À quelle langue accède l’apprenant ? Examen critique du traitement de l’oral dans les premières leçons de manuels de français langue étrangère pour débutants

Christian Surcouf et Anick Giroud (Lausanne)

http://dx.doi.org/10.13092/lo.78.2947


 

1 Introduction

Il y a un quart de siècle, Séguin (1989: 124) s’interrogeait : « la principale tâche de la linguistique appliquée (à l’enseignement des langues) n’est-elle pas de mettre à jour nos connaissances de la langue dans son état actuel et de fournir ainsi aux concepteurs de matériel pédagogique un contenu descriptif qui soit didactiquement meilleur ? ». Vingt ans plus tard, Chambers (2009: 16) formule un souhait similaire en mentionnant le cas emblématique de la négation française et en imaginant à son tour qu’« on pourrait […] envisager que la collaboration entre linguistes de corpus, auteurs de manuels, enseignants, et formateurs d’enseignants constitue une possibilité d’enrichir l’environnement de l’apprentissage du FLE ». C’est en somme à une telle entreprise que se consacre cet article en se focalisant sur trois phénomènes de l’oral dans les enregistrements des trois premières leçons de dix manuels de français langue étrangère (FLE) de niveau débutant. De quelle manière sont réalisés ces phénomènes oraux dans les enregistrements ? Reflètent-ils la réalité décrite par les analyses linguistiques des corpus du français parlé ? Afin de répondre à ces questions, on établira des comparaisons quantitatives entre les données de notre corpus d’enregistrements et celles issues des analyses linguistiques de corpus oraux. Nous montrerons que, malgré l’usage du terme « authentique » dans les avant-propos et les guides pédagogiques de tous les manuels de notre corpus, il existe de fortes disparités entre l’oral de ces enregistrements et la réalité des pratiques révélée par les corpus de français parlé.


2 Méthodologie

2.1 Les phénomènes retenus

Nous avons retenu les trois phénomènes suivants :

  1. La chute du /ə/. Dans l’énoncé /ȝəmapɛlsɔfidylak/ ‘je m’appelle Sophie Dulac’ le /ə/ de /ȝə/ est maintenu, mais il ne l’est pas dans /ȝmapɛlsɔnja/ ‘je m’appelle Sonia’ (Accord 1, Berger/Spicacci 2000: 31/145, 6/142)1
  2. La réduction du /ty/ à /t/ devant voyelle : /tagaɲe/ ‘t’as gagné’ (Archipel 1, Courtillon/Raillard 1982a: 29/33)
  3. La chute du /l/ dans /il/ et /ɛl/ devant consonne : /isõfʁãsɛ/ ‘ils sont français ?’ (Tempo 1, Bérard et al. 1996: 21)

2.2 Le corpus utilisé

Afin de fournir un aperçu documenté des phénomènes étudiés, nous avons retenu dix manuels de FLE couvrant une période de trente années (1982–2012), représentative de l’évolution méthodologique : avant les années 2000, avec la prédominance de l’approche dite communicative (5 manuels), puis avec l’apparition de l’approche actionnelle sous l’influence du Cadre européen commun de référence (CECR) à partir de 2001 (5 manuels également).

La durée totale des enregistrements analysés est d’environ 6h. L’analyse porte sur les enregistrements des trois premières « leçons ».

Titre

Année

Auteurs

Leçons retenues

Durée

Archipel 1

1982

Courtillon/Raillard

unités 1-3

48’

Cadences 1

1994

Berger/Mérieux

séquences 0-3

24’

Tempo 1

1996

Bérard et al.

unités 1-3

59’

Accord 1

2000

Berger/Spicacci

unités 1-3

55’ (avec CD)

Studio 60 1

2001

Lavenne/Bérard

séquences 1-3

28’

Connexions 1

2004

Mérieux/Loiseau

unités 1-3

44’

Rond-Point 1

2004

Labascoule et al.

unités 1-3

25’

Ici 1

2008

Abry et al.

unités 1-3

26’

Alter Ego+ 1

2012

Berthet et al.

dossiers 0 et 1 leçons 1-3

46’

Zénith 1

2012

Mimran/Poisson-Quinton

leçons 1-3

15’

Tableau 1 : Les dix manuels constituant le corpus

Les enregistrements des leçons recensées dans le tableau ont été écoutés dans leur intégralité. Leurs thématiques s’articulent autour des salutations, de la présentation de soi, de la demande d’informations sur quelqu’un (description, gouts), ou plus généralement de renseignements sur la vie quotidienne (achats, sorties, démarches administratives, etc.). Y apparaissent non seulement des dialogues, mais aussi des exercices de phonétique ou de répétition, donnant parfois lieu à la lecture de mots isolés. Tous ces types d’exercice – à l’exclusion de la lecture des lettres de l’alphabet – ont été pris en compte. La durée des enregistrements variant d’un manuel à l’autre, notre analyse s’efforcera de montrer les tendances globales, même si elle donne un aperçu des différences – parfois considérables – entre manuels.


