage vomissant les palmiers plastiques et les tubes fluorescents pour une journée avant le Sinaï.

    Dans cet exemple "littéraire" trouvé sur le Net, l'effet comique est lié à la base Las Vegas, symbole de l'extrême et du kitch évoqué dans le reste du paragraphe; le suffixe -esque n'est ici qu'un support "à la manière de Las Vegas"; le parallèle entre kitch/Las Vegas et les suffixes esque/issime indique bien la dynamique de sens entre base et suffixe.

    Le suffixe -esque semble aussi faire partie des effets de style chez les poètes cybernautes, sans rechercher le comique  :

    Enfin bon j'étais assez bonheureusement surpris, après avoir un peu palabré avec lui, j'approuve vraiment l'idée o.m.esque (pas le foute ok).

    Plus haut, j'ecrivais mon epitaphe cybernético-murdeslamentationesque...
    … Ci git BBB, le poete déleuré

    De plus, le néologisme cybernético-murdeslamentationesque fait parallèle à cybernetico-machin-truc-muche employé précédemment dans le même texte. La valeur nouvelle du suffixe -esque dans la langue des jeunes cybernautes semble être, en effet, celle de -trucmuch, -issime, etc., mais sans que la valeur péjorative ou de démesure fasse partie du suffixe -esque. Le sens neutre (souvent même avec une pointe d'admiration) de "à la manière de, comme", du type (Unix-esque) ou Beatles-esque que l'on retrouve en anglais (voir plus bas) prime dans les occurrences.

    Selon ce corpus, deux remarques peuvent donc être formulées  :

  • le suffixe -esque ne semble plus avoir une valeur péjorative;
  • les bases employées n'ont plus le trait /humain/ de manière aussi absolue ou du moins telle que mentionnée chez Noailly et al. Nous rappelons les expressions système-esque et Tv-esque mentionnées plus haut, mais aussi web-esque de la citation suivante  :
  • Ma petite collection de photos web-esques. Voici quelques photos dont je raffole sur le net. Vous pouvez aussi admirer les photos de mes profs […]

    Un même phénomène est observé dans la langue anglaise qui fait une consommation phénoménale de dérivés 'esquien' comme en témoignent ces exemples  :

    Journal-esque, Retro-esque, DBA-esque, David Lynch-esque, tabloid-esque, "Onion"-esque satire, unix-esque commands, fugazi-esque sounds, Beatle-esque band, antiPopCulture-esque web sites, 'Shine'-esque tale of love a medieval-esque world. Miller-esque web site, trojan-horse-esque utilities, Defender-esque arcade game, nazi-esque, MTV-esque, Coupland-esque, Canterbury-esque Books, etc.

    Ce suffixe est tellement populaire que l'expression attendue medieval like est concurrencée par la forme medevialesque sur le Web. Devons-nous voir ici un remplacement de -like par -esque dans le discours des Branchés ? Le clitique like pourrait paraître suranné et donc suggérer la grammaticalisation de ce suffixe dans la langue anglaise  ? En effet, la valeur dépréciative ne se retrouve pratiquement jamais, même dans le cas d'une vague comparaison.

     

    7 Conclusion

    En conclusion de cette étude, l'analyse énonciative du suffixe -esque telle que développée plus haut dans le point 5, nous a montré que ce dernier est utilisé en référence à un type notionnel particulier. Selon les caractéristiques attribuées au sémantisme du radical auquel il s'ajoute, -esque pourra parfois se doter d'une valeur appréciative de type qualitative (grotesque) ou quantitative (gigantesque), mais parfois se réduire aussi à une simple identification, si le radical n'est pas particulièrement connotatif d'un écart par rapport à une norme (livresque). La dernière partie témoigne de la création de néologismes que nous pouvons analyser comme une réappropriation de la langue, en quelque sorte, par l'énonciateur dont la créativité semble obéir à une certaine mode. Enfin, les plus récentes apparitions du suffixe le présentent comme ne faisant pas partie orthographiquement de la base, comme c'est déjà le cas en langue anglaise sur le Net. Ainsi les termes ubuesque, Macdonaldesque, goesque s'écrivent ubu-esque, Macdonald-esque, go-esque  :

    La folie serait-elle contagieuse  ? En tout cas certains magistrats semblent atteints.
    Dernier rebondissement ubu-esque  : le procureur de l'Esson-ne, Laurent Davenas, qui avait longtemps toléré les agissements du président du Conseil général, s'acharne tout à coup sur Xavière Tibéri, à la fois dans un livre et à travers une spectaculaire garde à vue.
    http  ://www.bretagne.com/supplements/report/report_12.htm

    Le monde est fooooooooooouuuuuuuuuuuuuu
    Mes trucs. Quelques portraits. Le Macdonald-esque Ben Valdheir. E. Cassaubuono, un prof d'histoire mitterrandienne, S.Vignasse, une limace. D'amis de...
    membres.tripod.fr/montcalm/trucs.htm

    Faisons confiance a la vivacite de notre langue   : l'expression "briseur
    de shicho" est a la fois française et japonaise et go-esque.
    http ://ffg.jeudego.org/1999/FRGO/87.html

    De plus amples recherches sur un corpus, notamment oral, sont indispensables pour conclure à la grammaticalisation de ce suffixe; néanmoins, sa véritable renaissance dans le parler des Branchés n'est pas à démontrer et l'on pourrait identifier ici l'influence possible d'un parler commun cybernaute. Un autre effet de la mondialisation ?

     

    Notes

    1 Nous avons choisi de travailler dans le cadre de la théorie des opérations énonciatives de Culioli qui propose un formalisme post-structural prenant l'énonciateur comme origine de la production langagière. En cela, Culioli se démarque non seulement des théories syntaxiques binaristes axées uniquement sur le système phrastique, comme les grammaires structurales et les écoles issues du générativisme, mais il diverge également des autres écoles énonciativistes comme celles de Ducrot, théorie pragmatique influencée par les philosophes du langage Searle et Austin. L'approche culiolienne serait plutôt dans la lignée de Benveniste et de Condillac, ainsi que des théories issues de l'expérience comme l'inductivisme. [back]

    2 Notre corpus a été composé à partir de quatre bases de données :

    3 On entend par adjectif relationnel, un adjectif qui ne qualifie pas de manière classificatoire, comme dans "une robe rouge" mais qui met deux termes en relation d'appartenance comme dans "la boîte crânienne" ou "le palais royal" que l'on peut gloser par la "la boite du crâne" ou "le palais du roi" alors qu'on ne peut pas dire "*la robe du rouge". On retrouve quelque chose de comparable dans l'emploi des adjectifs en -esque car, par exemple, qualifier une œuvre de gigantesque reviendrait à dire qu'elle a " la démesure du géant.".[back]

    4 Ainsi nous trouvons à côté de l'adjectif connu arabesque, des termes plus rares tels que grecesque, corsesque.[back]

    5 L'adjectif titanesque évoque la force démesurée des dieux Titans et l'adjectif pompidolesque rappelle les dépenses pour la ville de Paris de l'ancien président de la République, Georges Pompidou, dépenses que certains ont jugé extrêmes.[back]

    6 Les caractéristiques hors-normes des bases sont souvent d'ordre intertextuel et impossibles à déchiffrer pour les ‘non-initiés', ce qui résulte en une connivence entre co-énonciateurs : ainsi le nom de la ville de Charenton évoque l'asile d'aliénés qu'elle abrite, asile célèbre chez les Français; la phrase "Il faudra donc finir par le mettre à Charenton [ …]" évoque explicitement la folie. [back]

    7 À la manière de signifie ici "selon un type de mouvement, de formes ou de processus". Dantesque relève plus d'une identification aux caractéristiques d'un personnage qu'à un processus en mouvement.[back]

    8 Clements fait ici référence à l'Optimality Theory, cadre optimaliste, notamment utilisé en phonologie, qui propose de rendre compte des systèmes et processus grammaticaux par un ensemble de contraintes universelles. Cf. Alan Prince/Paul Smolensky (1993): Optimality Theory: Constraint Interaction in Generative Grammar. Rutgers University Center for Cognitive Science Technical Report 2.[back]

    9 Cependant le suffixe -ard qui semble porteur d'un trait dépréciatif (blafard, geignard, bavard, ringard, flemmard) est aussi orienté selon la base avec lequel il est associé, ainsi veinard.[back]

    10 "Le séducteur rusé", ainsi l'a baptisé "L'Equipe". Face au pachydermique Johansson et son obsession fric, Sepp Blatter a parfaitement joué sa partition d'idéaliste du foot dans le féroce duel qui les a opposés pour le trône suprême. (Bertrand Monnard, Webdo - L'Hebdo N 24, 11 juin 1998 - Joseph Blatter.
    http://www.webdo.ch/hebdo/hebdo_1998/hebdo_24/article_blatter_24.html, visite 15-06-01).[back]

    11 Selon le Robert, le mot grotesque, attesté dès le XVIe siècle dans la langue française, était, à l'origine, un nom emprunté de l'italien grottesca. Ce dernier était dérivé du nom grotta "grotte" et a été d'abord employé dans le domaine de l'art plastique pour décrire des ornements fantastiques découverts au XVe et XVIe siècle dans les ruines des monuments antiques: les grotesques de Raphaël. Puis, ce nom a désigné toute figure fantastique, caricaturale. L'adjectif dont l'emploi date du XVIIe siècle a, dès sa première attestation, comporté ce trait /caricatural/.[back]

    12 La citation de Benveniste est une variation sur les théories empiristes qui s'opposent au rationalisme. Il s'agit d'un pastiche d'un aphorisme aristotélicien provenant à l'origine du philosophe grec Démocrite : "Nihil est in intellectu quod non prius fuerit in sensu" (rien n'est dans l'esprit qui n'ait d'abord été dans les sens). Hormis le philosophe empiriste John Locke, cette maxime a beaucoup inspiré Condillac, puis Benveniste et, par la suite, Culioli.[back]

    13 Il est aussi difficile de qualifier cette remarque, étant donné la proportion de documents en anglais sur le Web par rapport aux documents en français.[back]

    14 Rappelons que romanesque est alors équivalent à "des Romains". [back]

    15 Mot aussi emprunté à l'italien burlesco, adjectif dérivé du nom burla "plaisanterie".[back]

    16 L'expression est plus souvent employée en anglais comme en témoigne un nombre dix fois plus élevé d'occurrences: "The definitive directory of travel information for the Caribbean island of Puerto Rico. ... of over one million. Most of the big hotels and Las Vegas-esque casinos are here. Some of the best nightlife (www.virtualvoyages.com/carib/puero_ri/puero_ri.sht, visité le 02.12.02). Il faut bien sûr prendre en compte le nombre bien plus élevé de textes anglophones sur le Web.[back]

     

    Bibliographie

    Benveniste, Émile (1962) : "Les niveaux de l'analyse linguistique". Problèmes de linguistique générale I. Paris : 119-131.

    Björkman Sven (1984) : L'incroyable, romanesque, picaresque épisode barbaresque. Étude sur le suffixe français -esque et sur ses équivalents en espagnol, italien et roumain. Uppsala. (= Studia romanica Upsaliensia 35).

    Corbin, Danièle et al. (1993) : "D'où viennent les sens a priori figurés des mots construits ? Variations sur lunette(s), ébéniste et les adjectifs en -esque". Verbum 1-2-3 : 65-100.

    Culioli, Antoine/Fuchs, Catherine/ Pécheux, Christian (1970) : Considérations théoriques à propos du traitement formel du langage. Paris. (= Document de linguistique quantitative no 7).

    Culioli, Antoine (1990). Pour une linguistique de l'Énonciation - Opérations et représentations (Tome 1). Paris.

