Les associations de marqueurs discursifs – De la cooccurrence libre à la collocation*

Gaétane Dostie (Québec)


 

1 Introduction

1.1 Objectifs de l'étude et cadre théorique

Cet article est consacré à l'examen d'un phénomène fréquent, mais peu exploré jusqu'ici, à savoir celui de l'association, entre eux, de mots particulièrement saillants à l'oral, tels ben et ok, connus sous diverses appellations dont celle de marqueurs discursifs (MD). Son premier objectif est de caractériser le phénomène de la collocation discursive et de le situer face aux deux cas de figure apparentés que voici : la cooccurrence discursive libre et la locution discursive (section 1). Son deuxième objectif est de proposer une analyse lexico-sémantique détaillée d'un MD en particulier qui, dans certaines variétés de français (et dans quelques-uns de ses emplois), tient typiquement lieu de MD collocatif : il s'agit de don ([dɔ̃] ; p. ex. : voyons don). Cela se produit notamment dans la variété québécoise du français, ici considérée en priorité par l'entremise de données auxquelles nous avons facilement accès ; celles-ci sont extraites du Corpus de français parlé au Québec (CFPQ) présenté plus bas (section 1.3). On le verra, don est un mot distinct de donc ([dɔ̃k]) dans cette variété de français, ce qu'atteste le fait que les deux formes y sont sémantiquement en distribution complémentaire (et non pas phonétiquement, comme une description trop rapide pourrait porter à le croire ; sections 2 et 3). Enfin, le troisième et dernier objectif est d'évaluer de quelle façon les emplois collocatifs de MD peuvent, de manière générale, être traités d'un point de vue lexicographique et d'illustrer les propositions formulées au moyen d'un article de dictionnaire relatif au collocatif don (section 4).

Pour atteindre les trois objectifs mentionnés ci-dessus, le cadre théorique et méthodologique de la lexicologie explicative et combinatoire fournira un repère solide, étant donné que le phénomène de la collocation y est modélisé sous un angle lexico-sémantique et que la question lexicographique y est centrale (Mel'čuk et al. 1984, 1988, 1992, 1999 ; Mel'čuk 2011).

1.2 La notion de marqueur discursif (MD)

Par MD, nous entendons désigner une classe de mots qui présentent, dans les grandes lignes, les caractéristiques que voici, souvent citées dans la littérature consacrée au sujet (entre autres, Dostie/Pusch 2007) :

À cela, ajoutons les deux propriétés formelles suivantes :

En outre, les MD, qui sont le plus souvent usités à l'oral, se laissent difficilement ranger dans les classes habituellement reconnues par la tradition scolaire, comme l'adverbe, la conjonction ou la préposition. Cette tradition, on le sait, s'est développée à partir de la langue écrite pour servir des problèmes orthographiques (Chervel 1981). Il s'agit donc soit de mots sans catégorie d'appartenance claire, si l'on se réfère à la tradition scolaire (comme ok ou encore coudon en français québécois), soit de mots rangés à tort dans l'une ou l'autre des classes existantes. Il est important d'insister sur le caractère parfois inapproprié du classement en cause, dans la mesure où les MD ne rencontrent pas toujours les propriétés normalement attribuées aux catégories usuelles de mots, même si on les y a intégrés. C'est le cas, notamment, de oui et non, qui sont tenus, dans la tradition scolaire, pour des adverbes d'affirmation ou de négation, alors que cette même tradition présente l'adverbe comme un mot dépendant d'une autre catégorie (verbe, adjectif ou autre adverbe), voire d'une phrase entière (Riegel/Pellat/Rioul 1994/2009 : 646–659). On peut du reste se demander pourquoi oui/non – du moins dans certains de leurs sens – devraient être séparés d'une unité comme ok qu'on rangerait sans trop hésiter parmi les MD.

1.3 Le corpus : présentation générale et conventions de transcription

La présente étude prend appui sur 23 ½ h de transcription provenant du Corpus de français parlé au Québec (CFPQ). Ce corpus, de langue contemporaine, collige des conversations à bâtons rompus, d'environ 1 h ½ chacune, tenues entre trois ou quatre locuteurs qui se connaissent très bien. Ils discutent librement de sujets divers (p. ex. : la vie à deux, le travail, les amis) dans un lieu familier (p. ex. : le salon ou la cuisine d'une des personnes qui prend part à la discussion). Les conversations en cause sont enregistrées sur support audiovisuel, puis elles sont transcrites selon un ensemble de conventions relativement standards pour la langue orale (voir ci-dessous). Ces conventions visent à refléter, au mieux, le caractère multimodal des interactions verbales en face à face. Ainsi, en plus de noter le matériel verbal produit (c'est-à-dire les mots), les transcripteurs doivent également prendre en compte le matériel paraverbal (p. ex. : les pauses, la prosodie, la vitesse et le volume de la voix) et le matériel non verbal (les gestes significatifs sur le plan communicationnel, comme hocher la tête négativement ou faire un clin d'œil en signe de complicité).

Les transcriptions du CFPQ nous sont précieuses, parce qu'elles nous permettent de retourner facilement aux bandes audiovisuelles afin d'écouter/de visualiser autant de fois que voulu, les phénomènes retenus pour examen. À titre d'exemple, dans l'état actuel des choses, seule l'écoute des bandes audiovisuelles du CFPQ permet de faire le décompte exact entre les emplois de donc et ceux de don, et de procéder ensuite à leur analyse d'une manière un tant soit peu assurée. Dans les transcriptions consultées, toutes les occurrences de don ont en effet été ramenées à la graphie donc parce que, au moment où elles ont été effectuées, aucune réflexion approfondie n'avait été entreprise relativement à la nécessité ou non de séparer graphiquement les deux formes. Il en est de même, à notre connaissance, dans l'ensemble des grands corpus publics du français (p. ex. : CFPP2000, CLAPI, Valibel), ce qui explique notre choix de prioriser l'examen de données propres au français québécois. Ce caractère a priori restrictif de l'étude lui permet toutefois de gagner en cohérence.2

Cela étant dit, voici, de manière schématique, la liste des conventions adoptées dans le cadre des travaux entourant la réalisation du CFPQ.

1.3.1 Matériel verbal

Amorces de mots : trait d'union après l'unité (p. ex. : des ca- des cases vides).