2.3 La présentation adoptée

La didactique du FLE s’inspirant des ouvrages de référence du français langue maternelle, on proposera dans le cas de la réduction des pronoms personnels un aperçu des descriptions fournies par de tels ouvrages. Nous ferons ensuite appel à certaines études linguistiques sur le phénomène traité et terminerons par une comparaison quantitative entre les résultats des corpus de français parlé et ceux des enregistrements de notre corpus.


3 Présentation et analyse des phénomènes retenus

3.1 La chute du /ə/2

Comme le rappelle Lyche dans le cadre de recherches au sein du projet de « Phonologie du français contemporain : usages, variétés et structure » (PFC), « la question du schwa […] constitue sans nul doute l’une des épines de la phonologie du français » (Detey et al. 2010: 154). Étant donné la dimension avant tout didactique de notre propos, nous nous contenterons de donner ici un bref aperçu des difficultés de l’analyse linguistique du schwa, avant d’en venir aux principes simples que nous avons adoptés pour en recenser les occurrences dans les enregistrements de notre corpus.

Parler de « chute du /ə/ » laisse entendre que certaines variantes du français comprendraient des /ə/ susceptibles de disparaitre sous certaines conditions. Toute la question réside en somme dans l’étalon à adopter pour identifier le schwa, que Léon présente ainsi :

Le E caduc doit son nom au fait qu’il peut tomber. On dira aussi bien Je sais que J’sais. […] En français moderne, à l’oral, E muet de fin de mot (pote) sert à marquer la prononciation de la consonne finale, alors que celle-ci ne se prononce généralement pas si elle est en finale (pot).

(Léon 2007: 141)

On voit poindre ici le problème que pose l’identification du /ə/. À moins de considérer que /pɔtə/ est la prononciation normale, déclarer que le « E muet » – le /ə/ – servirait à « marquer la prononciation de la consonne finale » – le /t/ –, c’est à priori prendre comme base de raisonnement3 des considérations relevant de la lecture et donc de l’écriture, où le graphème ‘e’ – censé transcrire /ə/ – indiquerait au lecteur que le ‘t’ doit, contrairement au cas de pot, être lu4. Cet enchevêtrement des niveaux graphique et oral est en soi révélateur de la prégnance de l’orthographe dans l’étude du schwa, phénomène pourtant oral5. Morin nous met cependant en garde :

Most analyses of mute “e”, […], fail to make the distinction clearly, and are limited only to synchronic considerations, while depending upon the spelling (which indicates some of the history of the language) to define what is a mute “e”.

(Morin 1978: 79)

Il paraitrait dès lors préférable d’opter pour une approche phonologique à l’instar de celle prônée par Côté et Morrison (2007: 161) « based on vowel alternation » (cf. également Detey et al. 2010: 154–155). Les auteurs mentionnent ainsi les alternances à l’intérieur d’un mot (cerise : [s(ə)ʁiz]), entre deux frontières de mots (valse rapide : [vals(ə)ʁapid]) ou d’affixes flexionnels ou dérivationnels (garderai [gaʁd(ə)ʁe], repartir [ʁ(ə)paʁtiʁ]), en présence d’un clitique (ce bateau : [s(ə)bato]), et dans les noms composés : ( garde-malade [gaʁd(ə)malad]) (les exemples sont de Côté/Morrison 2007: 162). Cependant, des divergences existent entre linguistes sur la manière d’envisager les mêmes phénomènes. Pour Fougeron et al (2001: 639) « a word containing schwa in its canonical form can be produced without the schwa », explication que les auteurs illustrent à l’aide de « samedi » prononcé [samədi] ou [samdi]. Côté et Morrison (2007: 161) considèrent quant à eux que ce même mot se prononce systématiquement [samdi] dans l’oral spontané, avis partagé par Armstrong et Unsworth (1999: 135). Côté et Morrison (2007: 161) excluent également du domaine du schwa l’alternance [ɛ]/[ə] : « in modern French: [E] alternates with zero […] appelle […] [apɛl] vs. appeler […] [aple] », verbe dont la conjugaison apparait souvent dans les premières leçons des manuels pour débutants, précisément sous la forme /apəlõ/, /apəle/ (par exemple Accord 1, Berger/Spicacci 2000: 6, 10).