    Culioli, Antoine (1999a) : Pour une linguistique de l'Énonciation - Formalisation et opérations et repérages (Tome 2). Paris.

    Culioli, Antoine. (1999b) : Pour une linguistique de l'Énonciation - Domaine notionnel (Tome 3). Paris.

    Frisch, Stefan A./Broe, Michael B./Pierrehumbert, Janet B. (1995) : "The role of similarity in phonology : Explaining OCP-Place". In : Elenius, Kjell/Branderud, Peter (eds) : Proceedings of the 13th International Conference of the Phonetic Sciences. vol. 3 : 544-547.

    McCarthy, John (1994). "The Emergence of the Unmarked". In : Gonzàlez, Mercè (ed.) : Proceedings of the North East Linguistics Society 24 : 333-379.

    Mélis-Puchulu, Agnès (1993) : "Les adjectifs en -esque : d'abord des adjectifs construits". L'information grammaticale 58 : 33-39.

    Noailly Michèle/Bartning, Inge (1995) : "Pourquoi -esque ?". Cahiers de grammaire n°20 : 87-100.

    Plénat, Marc (1996) : "Mots possibles et mots existants. Le cas des dérivés en -esque". In : Pérennou, Guy (ed.) : Lexique et communication parlée. Toulouse : 113-125.

    Plénat, Marc (1997) : "Analyse morphophonologique d'un corpus d'adjectifs dérivés en -esque". Journal of French Language Studies 7 : 163-179.

    Rebollar, Patrick (1993) : "Simonesque, sur quelques adjectifs dans l'oeuvre de Claude Simon". In : Le Texte, un objet d'études interdisciplinaires /Mélanges offerts à Véronique Huynh-Armanet . Saint-Denis : 191-215.

    Zwanenburg Wiecher (1975) : "Le suffixe -esque en français". In : Dees, Anthony et al. (eds.) : Mélanges de linguistique et de littérature offerts à Lein Geschiere par ses amis, collègues et élèves. Amsterdam : 209-237.


    Annexe I

    Index des adjectifs en -esque mentionnés dans l'article

    abracadabrantesque (Introduction) Las-Vegas-esque (5.3; note 16)
    antiPopCulture-esque (5.3) livresque(1; 2  :tableau I; conclusion)
    arabesque (note6; 2 :tableau I ) Macdonalesque (conclusion)
    Beatles-esque (5.3) madelinesque (3.2)
    boy-scoutesque (Introduction) mauresque (2)
    Canterbury-esque (5.3) medievalesque (5.2)
    carnavalesque (3.1) moliéresque (2; 3.2)
    cauchemardesque (1) molièresque (4.2; 4.2.1)
    chaplinesque (2) Monty Python-esque (5.2)
    charentonnesque (2) MTV-esque (5.3)
    chevaleresque (4.2; 4.2.1)) nazi-esque (5.3)
    chiraquesque (1) niagaresque (2)
    chiraquesque (3; 3.1 :tableau II, 3.2) o.m.esque (5.3)
    clownesque (2; 3.1) pioupiesque (Introduction)
    corsesque (note 5) pittoresque (4.2.2)
    Coupland-esque (5.3) pompidolesque (note 6)
    courtelinesque (4.2.3) rmiesque (1)
    cybernético-murdeslamentationesque (5.3) romanesque (2; note 16)
    dantesque(1; 2 :tableau I) 'Shine'-esque (5.3)
    Defender-esque (5.3) simiesque (3.1)
    donjuanesque(1) soldatesque(2 :tableau I)
    éléphantesque (3.3) système-esque (5.2; 5.3)
    fugazi-esque (5.3) titanesque (2; 3.1)
    funambulesque (2) titanesque (note 6)
    gargantuesque (4.2.3) toubonesque (3.2)
    gigantesque (4.2; 4.2.3, conclusion) tudesque (2)
    Gran Turismo-esque (5.2) TV-esque (5.2; 5.3)
    goesque (conclusion) ubuesque (4.2.3; conclusion)
    grecesque (note 5) Unix-esque (5.3)
    grotesque (3.2; 4.2.2; conclusion) web-esque (5.3)
    ionesquesque (3.2)  

    Annexe II

    Adjectifs agréés par le Robert électronique

    arabesque hippopotamesque
    barbaresque hispano-mauresque
    burlesque hispano-moresque
    cannibalesque livresque
    canularesque mauresque
    carnavalesque moliéresque
    cauchemardesque moresque
    charlatanesque pédantesque
    chevaleresque picaresque
    clownesque pittoresque
    dantesque plateresque
    donjuanesque prudhommesque
    éléphantesque rocambolesque
    faunesque romanesque
    feuilletonesque sardanapalesque
    fresque simiesque
    funambulesque soldatesque
    gaguesque titanesque
    gargantuesque tudesque
    gigantesque ubuesque
    grand-guignolesque vaudevillesque
    grotesque  

     

    ANNEXE III

    SIMONESQUE´ GLOSSAIRE DES MOTS EN -ESQUE de Patrick Rebollar à l'aide des
    CD-Rom Robert électronique, Discotext 1, et de la Base de données Frantext (INaLF, CNRS),
    ainsi que des versions informatiques des textes de Claude Simon
    (les citations de ses oeuvres sont en caractères gras dans ce glossaire).

    ABRACADABRANTESQUE  : 1. rel. à la formule magique abraca-dabra, 2. abracadabrant : extraordinaire et incohérent " ô flots abracadabrantesques, Prenez mon coeur, qu'il soit lavé !" (Rimbaud, Poésies, 1871, "Le Coeur volé") "Cette harmonie constitue un des éléments nouveaux des toujours délicieusement abracadabrantesques compositions de Waroquier qui, dans la patine ambrée des vieilles pierres vénitiennes, inscrit l'amusante flotille de bateaux à voiles et de gondoles." (Artaud, Littérature et arts plastiques)

    ALHAMBRESQUE :  dans le style de l'Alhambra, palais mozarabe de Grenade "[...] ce restaurant Peters, avec ses lampes allumées du premier salon et qui font apparaître sa grande salle alhambresque du fond et sa vasque à la pyramide de fougères, de coquelicots, de fleurettes des champs comme baignant dans le bleuâtre d'une apothéose d'ambigu" (E. et J. de Goncourt, Journal, 1890, p.180)

    ANIMALESQUE :  de animal (1858).

    ANTIPITTORESQUE :  contraire de pittoresque (voir ce mot). "il y a bien encore des vignes, mais elles perdent ce qu'elles ont d'antipittoresque par leur mélange avec les rochers dont elles gravis-sent les pentes, dont elles tapissent les moindres escarpements." (J.-J. Ampère, Correspondance, 1816 à 1827, p.389)

    ARABESQUE  : formé sur arabe, 1.Subst. Cf. dictionnaire. 2.Adj., longtemps synonyme de moresque. Vx. Se dit d'un genre d'architecture qui n'admet dans les ornements que des imitations de plantes et de feuillages.

    ARISTOPHANESQUE :  Néol. de Flaubert en 1853. Qui ressemble au style d'Aristophane, dans le pamphlet politique ou le trait caricatural comique, voire bouffon. "Auguste Comte (auteur de La philosophie positive, lequel est un ouvrage profondément farce, et qu'il faut même lire pour cela, l'introduction seulement, qui en est le résumé ; il y a, pour quelqu'un qui voudrait faire des charges au théâtre, dans le goût aristophanesque, sur les théories sociales, des californies de rire)" (Flaubert, Corres-pondance, 1853, p.259) "Nous sommes seulement cinq chez Brébant. Il est question de l'intérieur aristophanesque du gouvernement de la défense nationale, d'Arago [...]" (E. et J. de Goncourt, Journal, 1878, p.627)

    ASINESQUE  :  du lat. asinus (âne), relatif à cet animal, à la stupidité, l'ignorance ou l'étroitesse d'esprit qu'on lui prête.

    ATRIDESQUE  :  néol. de Claude Simon, relatif aux péripéties meur-trières et sanglantes des Atrides, descendants d'Atrée, roi légendaire de Mycènes "De toute façon ça n'avait aucune importance. Le temps n'existe pas. Ni demain, ni hier, ni les hommes qui ne font que naître et mourir, passer   : seulement les passions, les éternelles, atridesques et sauvages passions qui errent sans fin à la surface du monde [...]" ("Le Cheval", Les Lettres nouvelles, 57, fév.1958, p.173)

    BACCHANALESQUE  : 1. syn. orgiaque, relatif à Bacchus, et aux fêtes données en son honneur (bacchanales), 2. tableau, ou bas-relief représentant ces fêtes. "Puis le retour bacchanalesque, qui fait descendre de notre compar-timent un bourgeois épouvanté." (E. et J. de Goncourt, Journal, 1863, p.482)

    BABELESQUE  : 1. Synonyme de gigantesque. 2. Par extension   : caractère d'un entassement confus ; lieu où sont parlées plusieurs langues ; réunion confuse. 3. Au figuré   : se dit d'une entreprise, d'une conception hardie, téméraire, d'idées, de conceptions ayant un aspect majestueux ou gigantesque. (Babélique, chez V. Hugo.) "Blum se tenaient debout sur le seuil de la grange, à l'abri de l'en-foncée du mur, en train de regarder de Reixach aux prises avec un groupe d'hommes gesticulant, s'échauffant, s'affrontant, les voix se mêlant en une sorte de choeur incohérent, désordonné, de babe-lesque criaillerie, comme sous le poids d'une malédiction, une parodie de ce langage qui, avec l'inflexible perfidie des choses créées ou asservies par l'homme, se retournent contre lui et se vengent " (Claude Simon, La Route des Flandres, p.50)

    BANVILLESQUE  :  désigne le style du poète Théodore de Banville, auteur des Odes funambulesques (1857), voir à ce mot "les races futures qui seront plus ennuyées que nous, étant plus vieillies, n'auront pas ce courageux exemple consigné par écrit, et qui mériterait d'être chanté en vers banvillesques, avec des rimes de platine, l'or étant un métal tombé dans le commun." (Péladan, Le Vice suprême, 1884)

    BARBARESQUE  :  ce qui appartient aux peuples de Barbarie (orig. Berbères)  : navire barbaresque. Ces peuples eux-mêmes ; puis leurs qualités et caractéristiques "cinq minutes après, la barque arrivait à terre, et Tartarin posait le pied sur ce petit quai barbaresque, où, trois cents ans auparavant, un galérien espagnol nommé Michel Cervantes préparait - sous le bâton de la chiourme algérienne - un sublime roman qui devait s'appeler Don Quichotte !" (A. Daudet, Aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon, 1872, p.61) "le duc Fosdinovo vend Nice au barbaresque ; Spinetta se fait peindre ayant, dans une fresque, un crâne entre les dents comme un singe une noix ; Fiesque empoisonne Azzo, c'est le mode génois [...]" (Hugo, La Légende des siècles, 3, 1883, "les 4 jours d'Elciis, 2e jour") - remarquer la rime interne.

    BAUDELAIRESQUE  :  relatif à Baudelaire, sa personnalité ou ses oeuvres "Et il est question du fantastique Montesquiou, et l'on raconte ses premières amours, des amours baudelairesques, des amours avec une femme ventriloque, dont la voix du ventre, pendant que Montesquiou travaille à être heureux, imitant l'organe aviné d'un maquereau, menace le noble miché." (E. et J. de Goncourt, Journal, 1890, p.416)

    BELLEMERESQUE  :  néol. d'A. France (1906), formé sur belle-mère, relatif à l'acrimonie qu'on lui prête parfois.