Chevauchements : crochets ouvrants vis-à-vis des passages où les locuteurs parlent en même temps.

Impossible à orthographier : en API entre crochets.

Inaudible : (inaud.).

Conversations parallèles : elles sont encadrées.

Discours direct : il est placé entre deux points. Le premier, qui indique le début du discours direct, est noir (•) et le deuxième, qui signale sa fin, est blanc (°). (p. ex. : j'ai raccroché (.) <f<•vite partez>> elle s'en vient elle s'en vient°).

1.3.2 Matériel paraverbal

1.3.3 Gestuelle

La description du geste est présentée entre parenthèses, en caractères italiques, à côté de l'énoncé avec lequel ce dernier est en lien.

1.3.4 Informations additionnelles sur la situation de communication

Le transcripteur note entre parenthèses, en caractères italiques, toute information supplémentaire qu'il juge importante pour la compréhension de l'interaction (p. ex. : en prenant une petite voix; en s'adressant à Clodine [par exemple, dans une discussion à quatre]).

1.3.5 Multitranscription

Lorsque plusieurs possibilités de transcription se présentent, elles sont indiquées dans une accolade.

Ex.: hier soir, je suis allé {aux feux ; au feu}

Dans le contexte considéré, à savoir le soir de la Fête nationale du Québec, le pluriel et le singulier n'ont pas le même sens ; le pluriel signifie ‹ des feux d'artifice › et le singulier, ‹ un feu de camp ›.

1.4 Cooccurrence discursive libre, collocation discursive et locution discursive

Ce qui frappe surtout, lorsqu'on consulte un corpus de langue orale comme le CFPQ, c'est la fréquence élevée de certaines associations de MD. À titre d'exemple, la partie dépouillée du corpus contient 152 occurrences du MD voyons. Parmi celles-ci, il y en a 56 où voyons est suivi de don (prononcé ([dɔ̃]). En d'autres termes, dans 37 % des cas où voyons apparaît, don lui est postposé, c'est-à-dire plus de une fois sur trois. En voici une attestation en (1).

Par ailleurs, voyons peut également être précédé de ben. Ainsi, notre corpus renferme 41 occurrences où ce marqueur est antéposé à voyons (27 % des cas) et 24 occurrences où à la fois ben le précède et où don le suit (= 16 % des cas). On obtient alors la séquence discursive ben voyons don, comme en (2).

Il paraît assez clair que les associations de MD ne sont pas aléatoires. Par exemple, les séquences voyons don, allons don, regarde don et tiens don sont naturelles, mais non les suites *pis don ou *t'sais don. Pour que deux, trois, voire quatre MD puissent apparaître en contiguïté, il doit certainement y avoir une affinité de sens entre eux. Dans quels termes cette affinité se manifeste-t-elle ?

Les deux autres types d'associations seraient plutôt liés à la problématique du (semi)figement :

Dans l'approche de la lexicologie explicative et combinatoire, la collocation est envisagée comme une sorte de semi-figement (Mel'čuk 2011 parle de « phrasème sémantique compositionnel »). Elle se situe quelque part entre le non-figement pur et simple (c'est-à-dire, dans notre domaine, la cooccurrence discursive libre) et le figement en tant que tel (qui correspond au phrasème sémantique non compositionnel ou à la locution dans la terminologie de Mel'čuk 2011). Ce gradient, allant de l'association pure et simple en discours au figement le plus complet (en langue), peut être représenté de la façon suivante :

association libre de mots


semi-figement


figement


cooccurrence discursive libre
(ex. : ben vois-tu)

collocation discursive
(ex. : voyons don)

locution discursive
(ex. : [bon ben], [dis don]4 )

Figure 1 : Trois types d'associations d'unités discursives

Les cooccurrences discursives libres et les locutions discursives ne posent pas de problèmes d'analyse particuliers d'un point de vue lexico-sémantique. Le premier cas oblige à décrire de manière individuelle les différentes unités qui se succèdent dans le texte. Le second nécessite une étude, en bloc, des unités mises en présence. Cependant, l'examen des collocations discursives est un peu plus délicat, du fait qu'il faut non seulement considérer de manière individuelle les unités mises en présence, mais aussi préciser le lien qui les unit. C'est donc cette dernière catégorie d'emplois que nous comptons tout particulièrement investiguer dans la suite de l'article, à travers l'examen du marqueur don qui, dans certains contextes, tient typiquement lieu en français québécois de MD collocatif, comme cela a été précisé plus haut. L'objectif sera d'identifier ses différents sens puis d'examiner plus longuement celui où il agit à titre de collocatif, afin d'en préciser le rôle.


2 DONC ([dɔ̃k]) et DON ([dɔ̃]) : deux unités lexicales distinctes

Il a déjà été fait état ailleurs de l'existence de la forme don aux côtés de donc (entre autres, TLFi ; Sève 1946, cité dans Hug 1997 ; Hansen 1998 : 330). Jusqu'à présent, il semble bien que, sur le plan synchronique, l'absence du phonème final [k] ait été tenue pour une variation dans la prononciation de donc ([dɔ̃k]). La seule exception à ce sujet se trouve, à notre connaissance, dans Léard (1996), où la forme orthographiée don est étudiée comme une particule de modalisation de phrase, sans aucune allusion à donc.

Cette idée, implicite dans l'étude de J.-M. Léard, relativement à la distinction à opérer entre donc et don, si ce n'est dans toutes les variétés de français5, du moins dans certaines de ses variétés, dont le français québécois synchronique, se voit appuyée par quelques considérations de nature historique. En effet, don ne proviendrait pas directement, semble-t-il, de donc par apocope, mais plutôt du dont usité dans les énoncés exclamatifs. À ce titre, Antoine (1962) observe que le donc, dit de nos jours « affectif » (prononcé [dɔ̃]) que l'on retrouve dans les « interrogatives et dans les phrases exprimant ordre, prière, ou souhait » (id. :1208), était le plus souvent écrit dont dans les textes anciens (c'est-à-dire au XIIIe siècle jusqu'à une période non spécifiée). Selon l'auteur, cela aurait tenu au fait que les nouveaux emplois de « conjonction logique » acquis par donc vers le XIIIe siècle (issus d'une valeur temporelle exprimée, au départ, par le marqueur) auraient croisés certains emplois « plus ou moins nettement conjonctionnels » de dont ; cette dernière unité était du reste déjà « presque toujours [celle utilisée] pour souligner un tour exclamatif » (id. : 1292).

D'un point de vue synchronique, la question du statut de don par rapport à donc est importante, car seule la première forme sera spontanément utilisée en tant que collocatif discursif dans la variété de français considérée aux fins de l'étude. À ce propos, notre hypothèse est que la prononciation systématique don, dans certains contextes ciblés (présentés à la section 3), viendrait corroborer l'existence d'une scission avec donc. En d'autres termes, don ne pourrait pas être tenu pour une variante de prononciation de donc surgissant dans des contextes phonétiques ciblés, nommément devant des mots qui commencent par une consonne6 : il s'agirait plutôt d'une unité lexicale à part entière.

En ce sens, le tandem donc/don suivrait le modèle d'autres « couples célèbres », tels bien/ben et puis/pis, qui représentent également, en français québécois, non pas des prononciations distinctes d'un même mot, mais bien des mots distincts. Par exemple, en (8) et (9), pis et puis n'ont pas le même sens. En (8), pis est un coordonnant qui commute avec et, alors qu'en (9) puis a une valeur consécutive (Dostie 2004b). Ainsi, l'emploi de puis, dans ce second exemple, indique qu'il y aura une succession dans les actions qui seront réalisées (il signifie grosso modo ‹ et ensuite ›), ce qui n'est pas le cas avec pis en (8), dans lequel la chronologie des actions reste indéterminée (la cuisine pouvant éventuellement être refaite avant le salon). En (8), pis est proche de ainsi que.

Pour en revenir au cas de donc/don, il est facile de montrer que les deux formes ne s'emploient pas dans les mêmes contextes linguistiques, ce qui appuie l'idée selon laquelle il ne s'agirait pas de deux prononciations pour un même mot, mais bien de deux mots distincts. Dans cette optique, nous nous intéressons brièvement ci-après à donc, afin de montrer que don ne pourrait pas être utilisé dans les contextes relevés. Nous revenons ensuite à don à la section suivante et, par la même occasion, à la problématique centrale de notre article, à savoir celle de la collocation discursive (section 3).

Remarquons, au passage, que les emplois présentés ci-dessous pour donc n'offrent pas une vue exhaustive de tous les contextes dans lesquels ce marqueur peut être utilisé. Tel n'est pas notre but (pour d'autres usages, voir par exemple Hybertie 1996 ; Hansen 1998 ; Vlemings 2003 ; Bolly/Degand 2009 ; Pfänder/Skrovec 2010). Nous limitons notre démonstration relative à l'impossibilité d'utiliser don en lieu et place de donc aux six contextes repérés pour ce second marqueur dans notre corpus. Donc y est peu fréquent, notamment parce que fait que lui fait concurrence (tout comme à alors) en tant que connecteur « consécutif ».7 À titre indicatif, nous avons repéré dans la partie du CFPQ dépouillée, 85 occurrences de donc, 62 occurrences de alors et 1 273 occurrences de fait que.

2.1 Donc introduisant une conséquence

Il est connu que le donc introduisant ce qui résulte d'un état de choses donné (Hansen 1998 : 325), comme en (10), vient historiquement d'un donc à valeur temporelle (Antoine 1962 : 1299). Donc met ici en jeu deux propositions, où la première, on a vendu notre maison (P), entraîne la seconde, on a de la liquidité (Q). La relation entre ces deux propositions en est une de « cause-conséquence » (Hybertie 1996 : 13). Selon Hybertie (ibd.), donc ne sert pas seulement, dans de tels contextes, à affirmer que P entraîne Q ; il lui permet aussi de poser que P et Q « sont toujours donnés en même temps » (id. : 14), c'est-à-dire que dès qu'on a P, on a forcément Q. La relation de causalité entre P et Q est alors présentée, par le locuteur, comme étant de l'ordre du nécessaire, comme préexistant au discours. Ce type d'emploi est refusé à don, comme le montre (10).

2.2 Donc indiquant un recentrage sur le thème principal

Donc possède aussi la capacité de recentrer le discours « sur le thème sur lequel ce dernier doit se poursuivre et que les digressions avaient fait perdre de vue » (Hybertie 1996 : 10 ; Culioli 1990 : 173). Dans cet emploi, illustré en (11), don serait à nouveau exclu.

2.3 Donc introduisant un commentaire sur ce qui a été posé antérieurement

En (12), donc s'apparente à un marqueur reformulatif, en ce sens qu'il permet au locuteur de présenter, en des mots différents, ce qui vient d'être dit. Ainsi, dans notre exemple, le marqueur introduit le terme gratuit qui, dans ce contexte-ci, signifie à peu près la même chose que donner des billets. Hybertie suggère que le donc en question jouerait alors un rôle métadiscursif, « puisqu'il introduit[rait] un discours sur un discours » (Hybertie 1996 : 13). Comme dans les cas précédents, don ne pourrait pas être employé dans un tel contexte.

2.4 Donc sollicitant la suite

Lorsqu'il est utilisé en tant que mot-phrase et qu'il est produit avec une intonation un peu montante, comme en (13), donc a pour fonction de demander à l'interlocuteur d'enchaîner sur ce qu'il est en train de dire et de conclure. Une fois de plus, don serait inacceptable dans le contexte considéré.

2.5 Donc suspensif

Il arrive également que donc annonce une suite potentielle, finalement laissée en suspens, comme en (14). Dans ce cas-ci, le locuteur paraît soit éprouver une certaine difficulté à conclure, soit estimer inutile de verbaliser la suite. Dans le premier cas, c'est-à-dire lorsque donc marque l'hésitation du locuteur à conclure, Bolly et Degand (2009) le présentent comme un « marqueur de transition participative ». Les auteures décrivent son usage dans les termes suivants : il « signale généralement une hésitation du locuteur liée à un effort de structuration de son discours ou liée à la volonté du locuteur de laisser la parole à l'interlocuteur » (idd. : 9 ; voir aussi Schmale 2008 sur la problématique des constructions inachevées et l'alternance des tours de parole). Dans notre corpus, donc est alors généralement explicitement suivi d'une hésitation (cf. euh).