    BERGOTTESQUE  :  relatif à Bergotte, personnage de La Recherche du temps perdu de Proust "S'il avait jamais à répondre devant un tribunal, il userait non des phrases propres à convaincre les juges, mais de ces phrases ber-gottesques que son tempérament littéraire particulier lui suggérait naturellement et lui faisait trouver plaisir à employer." (Proust, Sodome et Gomorrhe, 1922, p.610)

    BONAPARTESQUE  :   à la manière de Bonaparte.

    BOUFFONESQUE  :  digne d'un bouffon, de celui qui fait rire "Plagiaires aussi de l'empire, les Espagnols empruntèrent le nom de bataillon sacré à la retraite de Moscou, ainsi qu'ils étaient bouf-fonesques de la Marseillaise, des sanculotides [...]" (Chateaubriand, Congrès de Vérone, 1838, p.60-61)

    BOUFFRESQUE  :  mot-valise de Jarry, réalisé avec bouffon et gouffre "allons, tais-toi, bouffresque. nous allons maintenant, messieurs, procéder aux finances." (Jarry, Ubu roi, 1895, III, II)

    BOY-SCOUTESQUE  :  néol. de Claude Simon, relatif aux boy-scouts (groupes créés par Baden-Powell en 1908), à leurs activités et à leur valeurs morales ou para-militaires "exactement le contraire de cette volonté d'ordre, de stabilité, de cette conception obstinément boy-scoutesque et optimiste du monde à quoi il s'accroche, qu'il cherche à toute force à préserver, à tenir pour vraie contre l'évidence même..." (Le Vent, p.149) "[...] bonne conscience du dénonciateur et du philosophe, l'inusable fable - ou farce - grâce à quoi le bourreau se sent une vocation de soeur de charité et le supplicié la joyeuse, gamine et boy-scoutesque allégresse des premiers chrétiens, tortionnaires et martyrs réconciliés se vautrant de concert dans une débauche larmoyante que l'on pourrait appeler le vacuumcleaner ou plutôt le tout-à-l'égout de l'intelligence [...]" (La Route des Flandres, p.172)

    BURLESQUE  :  Cf. dictionnaire "D'un seul nom quelquefois le son dur ou bizarre Rend un poëme entier ou burlesque ou barbare" (Boileau, Art poétique, III, 1674)

    "les rites immuables de la mort, l'immuable et irréversible acheminement vers la mort qui constitue la trame même de toute tragédie, de toute vie, quels qu'en soient les épisodes glorieux, burlesques ou monotones, commentés à travers les actes grandioses et dérisoires des héros, des rois, des reines inces-tueuses" (Claude Simon, L'Herbe, p.23)

    CALIGARESQUE  :  néol. de G. Sadoul (1949), du Docteur Caligari, héros d'un célèbre film d'épouvante.

    CAMBRONNESQUE  :  euphémisme désignant le mot "merde" et les mots dérivés (à Waterloo, selon certains, le Général Cambronne aurait déclaré aux anglais que "la garde meurt et ne se rend pas", mais selon d'autres sources, il aurait employé ce mot plus trivial, dès lors appelé le mot de Cambronne...) "Aussi avait-il décidé, il y avait une quinzaine de jours, de ne plus revoir la jeune fille, de laisser M. De Charlus et Jupien se débrouiller (il employait un verbe plus cambronnesque) entre eux, et, avant d'annoncer la rupture, de "fout'le camp" pour une destination in-connue." (Proust, La Prisonnière, 1922)

    CAMÉLÉONESQUE  :  qui fait allusion aux aptitudes particulières du caméléon "Flavie admira cet être caméléonesque  : un genou en terre, les mains en croix sur la poitrine et les yeux levés vers le ciel, dans une extase religieuse, il récitait une prière, il était le catholique le plus fervent, il se signa. Ce fut beau comme la communion de Saint Jérôme." (Balzac, Les Petits Bourgeois, Pléiade, t.VII, p.199)

    CANNIBALESQUE  :  de cannibale, métaphore emphatique désignant une capacité oratoire à exprimer l'animosité, l'aigreur ou la haine "la mauvaiseté fielleuse et cannibalesque de Leconte de Lisle est tout entière dans ce mot de farceur macabre. Le poète, admirablement reçu par le duc d'Aumale [...] rencontre je ne sais qui, auprès duquel il s'étend sur la politesse, la grâce, le charme, le grand air du prince d'Orléans, tirade qu'il interrompt par un temps, au bout duquel il dit  : "Mais maintenant, il faudrait le voir sur l'échafaud !"" (E. et J. de Goncourt, Journal, 1890, p.521)

    CANULARESQUE  :  de canular "cet aspect cocasse ou canularesque, propre à toutes les choses sérieuses de la vie [...] ne trompe pas" (R. Debray, L'Indésirable, p.222).

    CARAVAGESQUE  :  du peintre italien, qui caractérise ou évoque sa technique picturale. L'éclairage caravagesque. Peut être employé comme substantif. "C'est par là qu'il (Le Caravage) annonce Vermeer [...] et non pas parce que les poses, l'usage de l'espace et le clair-obscur sont cara-vagesques dans un Vermeer, d'ailleurs suspect, la Diane au bain de La Haye." (A. Berne-Joffroy, in N.R.F., 1953) "La lumière des caravagesques tend d'abord à séparer leurs personna-ges de l'obscurité [...]" (Malraux, Les Voix du silence, Pléiade, p.388)

    CARBONARESQUE  :  de l'ital. carbonaro, bandit ; néol. de R. Rolland (1916).

    CARDINALESQUE  :  1. relatif à l'état de cardinal, à l'attitude supposée de cette charge, 2. allusion à la couleur des habits cardinaux "Malartic [...] empoigna silencieusement le verre plein qui semblait l'attendre et le vida d'un trait. Son système différait de celui de Jacquemin, mais n'en était pas moins efficace, comme le prouvait la pourpre cardinalesque de son nez." (Gautier, Le Capitaine Fracasse, 1863, p.317) "Un escalier du louvre, où sont étagées sur les paliers des légions de domestiques, à la livrée cardinalesque et qui prennent l'aspect de respectables et pittoresques larbins du passé." (E. et J. de Goncourt, Journal , 1890, p.982)

    CARICATURESQUE  :  néol. de Barbey d'Aurevilly (1868).

    CARNAVALESQUE :  relatif au carnaval, à la fête ou au traves-tissement. "Il faudrait mettre en garde contre une ambiguïté à laquelle se prête l'emploi du mot carnavalesque. Dans la société moderne, il connote en général une parodie, donc une consolidation de la loi ; on a tendance à occulter l'aspect dramatique (meurtrier, cynique, révolutionnaire...) du carnaval sur lequel justement Bakhtine met l'accent et qu'il retrouve dans la ménippée ou dans Dostoïevski." (Julia Kristeva, Semeiotikê, p.162) "[...] vont au cinéma, ne se promènent pas coiffés d'une cagoule ou avec un revolver sur les fesses, et ne vous donneront pas l'impression d'être à leur place dans le pays du sang, de la volupté et de la mort. Peut-être, en effet, n'y sont-ils pas. Du moins, au sens carnavalesque, que les écrivains et les touristes aiment don-ner à ces mots." (Claude Simon, La Corde raide, p.41) "seule certitude en fin de compte qu'il nous soit donné d'avoir  : ce dans la crainte de quoi sans doute on l'entoure, la masque, de ce carnavalesque et pompeux décorum, emportant, escamotant dans une apothéose de plumes, de larmes d'argent, et un sillage de coups de chapeaux, ce qui n'est en somme rien plus qu'un peu de viande pourrie !" (Claude Simon, Le Vent, p.186) " je pouvais voir son grand nez, sa tête penchée comme si elle était entraînée vers le bas par le poids de cette espèce de bec, de truc postiche carnavalesque comme rajouté en avant de sa figure en lame de couteau telle qu'on n'en fabrique sans doute plus depuis les spadassins de la Renaissance italienne " (Claude Simon, La Route des Flandres, p.42) " hommes habillés de robes, comme des femmes, leurs longues jupes noires exhalant aussi de leurs plis quelque chose d'à la fois ténébreux, cadavérique et de vaguement carnavalesque, comme des déguisements " (Claude Simon, l'Invitation, p.74) "comme sous l'effet d'un défi, d'une provocation, d'une carnavalesque et intolérable parodie, à la vue des masques à gaz que portaient en bandoulière, comme ils auraient porté des épuisettes ou des cannes à pêche, les membres d'une petite famille" (Claude Simon, l'Acacia, p.235)

    CARRACHESQUE  :  dans le style des Carrache, ou Carracci, frères italiens qui renouvelèrent la peinture en rompant avec le maniérisme, et initièrent l'école de Bologne, et la dérive académique qu'on leur attribue parfois "Comment se fait-il que ce détestable style, mou, carrachesque, ait prévalu  ?" (Delacroix, Journal, 1852, p.495)

    CASSANDRESQUE  :  probable néol. de Claude Simon, relatif à Cassandre (à son don et son contre-don) : la légendaire princesse troyenne prédisait l'avenir mais ne devait pas être crue "plus tard donc, il devait se rappeler avoir perçu, froid, ténébreux et moisi, comme le souffle même des désastres, l'infaillible et cassandresque prémonition des catastrophes et des défaites." (Le Sacre du printemps, p.126) "comme si décidément toutes les pendules semblaient avoir été fabriquées en série par ce même siècle philosophe, morbide et enrubanné pour la décoration cassandresque des salons et des chambres d'hôtel" (L'Herbe, p.90) "bavard détenteur de secrets d'oracles appuyé sur son bâton et prêt à se jeter sur sa proie comme un de ces vieillards cassan-dresques et maléfiques postés sur le passage des cortèges triomphaux" (Histoire, p.114) "tandis qu'ils continuaient d'avancer, de presser machinalement le pas de leurs montures fourbues, relevant à peine la tête pour lancer au dos qui les précédait l'avertissement monotone, inutile, répété avec cette cassandresque persévérance des annonciateurs d'apocalypses et de désastres" (L'Acacia, p.48)

    CAUCHEMARDESQUE  :  ou cauchemaresque, à la fois fantastique et terrifiant. "Même silence. Ce nègre était aussi muet qu'Hilare. "Après tout, je m'en moque, me dis-je, en désespoir de cause. Tel qu'il est, je le trouve plus sympathique que M. Le Mesge, avec son érudition cauche-mardesque." (Pierre Benoît, L'Atlantide, 1919, p.174) "[...] si l'insane m'eût étranglé je me serais laissé faire tant sa venue était macabre et les quelques pas qu'il avait pu parcourir en titubant [...] étaient cauchemaresques [...]" (Cendrars, Bourlinguer, p.222) "tourbillonnant sans fin à la surface de la terre errant de l'Orient à l'Occident à travers le temps et l'espace se traînant de lieux saints en lieux saints fanatiques cauchemaresques avec leurs yeux chassieux leurs ulcères leurs membres tordus leur colère et leur désespoir" (Claude Simon, Histoire, p.226)

    CHAPLINESQUE  :  néol. de Claude Simon, relatif à Charles Chaplin, à son jeu d'acteur et à ses mimiques "maintenant il venait de jaillir en boulet de canon de la porte, dé-rapait sur le trottoir pour reprendre son équilibre, les bras battant l'air, chaplinesque, comique et terrifiant, avant de tourner à angle droit" (Le Palace, p.97)

    CHARDINESQUE :  se rapporte au style ou aux oeuvres de Chardin "L'intérieur est resté provincial, normand, chardinesque, et les grandeurs n'ont rien changé du train de la maison." (E. et J. de Goncourt, Journal, 1878, p.969)