De façon générale, le locuteur qui utilise donc de manière suspensive (autant pour signaler sa difficulté à poursuivre que son « désintérêt » à le faire) semble supposer que l'interlocuteur a la capacité de décoder la suite par lui-même, étant donné ce qui a préalablement été dit. Pfänder et Strovec (2010) parlent alors d'un « savoir partagé au moment de l'énonciation » qui permettrait à l'interlocuteur de déduire la conclusion non verbalisée sur la base du contexte linguistique immédiat.

En terminant, dans le type d'emploi ici considéré, tout comme dans ceux introduits plus haut, don ne pourrait pas apparaître en lieu et place de donc.

2.6 Donc indiquant une continuité dans la narration

Donc , comme alors et fait que en français québécois, agit également à titre de ligateur textuel au plan de la macrosyntaxe du discours, ce que montre (15). Dans une telle situation, le marqueur ne fait pas le pont entre le contenu propositionnel des énoncés qui le précèdent et le suivent, comme cela était le cas en (10). Il sert plutôt à rendre le texte fluide, en ce sens qu'il permet au locuteur de lier au plan narratif les différentes séquences du texte en cours d'élaboration (Bras/Le Draoulec/Vieu 2001). Une fois de plus, don ne pourrait pas remplacer donc, comme l'atteste (15).

En conclusion, l'impossibilité d'utiliser la forme don dans les contextes introduits plus haut va dans le sens d'une scission, en synchronie, entre donc et don. De ce point de vue, il apparaît légitime de traiter don comme un mot à part entière, qui a sa propre polysémie et qui possède un sens collocatif, c'est-à-dire un sens spécifiquement voué à apparaître dans l'environnement d'une petite série de MD.


3 Les sens de DON

Dans les différents sens introduits ci-dessous, donc ne serait pas naturel. Au mieux, sa présence porterait à croire que le locuteur fait un effort particulier pour bien parler, voire qu'il donne dans l'hypercorrection. L'usage non marqué, attendu, est don en français québécois.

Plusieurs observations faites ailleurs au sujet de la forme orthographiée donc semblent cependant également s'appliquer à don. En particulier, il a souvent été affirmé que donc, dans certains contextes ciblés (notamment dans les énoncés impératifs), avait un effet de « renforcement » (cf. Culioli 1990 : 171 ; Hybertie 1996 : 22) ou d'insistance (Antoine 1962 : 1194 ; Hansen 1998 : 330). Aussi, à l'instar de nos prédécesseurs, nous posons que don est un marqueur modal, à ranger plus précisément, de manière générale, dans la catégorie de la modalité dite « appréciative » ou « évaluative » : il permettrait au locuteur de prendre une position subjective par rapport à son dire ou à un état de choses donné de l'ordre du « qualitatif » (Culioli 1990, 1999a, 1999b ; Lyons 1980 ; Vion 2003, 2004, 2005 ; Day 2008 ; Gosselin 2010). Cette valeur modale viendrait du fait que don est destiné à réaliser un acte illocutoire d'insistance par lequel le locuteur signale qu'il accorde une importance particulière à ce qu'il dit. Nous revenons sur cette question ci-dessous lors de notre analyse des différents sens (non collocatifs, puis collocatif) du marqueur. Cette analyse prend appui sur 173 occurrences de don (prononcé [dɔ̃]) prélevées dans la partie du CFPQ qui a été dépouillée.

3.1 Sens non collocatifs

Il est loin d'être acquis que don a le statut de MD (Léard 1996 ; Hansen 1998 : 330) dans ses emplois non collocatifs. En suivant sur ce point la terminologie proposée dans Léard (1996), nous poserons que don est une particule de modalisation de phrase. De ce fait, il appartient au paradigme d'unités comme ti-/tu-, qu'est-ce que, ce que, hé… que et don ben, typiques de l'interrogation et de l'exclamation.

La particule de modalisation de phrase renvoie, pour Léard, à un élément qui présente plusieurs propriétés notables, dont celles-ci :

3.1.1 Don1 : mise en relief d'un effort cognitif déployé pour (re)trouver un savoir          important (oublié)

L'emploi de don1 repose sur un présupposé voulant que le locuteur soit en quête d'une information, le plus souvent déjà connue, mais (momentanément) oubliée. Voilà pourquoi il insiste, en l'employant, sur le fait qu'il est en « panne cognitive » au moment de parole. Dans des exemples comme (16) à (18), où le locuteur est à la recherche d'un savoir (passagèrement) oublié, don1 commute avec déjà.8

En première approximation, nous proposons la glose suivante pour rendre compte du sens exprimé par don1 :

Dans la définition qui précède (ainsi que dans toutes celles qui suivront), le présupposé est visuellement séparé de la partie centrale de la définition par le recours à une technique habituelle dans la perspective lexico-sémantique adoptée : il comporte un verbe à la forme participiale et il est séparé du reste de la définition par la présence de deux traits verticaux.

Don 1 , qui est joint à une question partielle (Hybertie 1996 : 18 ss.), apparaît le plus souvent dans des énoncés de type syntaxique interrogatif. Dans l'effort manifeste qu'il effectue pour trouver l'information souhaitée, le locuteur sollicite alors explicitement l'aide de l'interlocuteur, comme dans les exemples (16) à (18). Cependant, sa présence n'est pas exclue dans les énoncés déclaratifs associés à un acte indirect de question, ce qu'atteste (19). Dans cet exemple, l'appel à l'interlocuteur se fait de manière plus discrète, parce qu'il se trouve camouflé par la mise en valeur d'un aveu d'oubli.

3.1.2 Don2 : mise en relief de l'importance accordée à l'accomplissement, par          l'interlocuteur, d'une action en son pouvoir

Léard (1996) présente la « particule de modalisation de phrase » don comme étant associée aux énoncés interrogatifs et exclamatifs (il parle aussi de « phrase hyper-assertée exclamative »). L'auteur aborde le cas de l'impératif de manière allusive à la fin de son étude, sans vraiment être catégorique quant au statut à accorder à don dans de tels contextes. Nous posons que le marqueur peut toujours être rangé dans la classe des particules de modalisation de phrase, étant donné qu'il est associé à une phrase contenant un prédicat fléchi ; il s'agit là d'un critère décisif dans la définition avancée par Léard pour circonscrire cette classe.

Cela dit, Hybertie (1996) décrit le donc joint aux impératifs comme un marqueur dont le locuteur userait dans des contextes où, à son avis, l'interlocuteur n'aurait pas l'intention d'accomplir l'action demandée. Par exemple, dans un énoncé comme Tais-toi donc, le mot donc pourrait être glosé, selon les termes d'Hybertie, de la façon suivante : « tu ne va pas se taire, il n'en a pas l'intention, je vais donc lui demander de le faire » (id. : 22).

Cette analyse de donc fournit un point de départ intéressant pour la description de don2 utilisé dans les exemples (20) à (22). Ainsi, ce dernier reposerait sur un présupposé qui consisterait, comme dans toute demande (entre autres, Searle 1979), à imputer à l'interlocuteur i) la non-intention de faire une action donnée sans qu'on ne l'y incite et ii) la capacité de pouvoir accomplir cette action. Dans ce cadre, don2 serait là pour venir insister, de manière normale (naturelle, légitime), sur la demande formulée.

À partir des observations précédentes, voici une esquisse de définition pour rendre compte du sémantisme de don2 :

3.1.3 Don3 : mise en relief de l'engagement du locuteur face à la véracité de ce qu'il          dit

Don 3 apparaît, quant à lui, dans des énoncés « hyper-assertés » au sens de Léard (1996). Comme dans les cas précédents, il porte une valeur appréciative couplée à une valeur épistémique. Le marqueur permet ici au locuteur d'indiquer explicitement son engagement face à la véracité de ce qu'il dit, de renchérir sur son affirmation, ce que montrent les exemples (23), (24) et (25). Il est axé sur le haut degré, c'est-à-dire sur une « intensité qui ne peut pas être mesurée » (Culioli 1990 : 172). Comme prévu, donc ne serait pas naturel dans ces exemples.

Le sens exprimé par don lorsqu'il est joint aux assertions peut, grosso modo, être défini comme suit :

En résumé, le présupposé sous-jacent à l'emploi de don dans les trois cas examinés jusqu'ici rend légitime, aux yeux du locuteur, l'insistance qu'il manifeste en l'accolant à un acte illocutoire donné (cf. question partielle, demande, (hyper-)assertion).

3.2 Le phénomène de la collocation discursive et le cas de don4 : mise en relief de la       valeur illocutoire exprimée par un MD-tête

Dans les exemples (26) et (27) don (désormais don4) ne peut pas être assimilé à la classe des particules de modalisation de phrase telle que définie à la section 3.1, tout simplement parce qu'il n'est pas associé à une phrase contenant un verbe fléchi, mais bien à un MD. Nous posons que, dans ce cas-ci, don est un MD, tout comme l'unité qu'il accompagne.9

L'examen de don4 amène immédiatement à poser la question que voici : comment déterminer si, dans des exemples comme (26) et (27), l'unité considérée est bel et bien sélectionnée par des marqueurs-têtes (à savoir, respectivement, arrête et voyons), comme nous le croyons, ou bien si elle n'est pas plutôt placée librement aux côtés des MD considérés ? Pour répondre à cette question nous proposons le test que voici : la collocation discursive, contrairement à la juxtaposition libre de MD, se reconnaîtrait par le caractère asymétrique des deux marqueurs qui la composent. Ils ne pourraient pas, de manière égale, être utilisés l'un sans l'autre. Il y aurait une dominance de l'un d'entre eux – plus précisément, de celui qui joue le rôle de marqueur-tête. Par exemple, arrête et voyons pourraient apparaître sans don en (26) et (27), mais non le contraire (c'est-à-dire que don serait exclu si arrête et voyons n'étaient pas utilisés). À l'inverse, la juxtaposition libre de MD implique une dissociation possible des marqueurs cumulés, c'est-à-dire que l'emploi d'un seul d'entre eux ne rend pas l'énoncé inacceptable sur le plan syntaxique. Cette propriété découle, bien entendu, de leur autonomie respective. Ainsi, il serait théoriquement possible d'utiliser uniquement soit ben, soit remarque en (28), sans que l'acceptabilité de la répartie de la locutrice I n'en soit affectée. Évidemment l'apport sémantique de chacun des marqueurs mis côte à côte reste entier ; en particulier, sans remarque, l'idée que le locuteur se prépare, au moment où il produit ce marqueur, à ajouter un commentaire serait perdue. Toutefois, nous insistons sur le fait que la suppression soit de remarque, soit de ben dans l'exemple cité ne rendrait pas l'énoncé inacceptable, tout simplement parce que les deux unités en cause ne sont pas tributaires l'une sur l'autre d'un point de vue syntaxique, mais plutôt de la séquence textuelle qui figure à leur droite.

Le collocatif don4 semble être sous l'emprise d'une petite série de marqueurs qui présentent les caractéristiques suivantes : ils ont le statut de mots-phrases réactifs et ils réalisent des actes de langage expressifs axés, grosso modo, sur l'accord (ex. : je comprends don, et comment don), l'étonnement/la mise en doute (ex. : voyons don, tiens don, arrête don, allons don) et l'encouragement/l'incitation à agir (ex. : envoye, vas-y). C'est dire, par le fait même, que la sélection de don4 par un marqueur-tête donné a un côté « capricieux », comme son statut de collocatif l'exige : elle est contrainte et elle s'avère peu prédictible. À ce propos, remarquons ce qui suit :

À partir des caractéristiques dégagées plus haut pour don lorsqu'il est associé à des questions, à des demandes et à des assertions (cf. don 1, don2 et don3), il est relativement facile d'identifier le rôle assumé par don4 : il sert au locuteur à insister sur la valeur illocutoire attachée au marqueur-tête qui le sélectionne. Par exemple, en (26), la locutrice S indique, par l'emploi de arrête, qu'elle s'étonne de ce qui vient d'être dit. En associant don4 à ce marqueur, elle vient ici donner plus de force à l'expression de son étonnement. Le même scénario se produit en (27), cette fois avec voyons. Nous pourrions gloser, de façon approximative, le sens transmis par don4 dans les termes suivants (la variable X représente le MD-tête) :

Comme on le voit, le collocatif don4 hérite d'un trait sémantique qu'il possède déjà dans les sens où il n'a pas ce statut. De ce point de vue, son sens s'inscrit en continuité et non en rupture avec les autres sens du marqueur don.