    CHARENTONESQUE  :  ou charentonnesque, par métonymie ou euphémisme, fait référence à l'état mental des pensionnaires d'un célèbre asile psychiatrique de la commune de Charenton. "En littérature, l'invention de situations, la création de personnages, l'architecture des phrases, ce n'est plus rien pour lui [Poictevin]  : il n'y a que la trouvaille d'une épithète - et bien souvent biscornue - où il apporte une recherche délirante, affolante, charentonnesque !" (E. et J. de Goncourt, Journal, 1896, p.221) "il est tout simplement prodigieux quand il commente son catéchisme satanique avec une verve un tantinet charentonesque et une obstina-tion, j'allais dire une candeur, de blanc d'Espagne et d'émigré." (Proust, La Prisonnière, 1922, p.328)

    CHARIVARESQUE  :  1. du charivari (bruit tumultueux de huées, de sifflets, de casseroles et autres objets, que l'on faisait jadis devant la porte des veuves qui se remariaient) ; concert qui devint aussi de nature politique ou littéraire, v. Cabale; 2. caractère d'un concert véritable qui manque d'harmonie; 3. relatif au journal satirique fondé en 1832. "C'est drôle, c'est charivaresque, c'est digne de légèretés écrites par le même auteur pour amuser des coulisses." (Labouraye, Journal officiel, 16 Juin 1875, p.4329)

    CHARLATANESQUE  :  1. qui est propre au charlatan, 2. par ext. désigne les faux remèdes assortis de grands discours "création dans une oeuvre moderne d'un médecin qui, ressuscitant les traditions charlatanesques du XVIIIe siècle, prendrait la spécialité des débilités, tous les hommes de trente-cinq ans de Paris" (E. et J. de Goncourt, Journal, 1863, p.354)

    CHATEAUBRIANESQUE  :  qualifie le style de Chateaubriand, considéré comme une caricature de lui-même "Je t'épargne les commentaires et les réflexions chateaubrianesques sur la fuite des jours, la chute des feuilles et celle des cheveux." (Flaubert, Correspondance, 1860, p.257)

    CHATESQUE  :  tautologie, du caractère du chat "[...] il mit tout de traviole, érigea comme il faut sa queue, que Solange ne parvenait pas à rabattre, pour lui montrer son derrière, pareil à une petite lune pleine, enfin n'eut plus d'autre objectif que de lui mettre le susdit sous le nez. Et le chat jonquille ! Une crevette chatesque. Un phénomène de maigreur et de virulence, tenant de la puce, de la crevette et de l'araignée." (Montherlant, Le Démon du bien, 1937, 2è partie)

    CHATNOIRESQUE  :  relatif au Chat Noir, cabaret de Paris, où se réunissaient des poètes, chansonniers, dessinateurs, de 1881 à 1897 "ils s'étaient fait un argot composite, d'expressions de toutes classes et de tous pays, pédantesque, chatnoiresque, classique, lyrique, précieux, poisseux, poissard, mixture de coq-à-l'âne, d'afféteries, de grossièretés et de mots d'esprit, qui semblaient avoir un accent étranger." (Rolland, La Foire sur place, 1908, ch. 1)

    CHEVALERESQUE  :  de l'ital. cavalleresco, adjectif et substantif rappelant 1. la figure légendaire du chevalier, ses valeurs morales et ses qualités physiques, 2. le monde de la chevalerie comme élément de l'univers féodal, 3. le type littéraire du roman de chevalerie "Ne voyez-vous donc pas, madame, que je vais changer ma vie insipide d'exercice, de mathématiques, de revues et de café, contre un beau roman chevaleresque, le seul roman chevaleresque de notre siècle ?" (Frédéric Soulié, Les Mémoires du diable, 1837, p.173)

    CHURRIGUERESQUE  :  dans le style espagnol baroque des artistes de la famille Churriguera (vers 1650-1740) "cet art churrigueresque mérite d'être reconnu pour une étape nouvelle du baroque européen" (V.-L. Tapié, Le Baroque, p.103)

    CLOWNESQUE  :  relatif au clown, à son jeu ou à l'état d'esprit qu'on lui prête "Lu en wagon le Grand Écart de Jean Cocteau [...] durant le premier quart du livre, suis arrivé, par bon vouloir, à me donner le change, amusé d'autre part par l'extrème ingéniosité des images et la brus-querie clownesque de certaines présentations." (Gide, Journal, 1923) "Maurice pouvant le voir alors de face, éclairé par en-dessous comme un acteur par les feux de la rampe, avec ce côté clow-nesque, insolite, cette figure sans âge, désolée, barrée maintenant par les deux traînées noires qui s'écoulaient des narines " (Claude Simon, le Vent, p.128)

    COURTELINESQUE  :  dans le style des pièces de théâtre de Georges Courteline, de l'enchaînement des péripéties. "au milieu de ce désordre courtelinesque, Gérard Duglandier de la Bastie [...] travaillait avec élégance " (J. Dutourd, Au bon Beurre, p.171)

    COURTISANESQUE  :  à la façon des courtisans, peu naturel. "Se donner de garde du venin qui est caché sous le miel de vos beaux conseils courtisanesques." (Villeroi, Mémoires, [1616], t.III, p.70) "Le secret travail de la taupinière bourgeoise commença dès cette époque et pendant seize ans je ne cessai d'en examiner les progrès et de suivre les lignes tortueuses de cette mine creusée sous le gazon verdoyant d'une apparente félicité et sous les fleurs d'une comédie courtisanesque de quinze ans." (Vigny, Mémoires inédits, 1863, p.59)

    CROCODILESQUE  :  relatif au crocodile, au danger qu'il représente ou à la difficulté de le rencontrer "L'oeuf crocodilesque des traditionnelles usures" (Léon Bloy, Le Désespéré, 1886, p.119).

    CYCLONESQUE  :  probable néol. de Claude Simon ; comme un cyclone. "Il me le décrivit dans ce moment  : arrêté, stoppé net au beau milieu de cette furibonde, cyclonesque (et peut-être nauséeuse) agitation, ou plutôt agression." (Le Vent, p.171)

    DANAESQUE  :  néol. de Claude Simon ; renvoie à l'attitude de Danaé, fille d'Acrisios, roi d'Argos (celui-ci la fit enfermer dans une tour où Zeus, épris d'elle, vint la visiter sous la forme d'une pluie d'or dont naquit Thésée, futur meurtrier d'Acrisios); Simon lui prête une lubricité sans doute exagérée... "[...] parce que tout de même fallait-il qu'elle fasse cela aussi, qu'elle condescende, se résigne à abandonner sa dignité pour se mettre aussi sur le dos dans cette docile impudique et danaesque position de réception, d'accueil, guidant en elle [...]" (Le Vent, p.116)

    DANDYESQUE  :  à la façon d'un dandy "Il marchait de long en large en compagnie d'un camarade qui devait être son maître d'élégance et qui lui conseillait, avec une pédanterie dandyesque, de faire diminuer l'échancrure de son pardessus en y faisant adjoindre un bouton supplémentaire." (Queneau, Exercices de style, 1947)

    DANTESQUE  :  qui se rapporte à Dante et à sa poésie ; qui a le caractère sombre et sublime de l'oeuvre de Dante. "Ces nobles d'autrefois dont parlent les romans, Ces preux à fronts de boeuf, à figures dantesques" (Nerval, Odelettes, 1832) 'horreur dantesque, quand on l'aborde par le vallon aux terres sanglantes [...]" (Maurice Barrès, La Colline inspirée, I, p.1) "[...] un de ces agonisants à échéance calculable, que vomissent les voitures numérotées, à l'heure des consultations, sur le seuil dantesque des hôpitaux." (Léon Bloy, Le Désespéré, p.133) " le bras frappant non de haut en bas mais sous tous les angles dans une avalanche une frénésie de coups furieux), exhalant on ne savait quoi de dantesque, de passionné et de pitoyable dans le tranquille et verdoyant décor " (Claude Simon, Histoire, p.212)

    DÉVORANTESQUE  :  néol. de Balzac (1833), formé sur l'adj. dévorant.

    DIAFOIRESQUE  :  de Diafoirus, personnage de Molière (Le Malade imaginaire) "La soirée s'est terminée par une charade, où toute la jeune société, sous la direction de Claudius, costumée en chienlits, s'est démenée et réjouie dans une scène diafoiresque, où l'on examinait le fond d'un pot de chambre." (E. et J. de Goncourt, Journal, 1878, p.1200)

    DONJUANESQUE  :  probable néol. de Nerval (1841), de Don Juan, légendaire séducteur libertin, repris par de nombreux auteurs, dont Molière et Mozart "en proie, en même temps qu'aux affres matinales et quotidiennes de l'existence, à l'obsession d'une haleine hygiénique, parfumée et donjuanesque garantie par les bataillons de pin-ups publicitaires aux éblouissants sourires." (Claude Simon, Le Sacre du printemps, p.102)

    DONQUICHOTTESQUE  :  ou don-quichottesque, selon le caractère du personnage de Cervantès. "le craquement, la flamme jaune extirpant de l'ombre le donquichottesque profil penché sur la cigarette déjà plantée entre les lèvres, comme si la longue carcasse d'escogriffe un instant apparue, durement sculptée par la précaire lueur se tendait tout entière pour aspirer, se remplir du parfum de la fleur éphémère, vacillante et jaune dans les ténèbres." (Claude Simon, Le Sacre du printemps, p.267) "je pouvais toujours les voir devant nous se silhouettant en sombre (formes donquichottesques décharnées par la lumière qui mordait, corrodait les contours) " (Claude Simon, La Route des Flandres, p.23) " l'étudiant ressentit l'impression burlesque d'être enfermé au sein d'un de ces palais de miroirs dans une combinaison de plusieurs glaces qui lui renvoyaient en triple exemplaire l'image du même cadavre décharné, donquichottesque et triste, travesti en mécano." (Claude Simon, Le Palace, p.193) "les respectables filles à marier des opulentes maisons de commerce, gourmées, raides, dans leurs robes victoriennes prune ou olive sévèrement boutonnées, avec leurs manches à gigots, leurs jupes à tournures, leurs mentons lourds, leurs yeux à fleur de tête, leurs ombrelles et leurs capotes victoriennes), et eux nus et suants dans leurs combinaisons de mécanos, don-quichottesques, criards, efflanqués, avec ce quelque chose que la mort avait déjà commencé à leur faire alors qu'ils étaient encore vivants" (Claude Simon, Histoire, p.193)

    EDMONDSCHERESQUE  :  relatif à la vie et aux oeuvres d'Edmond Scherer, journaliste et homme politique français (1815-1889).

    EIFFELESQUE  :  néol. d'A. Bruant (1901), relatif à Gustave Eiffel (architecte notamment de la tour qui porte son nom à Paris), allusion à sa modernité architecturale très contestée, à l'énormité des chantiers mis en oeuvre, ou aux matériaux utilisés pour les constructions.

    ÉLÉPHANTESQUE  :  (1890) formé sur éléphant. "les Galeries Modernes en vue cavalière ou en élévations et pers-pectives où de minuscules messieurs coiffés de gibus désignent de leurs cannes à des dames en tournures les éléphantesques monuments élevés à la gloire de la Production Industrielle ou du dieu Commerce dans une combinaison des divers ordres architecturaux " (Claude Simon, histoire, p.161)

    EUPALINESQUE  :  néol. de Valéry (1922), à la manière d'Eupalinos, héros de Valéry.