Par ailleurs, dans la mesure où la sélection de don4 par un marqueur-tête donné a un côté contraint, ce qui est le propre, redisons-le, de toute collocation (discursive ou non), on peut s'attendre à trouver d'autres MD-têtes qui appelleront d'autres marqueurs collocatifs pour possiblement exprimer à peu près le même sens. À ce propos, il semble bien que ben, dans certains contextes, joue un rôle voisin de celui que possède don4 face aux MD-têtes qui le sélectionnent. Ce serait notamment le cas en (29) et (30), où il apparaît postposé à écoute et à t'sais.10

Nous supposons que le ben usité en (29) et (30) a comme effet d'indiquer, tout comme un des bien décrit par Martin (1990 : 89), « [..] le caractère incontestablement valide de ce qui est dit ». Étant postposé à un autre marqueur avec lequel il fait corps, il vient appuyer ce dernier, insister sur son sens. Dans cette veine, la séquence écoute ben, utilisée en (29), ne dit pas tout à fait la même chose que si écoute avait été employé seul. La présence du collocatif ben donne à penser que le segment de texte qui suivra est mûrement réfléchi et pleinement assumé par le locuteur et que, en conséquence, il mérite, à son avis, d'être tout particulièrement pris en considération par l'interlocuteur. Ben signifie ici quelque chose comme ‹ j'insiste sur le sens transmis par X (i. e. dans notre exemple par écoute) ›. De même, en (30), t'sais sert au locuteur à solliciter la participation cognitive de l'interlocuteur à qui un savoir important, pour les besoins de la discussion, est imputé. En faisant suivre t'sais du collocatif ben, le locuteur vient alors insister sur le fait qu'en ayant à l'esprit le savoir en question, l'interlocuteur sera forcément conduit à adopter, selon lui, son point de vue, si ce n'est déjà fait.

Au vu de ce qui précède, la relation qui lie don à voyons, d'un côté, et celle qui se tisse entre ben (postposé) et écoute, de l'autre, pourrait être représentée, de façon schématique, de la façon suivante :

Cette représentation vise à montrer, comme nous l'avons affirmé plus haut que, dans les grandes lignes, don4 est à voyons ce que ben postposé est à écoute. Cette relation privilégiée entre le marqueur collocatif et son marqueur-tête correspond au schéma classique de la relation collocative entre deux unités lexicales. Pour prendre quelques exemples extérieurs au domaine des MD, nous citerons le cas de l'intensification (qui correspond à la fonction lexicale [= FL] Magn [‹ très ›, ‹ intense ›, ‹ à un degré élevé ›] dans le système de la lexicologie explicative et combinatoire). Celle-ci s'exprimera de diverses façons selon le mot-clé considéré. Par exemple, colère sélectionnera le collocatif noire pour exprimer ce sens (colère noire), peur appellera bleue (peur bleue), faim commandera de loup (faim de loup) et ainsi de suite.

Enfin, un point reste à clarifier : la notion d'‹ insistance › qui lie don4 et voyons, ou encore ben et écoute pourrait-elle ou devrait-elle être vue comme une variante un peu particulière de la FL Magn ? Si tel était le cas, nous aurions ainsi affaire à une FL standard qui s'écarterait légèrement de ce qui est suggéré par la définition classique de cette fonction. La définition en question est reproduite ci-dessous :

Malgré la proximité entre la valeur d'insistance associée aux marqueurs discursifs collocatifs considérés et la FL Magn, deux points, tout de même, achoppent pour assimiler la première à la seconde : en premier lieu, qui dit « proximité sémantique » ne dit pas « identité » et, en second lieu, le statut de « modifieur adjectival ou adverbial » auquel renvoie la définition précédente ne convient pas ici.11 De ce point de vue, si l'on suppose que la FL ‹ insistance › est bel et bien distincte de la fonction Magn, on écarte par le fait même l'idée qu'il puisse s'agir d'une FL standard. En effet, il est facile de montrer que la FL ‹ insistance › ne rencontre pas les critères qui feraient d'elle une nouvelle FL standard, c'est-à-dire une FL standard non répertoriée jusqu'ici. Par exemple, comme nous l'avons observé plus haut :

Dans cette perspective, la FL qui nous occupe serait sans commune mesure avec une FL standard comme, disons, Degrad (= « verbe ayant le sens ‹ se dégrader ›, devenir pire' qui prend le mot-clé pour son SG [= sujet grammatical] » (Mel'čuk/Clas/Polguère 1995 : 146)). En effet, les lexies qui appellent un collocatif pour exprimer ce dernier sens sont nombreuses et les collocatifs destinés à exprimer le sens défini par Degrad sont, eux aussi, fort variés. On le vérifiera avec les quelques exemples suivants tirés de Mel'čuk et al. (1992 : 106) :


4 Marqueurs discursifs-tête et marqueurs discursifs collocatifs d'un point de vue    lexicographique

Le traitement lexicographique de la collocation discursive peut être envisagé sous deux aspects : celui du MD-tête (section 4.1), d'une part et celui du MD collocatif, d'autre part (section 4.2). À ce titre, nous formulons ci-dessous quelques propositions qui s'inscrivent dans la foulée d'une série de travaux consacrés au traitement lexicographique des MD et d'unités lexicales qui leurs sont apparentées (entre autres, Dostie 2004a, 2006 et 2012 ; pour une discussion quant au traitement lexicographique à accorder aux collocatifs de manière générale, voir Alonso Ramos 2003).

4.1 Marqueurs discursifs-tête

Dans l'optique retenue, les articles de dictionnaire relatifs aux lexies qui ont le statut de MD-tête incluront un renvoi vers les articles de leurs collocatifs. Par exemple, ceux consacrés à voyons1 et à voyons212 renverront à don4 dans une rubrique intitulée « Relations syntagmatiques ». À ce propos, voici la forme que pourrait prendre un tel renvoi dans l'article de voyons1 (Dostie 2004a : 230 ss.) :

Il est à prévoir qu'un MD polysémique n'aura pas forcément le statut de marqueur-tête dans tous ses sens et que, par voie de conséquence, le type d'information présenté ci-dessus ne concernera que certains d'entre eux. Il en est ainsi de voyons3 qui ne s'associe pas à don4 , lorsqu'il traduit la difficulté d'expression que le locuteur éprouve subitement, comme en (31), où il se rattrape aussitôt, s'auto-corrige (Dostie 2004a : 134).