    FARCESQUE  :  de la farce "Et la guerre  ? Et les forfanteries de la perfide Albion tournant en eau de boudin ? Farce ! Farce ! "toutes nos vocations sont farcesques", comme disait le père Montaigne." (Flaubert, Correspondance, 1878, p.112)

    FAUBOURG-SAINT-GERMANESQUE  :  relatif au Faubourg-Saint-Germain, à la qualité des personnes qui y habitaient, au XIXe siècle principalement "[...] après deux mois d'assiduités, elle eut, au fond de l'âme, une sorte de peur vague en voyant que Monsieur De Montriveau ne comprenait rien aux finesses de la coquetterie Faubourg-Saint-Germanesque, et prenait au sérieux les minauderies parisiennes." (Balzac, La Duchesse de Langeais, 1834, ch. 2)

    FAUNESQUE  :  comme un faune. "Une beauté faunesque animée de la joie ivre, capricante et mal-faisante du premier âge champêtre et bestial de l'homme." (E. et J. de Goncourt, Mme Gervaisais, p.120) "regardant avec hébétude leur propre chair leur révéler avec une brutalité sanglante une réalité qui les apparente aux sources, à l'herbe, à la terre odorante et molle  : dans la lumière déchiquetée et verte du printemps, quelque chose de faunesque, de païen, quelque chose comme ces photos allemandes de jeunes filles ou plutôt d'adolescentes car elles ont encore leurs longues tresses pendantes, debout, nues, au milieu d'une clairière" (Claude Simon, le Sacre du printemps, p.254) "[...] pas plus qu'elle n'éprouvait gêne ni honte à se trouver elle-même en chemise, avec son ventre de sept mois devant un homme dans le plus simple appareil et dans un état pour ainsi dire faunesque car [...] il ne paraissait nullement intimidé" (Claude Simon, le Vent, p.115) "de sorte que se dessine un visage plus large que haut, pourvu de trois yeux et de deux nez, comme ceux de ces divinités allégoriques et faunesques sculptées sur des vases ou des stèles" (Claude Simon, Histoire, p.268) "vieille chanson qui parle de con barbu pouvant croyant en quelque sorte les voir sous les jupes virevoltantes crépus bouche bête verticale béante moite dans les poils mouillés en boucs faunesques entre les grasses cuisses livides et au lieu des nymphes des cascades des hamadryades seulement les boniches soyeuses et leurs rêches toisons tournoyant sans fin sur le plancher" (Claude Simon, Histoire, p.340) "Se faire baiser ou plutôt cette fois se faire monter par Imaginant quelque chose de faunesque quelque chose avec de l'herbe des feuillages" (Claude Simon, Histoire, p.341) "tandis qu'elles se reboutonnaient, leurs compagnons à têtes d'as-sassins bibliquement entourés de bibliques nuées d'enfants couverts de crasse, faunesques, avec leurs tignasses emmêlées et leurs dents éclatantes sous les épais filaments de morve accrochés à leur lèvre supérieure" (Claude Simon, Les Géorgiques, p.213)

    FESTIVALESQUE  :   allusion à l'activité ou à l'ambiance d'un festival ou d'un spectacle "Je venais de donner quatre matinées festivalesques dans le Cirque des Champs-Elysées" (Berlioz, Les Grotesques de la musique, 1859, p.262)

    FEUILLETONESQUE  :  néol. de Mme de Girardin (Lettres parisiennes, 1839), qui tient du roman-feuilleton, qui rappelle son aspect fragmen-taire et son suspens artificiel.

    FIGARESQUE  :  néol. de Barbey d'Aurevilly (1881), selon Figaro, le personnage de Beaumarchais.

    FOURBESQUE  :  1864, attitude du fourbe.

    FOURMILLESQUE  :  probable néol. de Claude Simon, relatif aux fourmis, à leur petitesse ou à leur organisation sociale "[...] l'ensemble de granges, de greniers, qui sans doute deviendront plus tard, au fur et à mesure des fourmillesques tra-vaux et aménagements étalés sur quarante ans " (L'Herbe, p.225) " le vieil homme continuant à parler à un fauteuil vide tandis qu'il s'éloignait, disparaissait, la voix solitaire s'obstinant, porteuse de mots inutiles et vides, luttant pied à pied contre cette chose fourmillesque qui remplissait la nuit d'automne, la noyait, la submergeait à la fin sous son majestueux et indifférent piétinement." (La Route des Flandres, p.35)

    FUNAMBULESQUE  :  1. Qui a rapport au funambule, à son art. 2. Bizarre, extravagant. "Ou qu'il daigne faire des tours Sur la corde funambulesque [...]" (Banville, Odes funambulesques, 1857, "La Corde roide") "Le genre "funambulesque" est donc en grande partie ce qu'était autrefois le "burlesque". La richesse amusante de la rime est un de leurs éléments communs. M. de Banville n'a fait qu'y joindre les procédés de versification et le vocabulaire particulier de la poésie contemporaine : encore avait-il déjà pour modèles certaines bouffon-neries lyriques de Victor Hugo et surtout le quatrième acte de Ruy Blas. Le genre funambulesque, tel qu'il l'a pratiqué, c'est simplement le "burlesque" romantique, comme le burlesque serait le "funambulesque" classique." (Jules Lemaitre, Les Contemporains, 1885, p.10)

    GARGANTUESQUE  :  ou gargantualesque, de Gargantua, le célèbre personnage de Rabelais "[...] les du Ronceret donnaient un grand dîner à trois services [...] Ce repas gargantuesque durait six heures." (Balzac, Le Cabinet des antiques, p.430) "Bouilloux et Labbé, curiosités gargantuesques, font assaut de gueule [...] Labbé boit le vin blanc dans un seau à traire les vaches, Bouilloux se voit apporter un gigot entier dont il ne cède rien à personne, que l'os dépouillé." (Colette, La Maison de Claudine, p.85)

    GENTILHOMMESQUE  : 1845, à la façon d'un gentilhomme

    GIGANTESQUE  :  1.(1598) qui tient du géant, cyclopéen, démesuré, prodigieux  : le diplodocus, le mammouth, le séquoia. 2.(1718) abstrait : qui dépasse la commune mesure, l'oeuvre gigantesque de Balzac "l'état (temps, espace, froid) où devait être le monde à l'époque des cavernes, des mammouths, de bisons, et autres bêtes gigantesques chassées par des hommes gigantesques pour prendre leurs fourrures, boire leur sang chaud, au sein de gigantesques et inépuisables forêts." (Claude Simon, Les Géorgiques, p.119)

    GIONESQUE  :  néol. de Gide (1942), dans le style de Giono, allusion à ses personnages, aux anecdotes de ses romans.

    GIOTTESQUE  :  relatif au peintre Giotto, à son style pictural ; est ici substantivé pour désigner les toiles du maître "[...] il peignit de mots, de grands tableaux synthétiques et les entoura d'innombrables tableautins où revivaient l'intime, le privé, l'individuel de chaque époque, jusque dans ses modes d'habits et de vice : ainsi voit-on les ancônes des giottesques, où le martyre du saint est entouré d'une bordure de médaillons représentant par le détail les scènes de la vocation et les miracles de la vie." (Péladan, Le Vice suprême, 1884, p.14)

    GOBINESQUE  :  relatif à J. A. Gobineau, à ses oeuvres ou, plus souvent, à sa théorie de la supériorité de la race nordique (doctrine exploitée par le pangermanisme, puis le national-socialisme) "Tout le reste de son sang était allemand pur jus, et gobinesque à ravir [...]" (L. Daudet, Ciel de feu, 1934, p.74)

    GODWINESQUE  :  tautologie, selon le caractère de la romancière anglaise Mary Godwyn (1797-1851) "En retrouvant Mary il voulut s'excuser, mais bien qu'elle eût été vraiment inquiète, elle avait la godwinesque pudeur qui dissimule toute émotion, et plaisanta [...]" (Maurois, Ariel ou la vie de Shelley, 1923, 2e partie, XV)

    GOYESQUE  :  relatif au style pictural de Goya, à ses thèmes "et moi le cavalier le conquérant botté venu chercher au fond de la nuit au fond du temps séduire enlever la liliale princesse dont j'avais rêvé depuis des années et au moment où je croyais l'atteindre, la prendre dans mes bras, les refermant, enserrant, me trouvant face à face avec une horrible et goyesque vieille..." (Claude Simon, La Route des Flandres, p.246)

    GRANDGUIGNOLESQUE  :  digne du Grand-Guignol, théâtre fondé en 1897 et spécialisé dans la représentation de mélodrames excessifs, horrifiants, voire ridicules "Quant à la musique japonaise, même celle des geishas, c'est une espèce d'eau aigre et gazeuse qui pique sans réconforter. Faussement grave, et déchirante, d'un déchirement nerveux et suraigu grand-guignolesque, aucun volume, aucune assise. Elle s'amuse à tripoter et martyriser un nerf au fond de l'oreille." (Henri Michaux, Un Barbare en Asie, Gallimard, p.203)

    GRENOUILLESQUE  :  relatif à la grenouille "Les femmes disent toujours qu'elles donnent, et elles ne font qu'engloutir. Voir leur posture dans l'acte (posture par ailleurs si ridicule : grenouillesque)." (Montherlant, Les Lépreuses, 1939)

    GROTESQUE  :  1. sens primitif : (terme des Beaux-Arts) se dit des arabesques à l'imitation de celles qui furent trouvées dans des édifices anciens ensevelis sous terre. 2. par ext. : figures qui font rire en outrant la nature du sujet.

    GUIGNOLESQUE  :  à la manière de Guignol, pantin italien, impertinent et railleur (à Lyon à partir de 1795) "[...Les] "Joueurs" de 1892 [tableau de Cézanne] autour desquels flotte une menace mi-tragique, mi-guignolesque, en tout point semblable à celle qui passe à exécution dans la partie de cartes du film de Chaplin  : Une Vie de chien [...]" (André Breton, L'Amour fou, VI, p.155) "plus que jamais l'air (dans cette burlesque défroque, cette capote démesurée couleur de terre, de bile, d'où sortaient ses mains mi-nuscules et son bilieux, terreux visage aquilin) de quelque personnage guignolesque, disant : "Ces putains de Frisés, s'ils s'aperçoivent qu'on fait notre tambouille ici, ça va encore chier..."" (Claude Simon, la Route des Flandres, p.168)

    HELIOGABALESQUE  :  relatif aux désordres du règne de l'empereur Héliogabale, ou Elagabal "Ce cuisinier politique, si bien cuirassé contre l'étonnement, me parle avec stupéfaction de la disposition d'esprit scélérate, furieuse, hélioga-balesque du petit Thiers." (E. et J. de Goncourt, Journal, 1878, p.1200)

    HIPPOPOTAMESQUE  :  allusion à l'animal, à son énormité ou à sa lenteur légendaire "Dumas. C'est une espèce de géant, à cheveux de nègre gris, un petit oeil hippopotamesque, clair, fin et qui veille, même voilé ; les traits comme au centre d'un visage énorme et bavant par le bas." (E. et J. de Goncourt, Journal, 1878, p.128) "Ils ont aussi un instrument, une sorte de trompette de 4m50 de long, qu'ils braquent sur la campagne pour appeler les gens à la prière. Un bruit de glotte énorme et hippopotamesque en sort." (Henri Michaux, Un Barbare en Asie, p.114)

    HISPANO-MAURESQUE  :  voir MAURESQUE

    HOFFMANNESQUE  :  ou hoffmanesque, qui rappelle les récits, les personnages de E.T.A. Hoffmann. "Fournier, cette fois en Pierrot [...] trébuchant d'un portant à l'autre, les bras levés en l'air et invitant à la joie, ivre de vin, ivre du bruit et de la folie de sa tête - et fantastique, et hoffmanesque, et shakes-pearien, et sardanapalesque [...]" (E. et J. de Goncourt, Journal, 17 fév. 1863)

    INGRESQUE  :  substantif ou adjectif, néol. de Gautier (1845). Relatif à Ingres, en ce que sa manière a de plus frappant "[...] une peinture nette, stricte, aux volumes accusés, limités, construits, dite ingresque [...]" (Maurice Gieure, La Peinture moderne, p.18) "elle était aussi loin de penser pourquoi cela m'intéressait que Mme de Saint-Euverte-La Rochefoucauld, cherchant le bien de son estomac ou un effet ingresque, était loin de soupçonner que son nom m'avait ravi, celui de son mari, non celui plus glorieux de ses parents, et que je lui voyais comme fonction, dans cette pièce d'attributs, de bercer le Temps." (Proust, Le Temps retrouvé) "suffisamment stupide pour qu'elle ait pu sans grand effort savourer la rassurante certitude d'avoir toujours le dessus, suffisamment brute pour qu'elle ait pensé ne pas avoir à faire l'effort d'agir par elle-même. Parce que l'almée, la fleur de chair, l'Ingresque invertébrée..." (Claude Simon, Le Sacre du printemps, p.249)

    JARGONNESQUE  :  néol. de Henri Estienne (1531-1598), Apologie pour Hérodote, 1566. 1. désigne un abus de termes techniques hors d'un cadre professionnel, 2. qualifie un discours incompréhensible.