4.2 Marqueurs discursifs collocatifs

4.2.1 Observations générales

Dans l'approche retenue, tout mot polysémique (ce qui signifie, dans les faits, la plupart des mots) sera décrit au moyen d'autant d'articles de dictionnaire qu'il aura de sens. En d'autres termes, chaque sens (= chaque lexie) fait l'objet d'un article et le regroupement de tous les articles esquissés pour un mot polysémique est réalisé au sein d'un « superarticle ». Ainsi, le mot don, qui a quatre sens, aura quatre articles.

Le superarticle de dictionnaire s'ouvre sur la présentation d'une série de propriétés communes aux différents sens que possède un mot. Outre le type de polysémie qui le caractérise (c'est-à-dire la présentation des liens, directs ou indirects, qui existent entre ses divers sens), on y trouve un tableau synoptique, c'est-à-dire un tableau dans lequel sont listés, de manière succincte, tous ses sens. Dans cette perspective, nous posons que le MD-collocatif doit avoir son propre article de dictionnaire (il s'agit d'une lexie en soi) et que quelques adaptations de détails au modèle de départ, dans les relations syntagmatiques en particulier, suffisent pour rendre compte de sa singularité. Afin de donner un aperçu du traitement lexicographique envisagé pour un MD-collocatif, nous introduisons, ci-dessous, l'article esquissé pour don4, en le situant dans le superarticle à l'intérieur duquel il doit prendre place, à savoir celui du vocable DON.

4.2.2 L'exemple de don4

DON, [dɔ̃] , particule de modalisation de phrase et marqueur discursif

LE VOCABLE

I. Plan du signifié

Type de polysémie

Tous les sens du vocable sont liés directement entre eux par la composante ‹ j'insiste [sur le sens transmis par l'énoncé E ou le mot X (question, demande, assertion, accord, étonnement…) ›.

fig

Tableau synoptique

1. […] j'insiste […] sur le fait que je cherche une information […] [ex. : comment il s'appelait don /].

2. […] j'insiste […] pour que tu fasses [une] action […] [ex. : récite-en don un].

3. […] j'insiste […] sur la véracité de ce que je dis [ex. : j'aurais don aimé ça avoir cette place là].

4. […] j'insiste sur le sens transmis par [le mot] X [qui traduit mon état d'esprit] [ex. : voyons don toi].

II. Plan du signifiant

Formes graphiques attestées

donc (usuel), don

LES LEXIES (extrait)

Don4

I. Plan du signifié

Définition

4. [X] don ≅ Ayant exprimé, au moyen du mot X, mon état d'esprit face à une situation donnée ||

j'insiste sur le sens transmis par X.

Type de marqueur

Marqueur discursif (MD) collocatif relevant de la modalité appréciative.

Fonctionnement d'un point de vue pragma-sémantique

Relations paradigmatiques

Synonyme (proche) : ben (postposé à des MD-têtes, tels écoute, regarde, t'sais, tu comprends…).

II. Plan du signifiant

Relations syntagmatiques

MD-têtes antéposés à don4 : le plus souvent, il s'agit de MD déverbaux (je comprends don, voyons don, tiens don, arrête don, allons don, envoye don, vas-y don…), sauf pour ce qui concerne et comment (cf. et comment don) qui est marginal sur ce point. Cette dernière association serait peut-être due à un rapprochement entre le MD-tête (cf. et comment) et le marqueur déverbal je comprends, puisque, comme lui, il exprime l'assentiment.

III. Exemples


5 Conclusion

La problématique de la combinatoire syntagmatique des mots appartenant aux classes usuellement prises en compte par la tradition grammaticale (comme les noms, les verbes, les adjectifs et les adverbes) a fait l'objet d'une réflexion soutenue depuis plusieurs décennies. La situation diffère en ce qui a trait aux MD, car l'intérêt marqué que connaît désormais cette classe de mots est de date récente (il se situe vers la fin des années 1990). Aussi, notre point de départ, dans cet article, a été de supposer que les MD étaient sujets aux mêmes types d'associations syntagmatiques que les mots appartenant aux classes « usuelles ». Par analogie avec ceux-là, trois types d'associations syntagmatiques ont ainsi été distinguées dans le domaine des MD : la cooccurrence discursive libre, le figement (ou la locution discursive) et le semi-figement (ou la collocation discursive).

Parmi ces types d'associations de mots, le semi-figement nous est apparu comme étant le plus original et le plus délicat à traiter. Voilà pourquoi nous avons décidé de nous y attarder à travers l'étude d'un marqueur en particulier, don. Ce choix a nécessité, au préalable, un détours du côté de donc, afin de bien circonscrire notre objet d'étude. En effet, la forme graphique standard, donc, ne doit pas tromper : don ([dɔ̃]) est un mot distinct de donc ([dɔ̃k]), à tout le moins dans la variété de français ici considérée, à savoir le français québécois. La présence du phonème final /k/ n'est pas réductible à un fait phonétique. L'alternance dans la prononciation, signalée par plusieurs auteurs avant nous (entre autres, Sève 1946, cité dans Hug 1997 ; Antoine 1962 ; Hug 1997 ; Hansen 1998), a un fondement sémantique. Grosso modo, donc est systématiquement retenu pour effectuer une connexion entre deux entités sémantiques, c'est-à-dire entre deux entités qui ne sont pas nécessairement explicitement verbalisées. Don, quant à lui, sert de manière générale à insister sur la valeur illocutoire associée à un élément textuel donné. Il peut le faire à titre de particule de modalisation de phrase (= don1, don2 et don3) ou de MD collocatif (= don4). La différence entre ces deux catégories d'emplois tient au statut du segment textuel que le marqueur accompagne. Don est une particule de modalisation de phrase, lorsqu'il est joint à un énoncé contenant un verbe fléchi ; il est un MD collocatif, quand il suit un autre MD. En tant que collocatif discursif, don4 présente certains attributs prévisibles. Entre autres, sa sélection par un MD-tête a un côté capricieux, ce qui est le propre d'une collocation. Ainsi, la liste des marqueurs qui appellent don4 n'est pas parfaitement homogène ; la règle voulant qu'il s'agisse de MD d'origine verbale connaît des exceptions, puisque et comment don est possible. De plus, cette même liste est relativement limitée. En guise d'exemple, don4 s'associe à un marqueur qui exprime l'accord tel je comprends, mais non à je te crois qui lui est pourtant fort apparenté sur plusieurs points (*je te crois don).