    JORDANESQUE  :  du peintre Jordaens (brièvement  : gras et rouge) "Et dans l'obscurité, de cette grosse face jordanesque, rougeoyante de la lumière crue de la chandelle, qui en fait saillir la chair épaisse et les verrues [...] s'échappent des observations, des pensées pleines de profondeur, des ironies, des paradoxes presque de génie." (E. et J. de Goncourt, Journal, 1878, p.671)

    JOURDELANESQUE  :  propre au 1er janvier de chaque année "Sur quelques-unes des publications "jourdelanesques" " (Mallarmé, Correspondance, 1875, p.88)

    JULESVERNESQUE  :  à la manière de Jules Verne "Cette tour a quelque chose d'impressionant, de julesvernesque, un aspect de machine à visiter la lune" (Larbaud, Jaune, bleu, blanc, 1927, p.212)

    JUPONESQUE  :  propre aux jupons, considérés comme métonymie des femmes, désigne une attitude exclusivement tournée vers elles (allusion différente pour l'enfant et pour l'adulte) "Ma négligence [...] que vous [...] attribuez à des causes ju-ponesques" (Balzac, Lettres à l'étrangère, 1850, t.2, p.431)

    JUVENALESQUE  :  néol. de Balzac (1844), dans le style de Juvénal.

    LABRUYÉRESQUE  :  néol. de Larbaud (1932), allusion au style de La Bruyère.

    LÉONARDESQUE  :  allusion aux oeuvres ou au style pictural de Léonard de Vinci "dans la femme qui se coiffe, qui s'essuie la figure, qui se chauffe les pieds, quand elle ne croit pas être vue, il y a un tas de mouvements intéressants, des mouvements d'une grâce tout à fait léonardesque !" (Proust, Le Temps retrouvé, 1922, p.715)

    LIVRESQUE  :  néol. de Montaigne, 1595. "son esprit [d'Hippolyte Rigaud], très-réel, très-vif, était pédantesque, livresque, sentait quelque peu le collège." (Ste-Beuve, Nouveaux Lundis, t.I) "L'effet d'un type qui aurait appris le ski, ou la natation dans une de ces brochures spécialisées et qui se trouverait tout à coup, avec ses connaissances théoriques et livresques, tout meurtri sur la neige, suffocant dans l'eau, à côté de bonshommes qui seraient seulement incapables d'expliquer le plus simple de leurs gestes [...]" (Claude Simon, le Sacre du printemps, p.161)

    LOUISQUATORZESQUE  :   relatif à la personne de Louis XIV, au faste de son règne ou à son style de gouvernement "C'est pas pour deux sous louisquatorzesque !" (Gyp, Cayenne, 1899, p.223)

    MABOULESQUE  :  néol. de L. Daudet (1942), formé sur l'ad. maboul (de l'arabe mahboûl, fou).

    MADRIGALESQUE  :  (1767) ayant les qualités : 1. du genre de musique (pièces composées pour 4, 5, 6 ou 7 voix sans accom-pa-gnement, en un style rempli de combinaisons recherchées et d'imi-tations, fort en usage au début du XVIe siècle); 2. du genre poétique (pièce renfermant, en un petit nombre de vers, une pensée ingénieuse et galante). Par ext. qualifie les paroles de galanterie qu'on adressait aux femmes.

    MAGAZINESQUE : formé sur le mot magazine. "estimant que la vision adulte du monde, telle qu'elle s'exprimait dans l'ancien roman (et encore davantage dans ses ersatz radiophoniques ou magazinesques), est irrémédiablement entachée de convention, de sottise, de fausseté, le nouveau roman veut nous replacer dans l'ingénuité de vision de l'enfant de cinq ans et nous invite à tout recommencer." (R.-M. Albérès, Le Roman aujourd'hui, p.232)

    MARINESQUE  :  dans le style de Marino (ou Marini), sa préciosité proche du gongorisme "Le méchant, fit Isabelle, je lui donne à la bonne franquette une fleur à sentir, et le voilà qui aiguise des concetti en style marinesque, comme si au lieu d'être sur un grand chemin il coquetait dans la ruelle de quelque illustre précieuse." (Gautier, Le Capitaine Fracasse, 1863, p.362)

    MARTIALESQUE  :  néol. de Nerval (1852), du poète Martial, allusion à son style satirique.

    MASTODONTESQUE  :  comparable à un mastodonte "L'énormité mastodontesque des tanks allemands" (Gide, Journal, 1918, p.653)

    MAURESQUE  :  ou moresque, I. substantif (à la morisque, 1379), 1. (1611) femme maure ; (en Algérie, avant 1960) employée algérienne dans une maison européenne, 2. danse de carnaval d'influence maure, dansée en provence. 3. rinceaux décoratifs évoquant le style hispano-moresque. 4. boisson faite de pastis et d'orgeat. II. adjectif (1447) vx. Arabe, musulman, maison mauresque. "L'oeil distinguait les tours par leurs angles marquées Les maisons aux toits plats, les flèches des mosquées Les moresques balcons en trèfles découpés " (Hugo, Les Orientales, III) "elle réapparut au-delà des tamarins marchant maintenant sur la route d'un pas vif une touffe de roseaux la cacha de nouveau puis je la vis passant devant cette ruine de faux style mauresque couleur de pain cuit" (Claude Simon, Femmes, p.21) "Le toit du cinéma était surmonté de deux coupoles, plus ou moins ornementales, dans ce style pâtissier, lourdement décoratif, à la fois médiéval, mauresque et munichois, au goût des banquiers et des sociétés immobilières" (Claude Simon, les Géorgiques, p.300)

    MEROPESQUE  :  relatif au mythe de Mérope qui, avec l'aide de son fils Epitos, mit à mort son second mari, Polyphonte.

    MICHELANGELESQUE  :  ou michelangesque, relatif aux oeuvres ou au style de Michel-Ange "William Platt aborde, en vers spasmodiques, en prose visionnaire, en dessins michelangelesques, en musique fervente, des sujets si vaste qu'il semble, en effet, qu'un mode d'expression non triple serait trop grêle pour les supporter [...]" (Jarry, Critique littéraire, "W. Platt, A three-fold Utterance")

    MIRLITONESQUE  :  ou mirlitonnesque, de mirliton (ou flûte à l'oignon), dans le style des mauvais vers servant autrefois d'emballage à cette flûte "Les vers mirlitonesques ne sont-ils pas l'expression à dessein enfantine et simplifiée de l'absolu, sagesse des nations ?" (Jarry, Conférences sur les pantins [textes relatifs à Ubu roi])

    MOLIÉRESQUE  :  à la façon de Molière.

    MONTAIGNESQUE  :  dans le style de Montaigne "Type que je suis heureux d'avoir qualifié de montaignesque" (Du Bos, Journal, 1922, p.155)

    MORÉESQUE  :  à la manière de Moréas "Qu'est-ce encore que ce festin moréesque ?" (Verlaine, Corres-pondance, 1891, p.171)

    NIBELUNGESQUE  :  1. dans le style des Nibelungen, nains de la mythologie germanique, 2. relatif à l'usage de cette mythologie dans la Chanson des Nibelungen depuis le XIIIe siècle, 3. allusion à la mise en scène de ces mythes dans la Tétralogie de Wagner.

    OCEANESQUE :  relatif à l'océan "La navigation sur le Nil a des proportions océanesques qu'on ne pourrait retrouver sur aucun des fleuves de nos froids pays." (Maxime Du Camp, Le Nil, Égypte et Nubie, 1854, p.87)

    ODEONESQUE  :  relatif au théâtre de l'Odéon, à Paris ; sa nature institutionnelle passe pour avoir formé des acteur d'un académisme stérile ou guindé "Répétition en costumes. L'acte du bal joué avec la froide solennité d'un divertissement de tragédie. Désaffection de cet acte et espèce d'horripilement de son esprit, qui, dans ces bouches odéonesques, ne me semble plus de l'esprit." (E. et J. de Goncourt, Journal, 1890, p.426)

    OSSIANESQUE  :  néol. de Mme de Staël. Version péjorative mais parfois équivalente d'ossianique, formé sur Ossian (héros et barde Celte d'Écosse, IIIè siècle) et qualifiant les poésies qui lui sont attri-buées : "oeuvres où un ciel nébuleux, des brouillards et des nuages encadrent les hauts faits des héros" (Littré). Plagié par Macpherson, Edimbourg, en 1760, qui eut un grand succès et influença le roman-tisme.

    OTTOCENTESQUE  :   propre aux années 1800 (ottocento) "Devant l'ancienne gare de Termini dans son lourd style otto-centesque, il n'y avait ni vespas ni trolleys, mais des chevaux encore [...]" (M. Butor, La Modification, 1957, p.221)

    PACHALESQUE  :  néol. de Nerval (1851), digne d'un pacha.

    PAGANINESQUE  :  allusion à la virtuosité et à la créativité du célèbre compositeur et violoniste "Oublié hier de noter le tour de force paganinesque de Sivori  : un fragment de concert (récitatif, prière de Moïse et thème varié) joué sur une corde unique, toutes les autres ayant été retirées du violon." (H.-F. Amiel, Journal intime de l'année 1866, p.516)

    PARMEGIANESQUE  :  ou parmesanesque, relatif au peintre Francesco Mazzola, dit il Parmegianino ou le Parmesan, du nom de sa ville natale "je ne sais, mais cette nourriture toute de gibier et d'écrevisses a mis le feu à mes vieux sens et j'ai dans mon lit, sous mes paupières fermées, l'obsession irritante de l'admirable image obscène d'Hokousaï (sic), représentant une main de femme aux longs doigts courbes, une vraie main parmegianesque, se chatouillant la languette du plaisir." (E. et J. de Goncourt, Journal, 1890, p.1030) "C'était une blonde adolescente, maigre et charmante, aux fins cheveux ondulants comme de petits flots autour du front étroit et limpide, de fins sourcils sur des paupières un peu lourdes, les yeux d'un bleu de pervenche, un nez délicat aux narines palpitantes, les tempes légèrement creusées, le menton capricieux, une bouche spirituelle et voluptueuse, aux coins relevés, le sourire "parmesanesque" d'un petit faune pur." (Rolland, Les Amies, 1910)

    PARMESANESQUE  :   voir parmegianesque.

    PARSIFALESQUE  :  à la manière de Parsifal, opéra de Wagner "Il y a dans la Symphonie de Franck [...] bon nombre d'harmonies "parsifalesques"" (Willy, Mouche des croches, 1894, p.38)

    PAYSAGESQUE  :  conforme aux lignes, aux formes, voire aux clichés du paysage "Le moulin a pris de lui-même une forme plus paysagesque que celle qui lui eût été donnée par le pinceau capricieux d'un Salvator Rosa. La nature est un grand artiste, quand on la laisse conformer elle-même ses moyens à son but." (Lamartine, Le Tailleur de pierre de Saint-Point, 1851, p.392)

    PAYSANESQUE : ou paysannesque, relatif au monde rural, ou au caractère rustre des paysans "[...] j'appris moi-même à accommoder de mes propres mains ces aliments journaliers du pauvre habitant de la campagne, et à trouver du plaisir et une certaine dignité paysanesque dans ces travaux domes-tiques du ménage, qui dispensent l'homme de la servitude de ses besoins [...]" (Lamartine, Les Confidences, 1849, p.350)

    PÉDANTESQUE  :  sur l'adjectif "pédant", Cf. citation à chatnoiresque et à livresque. "Je vous envoie, mes anges, l'antiquité à bâtons rompus ; je ne sais si le fatras des sottises mystérieuses des mortels vous plaira beaucoup ; vous êtes de bien bonne compagnie pour lire avec plaisir ces profon-deurs pédantesques, mais votre esprit s'étend à tout, ainsi que vos bontés." (Voltaire, Lettre au Comte et à la Comtesse d'Argental, 10/4/1765, Correspondance) "Il se trouva que l'emphase un peu pédantesque qui fait fermer ce livre par les lecteurs un peu délicats était justement ce qu'il fallait pour la sensibilité bourgeoise et commençante de Madame Grandet." (Stendhal, Lucien Leuwen, t.3, 1835, p.381)

    PERUGINESQUE  :  dans le style du Pérugin

    "Raphaël est resté péruginesque toute sa vie" (Stendhal, Histoire de la peinture italienne, 1817, p.417)

    PETRARCHESQUE  :  relatif à Pétrarque, aux thèmes ou à la qualité de ses poésies "Au pied, ce lac si poétique; de là la poésie dialectique, la logique pétrarchesque de l'Héloïse..." (Michelet, Journal, t.1, 1848, p.75)

    PHARAONESQUE  :  ou pharaonnesque, probable néol. de Claude Simon "décrivant donc l'immense et froide maison, aussi vaste et froide qu'une caserne, où elles vivaient comme, disait-il, dans une sorte de tombeau démesuré et pharaonesque à la succession de chambres inutiles" (L'Herbe, p.25) "pierre à pierre cette sorte d'ambitieuse - et, selon l'expression de Georges : pharaonesque - demeure, comme le temple, l'édifice aux proportions démesurées" (L'Herbe, p.45) "comme si [...] il se fût échappé des coffres-forts lorsqu'on les avait ouverts non pas les diamants de la diva ou de verdâtres paquets d'obligations, mais une pestilentielle et pharaonnesque bouffée de poison" (Le Palace, p.188) "Encore que pendant longtemps il semblât qu'elle (la vieille dame) continuât à hanter ce pharaonesque tombeau dans lequel elle s'était tenue comme enterrée vivante" (Les Géorgiques, p.198)

    PHIDIESQUE  :  dans le style de Phidias, sculpteur, architecte et peintre athénien dont les oeuvres ont contribué à fixer les canons du classicisme.

    PICARESQUE  :  de l'esp. picaro, aventurier, allusion au type littéraire en vigueur du XVIe au XVIIIe siècles "[...] Philippe Desmahis entra, son carton sous le bras, à l'amour peintre et apporta au citoyen Jean Blaise une planche qu'il venait de graver au pointillé, le suicide de Robespierre. le burin picaresque du graveur avait fait Robespierre aussi hideux que possible." (Anatole France, Les Dieux ont soif, 1912, p.308)

    PINARDESQUE  :  qui a rapport au pinard, mot pop. pour vin "toute cette aventure pinardesque fait image dans ma mémoire" (Benjamin, Sous le Ciel de France, 1956)

    PIONESQUE  :  néol. de H. Jammes (1901), semblable à un pion, un élément de peu d'importance.

    PIOUPIESQUE :  ou pioupioutesque, caractère du pioupiou, jeune fantassin "mon triste coeur bave à la poupe, mon coeur couvert de caporal ! Ithyphalliques et pioupiesques leurs quolibets l'ont dépravé !" (Rimbaud, Poésies, 1871, "Le Coeur volé", voir abracadabrantesque)

    PITTORESQUE  :  (de l'ital. pittore, peintre) qualifie ce qui peut être peint, par ext. nature remarquable d'un paysage "La manière de voir vive, nette, pittoresque de Mathilde, gâtait son langage comme on voit. Souvent un mot d'elle faisait tache aux yeux [...]" (Stendhal, Le Rouge et le Noir, 1830, p.308)

    PLATERESQUE  :  (de l'esp. plata, argent), 1877, style d'architecture et de décoration de la Renaissance espagnole caractérisé par des orne-ments baroques ; ici substantivé "Au milieu de cette rue de Bruxelles s'étalait d'un luxe lourd rappelant le plateresque espagnol : la France nouvelle" (Péladan, Le Vice suprême, 1884, p.206)

    POLICHINELLESQUE  :  propre à Polichinelle (dérivé français d'un personnage de la Comédia dell'Arte), allusion à son insolence ou à sa voix aiguë "Au bout de la forêt de Chambord, de dessous un chêne centenaire, un homme se lève d'un cercle de femmes encrinolinées au mieux, et de sa voix polichinellesque et enrouée, de sa grosse voix de gamin cassée  : "ah ! C'est vous, mes enfants..."" (E. et J. de Goncourt, Journal, 1863, p.507)

    PORPHYRESQUE  :  néol. de Claude Simon, jeu sur la polysémie du mot et du nom propre Porphyre "il y avait comme un sang vert sur le drap bleu ciel de ma vareuse et aussi aux genoux de ma culotte agenouillé devant elle entre ses cuisses comme pour faire ma prière tendant vers elle ce porphyresque quel est donc aussi ce saint hagios ermite au nom grec Porphyre Polycarpe Polyphile ou quoi lui aussi agenouillé en prière au sommet d'une colonne dans le désert restant je ne sais combien de jours stylite sur le chapiteau de marbre dans le ciel parmi les décombres les fûts renversés d'un temple abandonné" (Histoire, p.343)

    POUSSINESQUE  :  (1834), dans le style de Nicolas Poussin.

    PRUDHOMESQUE  :  ou prud'hommesque, à la fois caractère le plus banal et le plus sentencieux. "cette vieille race parlementaire française, qui avait une haute idée de la loi, du devoir, des convenances sociales, de la dignité personnelle et, surtout, professionnelle, fortifiée par une honnêteté parfaite, avec une nuance prud'hommesque." (Rolland, Antoinette, 1908)

    PUTANESQUE  :   de l'ital. putanesco, putain (1606).

    RAPHAÉLESQUE  :  du peintre, qui rappelle son art, ses types. "Il trouva des thèmes sublimes sur lesquels il broda des caprices exécutés tantôt avec la douleur et la perfection raphaélesques de Chopin, tantôt avec la fougue et le grandiose dantesque de Liszt, les deux organisations musicales qui se rapprochent le plus de celle de Paganini." (Balzac, Le Cousin Pons, 1847, p.258) "Samuel a le front pur et noble, les yeux brillants comme des gouttes de café, le nez taquin et railleur, les lèvres impudentes et sensuelles, le menton carré et despote, la chevelure prétentieusement raphaélesque." (Baudelaire, La Fanfarlo)

    RATICHONESQUE  :  ou ratichonnesque (rastichon, 1628, de "rat", construction métaphorique par analogie de couleur, péjoratif pour "prêtre"), relatif au ratichon, à son habit, son mode de vie, ou à sa basse position hiérarchique.

    REMBRANESQUE  :  propre à Rembrandt. "rien n'était plus rembranesque que cette silhouette de jeune fille, toute dans l'ombre, la plus gracieuse tache qui puisse être faite sur un fond tout de feu et de lumière." (E. et J. de Goncourt, Journal, 1863, p.1083) "[...] un lustre de café de province et, par une fente des rideaux fermés, une filtrée de lumière ensoleillée, tombant d'une façon toute rembranesque, sur les crânes d'une rangée d'hommes pâles, d'hommes jaunes, et éclairant un coin d'un terrible paysage alpestre [...]" (E. et J. de Goncourt, Journal, 1890, p.230)

    ROCAMBOLESQUE  :  1. de rocambole (aïl d'Espagne très piquant), ce qui a un caractère très piquant. 2. allusion au personnage très popu-laire des romans de Ponson du terrail (1829-1871) "Ça ne tient pas debout, cette histoire, c'est rocambolesque, c'est du Grand-Guignol..." (N. Sarraute, le Planétarium, p.270)

    ROLANDESQUE  :  à la manière de Roland, personnage du cycle légendaire de Charlemagne, et de la Chanson qui porte son nom, allusion à sa bravoure héroïque et fatale.

    ROMANESQUE  :  voir dictionnaire...

    RUFFIANESQUE  :  de rufian ou ruffian, qui a des attitudes d'entre-metteur, de souteneur "[...] il entre dans ce carnaval de satyres et de bacchantes, le monde du directoire, avec son charme d'étranger, sa grâce d'italiasse, son patois gazouillant, ses façons chattes et ruffianesques et une jolie voix [...]" (E. et J. de Goncourt, Journal, 1863, p.949)

    SANDESQUE  :  d'après Georges Sand, son caractère romantique et tourmenté "La grâce nous fait le coeur assez grand pour être encore tout à nos frères, après nous être donnés tout à Dieu. La passion sandesque n'est que l'absorption d'un être par un autre, une forme de l'égoïsme..." (Péladan, Le Vice suprême, 1884)

    SARDANAPALESQUE  :  relatif à Sardanapale, roi légendaire d'Assyrie, décrit comme un tyran efféminé ; voir citation à hoffmannesque "Chérie, merci du billet de ce matin. J'en avais besoin et je n'ai pas entretenu de danseuses, cet hiver ! Mes étrennes ne furent pas sardanapalesques." (Flaubert, Correspondance, 1878, p.12)

    SATYRESQUE  :  de satyre, relatif à son corps hybride ou à son action généralement néfaste, obscène ou diabolique (par amalgame avec la représentation du Diable) "Je ne sais quel air satyresque qui relevait son propos [...]" (Sainte-Beuve, Les Causeries du lundi, 1851-1862, p.524)

    SAUVAGESQUE  :   néol. de Flaubert, formé sur l'adj. sauvage "La mort du Prince Impérial, qui m'a frappé comme une image d'épinal, tant elle est violente et sauvagesque, commence à devenir une scie ; ne trouvez-vous pas ?" (Flaubert, Correspondance, 1880, p.283)

    SCARRONESQUE  :  à la manière comique ou parodique de Scarron. "La lie un peu scarronesque où Molière trempa au début [...]" (Sainte-Beuve, Portraits littéraires, 1844-64, p.34)

    SCHUMANNESQUE  :  d'après le genre musical du compositeur

    "M. De Charlus, qui ne parlait jamais des grands dons qu'il avait, accompagna, avec le style le plus pur, le dernier morceau (inquiet, tourmenté, schumannesque, mais enfin antérieur à la sonate de Franck) de la sonate pour piano et violon de Fauré." (Proust, Sodome et Gomorrhe, 1922, chapitre 2)

    SCIPIONESQUE  :  néol. de Balzac (1836), allusion aux victoires militaires de Scipion l'Africain, ou à sa sagesse politique.

    SHERIDANESQUE  :  relatif au style ou à la personne de Richard Sheridan, auteur et homme politique anglais (1751-1816) "La soeur, Mrs Blackwood, est aussi très belle et très sheridanesque." (Maurois, La Vie de Disraeli, 1927)

    SHERLOCKHOLMESQUE  :  à la manière de Sherlock Holmes, célèbre détective de génie créé par Conan Doyle, opposé au débonnaire et classique Watson.