Enfin, nous avons abordé la question du traitement de la collocation discursive d'un point de vue lexicographique. Deux problématiques ont été discutées : le cas du MD-tête, d'un côté et celui du MD-collocatif, de l'autre. À ce propos, il a été suggéré que les articles de dictionnaire des MD-tête devaient inclure, dans une rubrique consacrée à leurs relations syntagmatiques, la liste des MD sélectionnés à titre de collocatifs, accompagnés d'une note explicative quant à leur rôle. De plus, il a été proposé qu'un MD-collocatif devait être décrit au moyen de son propre article de dictionnaire et que cet article devait éventuellement lui-même prendre place au sein d'un superarticle de dictionnaire consacré au vocable dont il représente une lexie (un sens). Outre l'article consacré au MD collocatif, ce superarticle inclura donc tous les articles rattachés aux sens non collocatifs exprimés par le vocable concerné. Finalement, la méthode d'analyse lexicographique retenue a été appliquée au cas de don4.

Pour bien faire, il faudrait désormais tester les différentes propositions formulées ici quant à l'analyse sémantique et au traitement lexicographique du phénomène de la collocation discursive sur des cas peut-être encore plus complexes que celui de don4, par exemple sur . La réflexion est à poursuivre.


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Notes

* Je remercie chaleureusement Günter Schmale pour ses commentaires avisés sur une version préliminaire du texte. back

1 Notons toutefois l’existence de quelques MD déverbaux (c’est-à-dire de marqueurs issus de verbes par un procédé de pragmaticalisation), tels écoute/écoutez et tiens/tenez, qui conservent, dans certains de leurs sens, une légère flexion correspondant à l’alternance deuxième personne du singulier/deuxième personne du pluriel (Dostie 2004a). back

2 Günter Schmale attire notre attention sur le fait que le comportement de don par rapport à donc observé en français québécois est similaire en français vendéen ; le petit nombre d’occurrences de don produits par des locuteurs vendéen dans les enregistrements du corpus Communications téléphoniques (Schmale 2007a, b) va également dans ce sens. Une hypothèse serait que don, usité en français québécois, aurait été hérité d’un don en usage dans l’ouest de la France pendant la période d’extension coloniale au XVII e siècle. Malgré son intérêt, nous laisserons cette question ouverte : une recherche plus large dans des corpus représentatifs des diverses variétés diatopiques de français actuellement en usage, ainsi que dans des corpus aptes à refléter l’évolution du français de la période considérée à nos jours s’imposerait pour qu’une conclusion assurée en la matière soit possible. Une telle investigation dépasse de beaucoup le cadre de notre article, parce que, comme cela vient d’être précisé, la transcription de don sous la forme graphique donc dans les corpus publics du français rend quasi-impossible une étude diatopique transversale, sans une écoute simultanée des occurrences de donc (et vraisemblablement de don) qui s’y trouvent. back

3 En d’autres termes, les séquences ben les frais de scolarité sont gelés et vois-tu les frais de scolarité sont gelés seraient syntaxiquement acceptables. back

4 Les crochets surélevés visent à donner un repère graphique afin d’identifier rapidement les locutions, c’est-à-dire les unités qui, dans un dictionnaire, devraient idéalement avoir leur propre entrée. back

5 La rupture phonétique entre donc et don semble moins nette en français de Belgique où le phonème final [k] serait toujours audible, peu importe le contexte, à en juger par la réaction de quelques collègues auxquels nos exemples ont été présentés lors de conférences données à Liège et à Bruxelles en mai 2012. back

6 Comme l’ont observé Sève (1946) et Hug (1997), l’explication phonétique voulant que le phonème final [k] surgisse lorsque le mot à la droite du marqueur débute par une voyelle serait simple, mais elle ne fonctionne pas, ce qu’attestent les exemples (i) et (ii).

(i) Arrête don acheter du pain stp en rentrant (= [dɔ̃]/?? [dɔ̃k])

(ii) Marie est arrivée donc nous pourrons bientôt commencer à manger (= [dɔ̃k])/*[dɔ̃] back

 7 Le marqueur fait que est très polysémique (Dostie 2006). Pour le bénéfice du lecteur non familier avec le français québécois, voici un exemple, tiré du CFPQ, où on le retrouve :

(iii) [En parlant de méthodes contraceptives, la locutrice dit :]

sérieusement ben là-dedans t'as le même produit que dans la pilule sauf qu'il se dissout pendant cinq ans pis euh c'est la MÊme fiabilité que la pilule sauf que t'en as moins dans ton corps fait que t'engraisses moins euh: (CFPQ, sous-corpus 19, segment 8, 6 min 17 s) back

8 Il arrive que le locuteur utilise don1 pour insister sur le fait qu’il est en quête d’une information importante, sans qu’il s’agisse pour autant d’une information qu’il aurait déjà sue (ex. : Qu’est-ce qu’il fait don? présuppose 'je sais qu’il fait quelque chose, mais je ne sais pas quoi'). L’idée d’un savoir oublié n’est donc pas généralisable à ce sens. back

9 En (26), arrête n’est pas un prédicat verbal utilisé à l’impératif. Ainsi, arrêtons ne pourrait pas être employé dans ce contexte et le discours direct serait exclu (cf. ¹ Elle m’a demandé d’arrêter). En fait, le locuteur indique grosso modo, grâce au marqueur, son étonnement face à ce qui est dit. back

10 Nous soutenons que ben a le statut de MD en (29) et (30) parce qu’il accompagne un autre MD (écoute et t’sais ayant le statut de MD déverbaux). Ainsi, il ne pourrait pas être tenu pour un adverbe. De plus, l’utilisation de bien paraîtrait ici forcée dans la variété de français considérée (Dostie 2012). back

11 Cette seconde difficulté n’a peut-être en soi rien de bien grave ; par exemple, une lecture large de adverbial serait sans doute de nature à résoudre le problème. Nous laissons la question ouverte pour explorer une autre voie, davantage en harmonie avec la vision des MD adoptée dans le cadre de cet article. back

12 Nous reprenons la numérotation des sens de voyons utilisée dans notre étude de 2004a (cf. en particulier les chapitres 5 et 9). back