    SIMIESQUE  :  ou singesque, relatif à un aspect du singe (corps, attitudes, réactions, etc.) "[...] un grand type des Martigues brun et jovial qui effectuait généra-lement sa livraison assisté par un Oranais à la face plate et olivâtre, aux grands yeux sombres et à l'allure simiesque de valet de picador, avec qui nous allions boire l'anis notre distribution terminée [...]" (Michel Leiris, Fourbis, p.219) "cette bizarre dégaine à la fois simiesque et aristocratique, ses longs cheveux, sa longue carcasse, ce regard charbonneux qui le faisait ressembler au traître de comédie ou au séducteur à la mode dans les films italiens 1900" (Claude Simon, Le Vent, p.61) "objet des murmures flatteurs, des appréciations, supputations et imaginations complétant la solennelle et pompeuse mise en scène par son nocturne, furieux et simiesque épilogue dans une sanglante - ou du moins supposée, espérée - apothéose de corps nus et de blancheurs saccagées." (Claude Simon, Le Vent, p.61) "accroupies, les genoux au menton, dans cette posture simiesque et dans laquelle peuvent seuls se tenir durant des heures les nègres et les enfants " (Claude Simon, Le Vent, p.118) "les jockeys passant dans le tintement de la cloche pour se rendre au départ, haut perchés, simiesques, sur les bêtes graciles et élé-gantes" (Claude Simon, La Route des Flandres, p.21) "tracée par un pinceau à l'aide d'une peinture grasse et brillante, la voix, l'espèce de grognement enroué, simiesque, dégoûtant, sortant de nouveau, comme s'il rotait" (Claude Simon, le Palace, p.218) "comme des taches d'encre de Chine sur le fond gris clair de toits et de ciel, le Hollandais juché dans une pose simiesque (dos voûté, tête enfoncée dans les épaules, genoux remontés) sur son haut tabouret " (Claude Simon, Histoire, p.275) "Un être bizarre progresse à quatre pattes, dans une posture simiesque, en équilibre sur la bande de velours." (Claude Simon, Triptyque, p.190) "le nain ne détournant pas non plus son regard, tous deux (l'un pharaonique et dessiqué, l'autre simiesque, microcéphale et dangereux) semblables à une apparition, à la fois terrifiants et burlesques, engendrés par le froid " (Claude Simon, les Géorgiques, p.123) "desserrant simplement les doigts et se remettant à observer les grenouilles, parfaitement immobile, dans cette position d'accroupissement simiesque, insensible à l'écoulement du temps, l'esprit vide " (Claude Simon, l'Acacia, p.102)

    SIMONESQUE  :  qui concerne l'oeuvre de Claude Simon, son style ou ses thèmes. Titre du présent glossaire...

    SINGESQUE  :  voir simiesque.

    SOLDATESQUE  :  relatif au soldat, à la vie militaire. "J'aime un parler, non pédantesque, mais plustost soldatesque, comme Suétone appelle celuy de Jules César." (Montaigne, Essais, I)

    SOMNAMBULESQUE  :   formé sur somnambule "Daudet m'apparaît plus saturé de morphine que jamais, et un peu avec l'aspect somnambulesque d'un fumeur d'opium ; et je trouve dans sa mémoire [...] comme un brouillard." (E. et J. de Goncourt, Journal, 1890, p.1088)

    SULTANESQUE  :  relatif à la vie des sultans, et par extension allusif au monde oriental "Mais à Paris, et dans ce temps, les conversations entre camarades étaient dominées par le monde oriental et sultanesque du Palais-Royal." (Balzac, Le Lys dans la vallée, 1836, p.17)

    TABARINESQUE  :  dans le style de Tabarin, célèbre charlatan qui influença Molière dans sa jeunesse.

    TAILORESQUE  :  néol. de Raymond Queneau, construit sur le mot anglais "taylor", sans doute avec allusion ludique à l'expression "my taylor is rich" "deux heures plus tard je passai devant la gare Saint-Lazare je les reconnus et les identifiai dans le parfum cosmétique, fashionable et tailoresque qui émanait d'un bouton mal placé." (Queneau, Exercices de style, 1947, "gustatif")

    TARTARINESQUE  :   à la manière de Tartarin de Tarascon, personnage d'Alphonse Daudet, dans son style ridicule et généreux d'homme provençal.

    TAURESQUE  :  d'après l'aspect du taureau "[...] depuis le premier jour, je connaissais Adam, le mauvais sujet de la grande classe ; sept ans bientôt, assez grand, trapu, blond, le teint coloré, la face tauresque ; l'apparence d'un hercule pas méchant, un peu narquois, doué de cette intelligence ronde qu'on appelle un gros bon sens " (Frapié, La Maternelle, 1904, ch.3)

    TINTAMARESQUE  :  ou tintamarresque, 1. de tinter, se rapporte à des bruits insupportables, 2. qui a les caractéristiques du Tintamarre, journal satirique et financier, créé en 1840. "[...] peut-être est-ce mon esprit qui s'accordait à son esprit tin-tamarresque, à sa plaisanterie littéraire." (E. et J. de Goncourt, Journal, 1863, p.630) "Ce type, si neuf et si actuel de la jeune fille tintamarresque " (Gautier, Portraits contemporains, "Jules de goncourt") "j'ai sous la main un des plus jolis romans de ce temps-ci, Rénée Mauperin . Mlle Rénée Mauperin est une artiste, non-seulement des doigts, en musique et en peinture, mais de l'esprit, du coeur, de la langue ; bref, comme dit l'auteur, "une mélancolique tintamaresque", c'est-à-dire un naturel capable de sensations vives, d'impressions originales et de fantaisies folles." (Taine, Vie et opinions de F.-T. Graindorge, p.207 ; Taine cite textuellement Goncourt) "Ils entrent tous et traversent les murs avec des drapeaux qui claquent tout en haut de leurs hampes, et le lion vert de gris, ma-jestueux, et le carrousel tintamaresque des voitures autour de lui, et le train électrique de banlieue qui s'en va dans le bruit glissant d'électricité plein de types qui lisent les journaux du soir, debout, cahotés avec ensemble." (Claude Simon, la Corde raide, p.169)

    TITANESQUE  :  probable néol. de Nerval (1842), formé sur titan. "comme s'il était condamné à accomplir sous une pluie sans fin de soufre et de déjections, nu, farouche et noir parmi les lumineuses frondaisons, les cris d'enfants et les bruyants envols d'oiseaux, un de ces travaux titanesques et vains, s'acharnant à coups de marteau sur un faisceau d'épées et d'armes " (Claude Simon, Histoire, p.207) "comme si la tête barbouillée de sang avait été déjà coupée puis reposée sur le corps séparée des épaules par une ligne précise créatures vaguement fabuleuses appartenant à un monde lui aussi fabuleux capables d'exploits surhumains titanesques comme absorber quatre ou cinq litres de vin soulever une charrette porter un cheval sur leur dos" (Claude Simon, La Bataille de Pharsale, p.76) "sur les parois concaves d'une coupole décorée par quelque peintre, lui-même titanesque, enchaîné par un potentat fou à son échafaudage sous le plafond de quelque Sixtine ou de quelque panthéon." (Claude Simon, Orion aveugle, p.94, Les Corps conducteurs, p.56) "dans leur bienséance guindée, ils considéraient comme une tache, une honte, assimilant, ramenant dans leur esprit aux dimensions d'inavouables errements de jeunesse et de dettes de jeu l'exploit titanesque d'accoucher un monde et de tuer un roi " (Claude Simon, Les Géorgiques, p.149) "Donc le saillant, l'attaque nocturne, le banal et minuscule épisode qui dans le communiqué du lendemain serait, selon la place disponible et les besoins, soit tout simplement passé sous si-lence, soit, faute d'autre fait d'armes, monté en épingle comme un titanesque exploit, mais qui, quoi qu'il en fût, allait tout de même être pour lui un peu plus que la monotone "pantomime avec effusion de sang" qu'il avait connue jusque-là." (Claude Simon, Les Géorgiques, p.285)

    TITIANESQUE  :  ou titiannesque, relatif aux oeuvres picturales du Titien. "Mis avec l'élégance d'un banquier, Fritz Brunner offrait aux regards de toute la salle une tête chauve d'une couleur titiannesque, de chaque côté de laquelle se bouclaient les quelques cheveux d'un blond ardent que la débauche et la misère lui avaient laissés [...]" (Balzac, Le Cousin Pons, 1847, p.59)

    TOURDEFORCESQUE  :  digne d'un tour de force (1896).

    TROUBADOURESQUE  :  néol. de Gustave Flaubert "Je sors tous les jours, je fais des exercices, et je rentre chez moi las, et encore plus embêté, voilà ce que j'y gagne. Enfin votre troubadour (peu troubadouresque) est devenu un triste coco." (Flaubert, Lettre à George Sand, 1874)

    TUBALCAÏNESQUE  :  de Tubal-Caïn, personnage biblique (Cf. Genèse, IV, 22), ancêtre de tous les forgerons en bronze ou en fer "Ce tubalcaïnesque Palais des Machines de notre quatre-vingt-neuf [...]" (Verlaine, Oeuvres posthumes, 1896, p.355)

    TUDESQUE  :  de theudiscus (1512, du haut all. diutisc : deutch)  : propre aux ancien Allemands. Langue tudesque. "[...] un français tudesque assez semblable à celui dont Balzac se sert dans la Comédie humaine pour faire parler Schmucke et le baron de Nucingen [...]" (Gautier, Voyage en Russie, III) "Les fantômes des Esclaves toujours frémissants Se sont dressés en criant SUS AUX TUDESQUES " (Apollinaire, Calligrammes, "à l'Italie") "Nelson qui a perdu son oeil devant Calvi. Plus la tourbe d'émigrés, de favoris, de conseillers, de généraux tudesques. Lui là-dedans. Talleyrand qui ne répond pas à ses lettres, fait le mort." (Claude Simon, les Géorgiques, p.58)

    TURLUPINESQUE  :  1. de turlupin (secte d'hérétiques des XIIIe et XIVe siècles, qui n'avaient honte de rien de ce qui est naturel), 2. nom de farce d'un comédien comique ; syn. turlupinade : plaisanterie de mauvais goût ou basée sur quelque froid jeu de mots.

    TURQUESQUE  :  relatif au monde turc, à la mode turque du XIXe siècle "Les métacarpiens désolèrent Bouvard; - et Pécuchet, acharné sur le crâne, perdit courage devant le sphénoïde, bien qu'il ressemble à une "selle turque ou turquesque"." (Flaubert, Bouvard et Pécuchet, t.1, 1880, p.61)

    UBUESQUE  :  1922 (dans le Mercure de France), relatif au personnage ou à la philosophie du personnage de Jarry "L'indépendance de l'Inde, celle de l'Indonésie et de l'Egypte, ne paraissent avoir aucune signification pour ces hommes qui ont donné leur mesure au Maroc et en Indochine et dont la politique coloniale tient tout entière dans le principe ubuesque  : montrer la force qu'on n'a pas pour être obligé de s'en servir" (F. Mauriac, Le nouveau Bloc-Notes, 1958-1960, p.278)

    VATICANESQUE  :  relatif au Vatican, siège du Saint-Père, allusion aux discrets échanges d'informations qu'implique la diplomatie ecclé-siastique et internationale qui s'y déroule "Les potins vaticanesques [...]" (P. Bourget, Cosmopolis, 1893)

    VAUDEVILLESQUE  :  selon les codes, les sujets ou le comique léger du vaudeville.