Comme l’illustre ce bref aperçu, définir le /ə/ reste « a thorny question » (Côté/Morrison 2007: 161), et le « standard » adopté repose souvent sur une représentation orale basée sur une lecture de l’orthographe. Dans une analyse minutieuse du phénomène, Bürki et al. (2011) tiennent compte de huit variables selon 18 dimensions, et concluent à l’importance déterminante de cinq variables seulement : 1) la vitesse de débit, 2) la position du schwa dans le mot, 3) la position du mot dans l’énoncé, 4) le nombre de consonnes dans la séquence consonantique, et 5) le respect du principe de sonorité6 dans cette séquence (Bürki et al. 2011: 3987)7.

En raison de la finalité beaucoup plus modeste de notre étude, le comptage des schwas de notre corpus a été effectué sur la base de notre propre intuition de locuteurs natifs du français dit « standard »8. Rappelons que les décomptes se basent sur l’hypothèse de l’existence d’un tel phénomène à des endroits précis de la chaine sonore, où une alternance entre présence et absence de /ə/ s’avère donc possible. En aucun cas, l’orthographe ne nous a servi de base. En définitive, la plupart de nos annotations se sont effectuées sans difficulté majeure9. Donnons trois exemples illustrant les principes suivis.

Exemple

Manuel

Décompte des /ə/

/pʁɛdlagaʁ/

‘près de la gare’

Ici 1

(Abry et al. 2008: 25/116)

une chute (/dəla/ est possible)

/akotelaplas/

‘à côté de la place’

idem

un maintien (/dla/ est possible)

/ȝəməsɥiʁeveje/

je me suis réveillé’

Tempo1

(Bérard et al. 1996: 44/210)

un maintien (/ȝməsɥi/ ou /ȝəmsɥi/ sont possibles, pas /*ȝmsɥi/)

Tableau 2 : Illustration des principes suivis pour le décompte des schwas

Maintien du /ə/

oui

non

Total

N

%

N

%

Archipel (1982)

183

105

57

78

43

Cadences (1994)

37

31

84

6

16

Tempo (1996)

215

165

77

50

23

Accord (2000)

163

143

88

20

12

Studio (2001)

85

66

78

19

22

Connexions (2004)

206

177

86

29

14

Rond-Point (2004)

170

118

69

52

31

Ici (2008)

127

94

74

33

26

Alter Ego+ (2012)

270

240

89

30

11

Zénith (2012)

74

69

93

5

7

Total général

1530

1208

79%

322

21%

Tableau 3 : La répartition des /ə/ dans les trois premières leçons des dix manuels

Comme le montrent les analyses, le maintien des /ə/ s’avère largement majoritaire dans l’ensemble des manuels (79%). Comparons maintenant avec les données recueillies en 1989 par Hansen (2000) à l’issue de conversations spontanées et d’entretiens avec des « Parisiens cultivés » (huit adultes entre 40–55 ans, et seize jeunes entre 15–25 ans).

Figure 1 : Comparaison du maintien du /ə/ avec la synthèse calculée à partir de Hansen (2000: tableau 1)10

Manifestement – et sans surprise pour le locuteur natif les ayant écoutés –, les énoncés des enregistrements des trois premières leçons des manuels de notre corpus ne reflètent pas la réalité décrite par Hansen11. Comme l’illustre la figure 2, paradoxalement, c’est le manuel le plus ancien – Archipel 1 (1982) – qui, avec 57% de maintien (soit, malgré tout, le double du corpus de Hansen), s’avère le plus proche du français oral. Les deux manuels les plus récents (Alter Ego+ 1 et Zénith 1) sont les plus éloignés de cette réalité (89% et 93%).

Figure 2 : Pourcentages de maintien du /ə/ dans les dix manuels

En définitive, comme le remarque Lyche (Detey et al. 2010: 160) « les  ouvrages de FLE […] jettent sur la phonologie un regard relativement conservateur ».


3.2 La réduction de /ty/ à /t/

La linguistique de l’oral semble s’être peu attardée sur le phénomène de l’élision du tu. Dans un article consacré aux « sujets de deuxième personne à l’oral » (au sein de CorpAix), Cappeau (2004: 76–77) remarque qu’il « est parfois réalisé par la consonne seulement ([…] tas vu) mais les transcriptions que nous utilisons restituent la forme complète (tu as vu) ». François (1974: 642), dans son corpus recueilli en 1964 en région parisienne, relève quant à elle : « Le pronom sujet tu (132 occurrences) se réalise [ty] ou [t]. Devant consonne, on trouve généralement [ty] et devant voyelle, généralement [t] ». Quelles fréquences d’usage se dissimuleraient derrière les adverbes parfois (Cappeau) et généralement (François) ? Les ouvrages de référence évoquent eux aussi les variantes /ty/-/t/, la seconde étant toujours supposée renvoyer à une dimension « familière » :

1) Dans l’usage familier, tu prend la forme t’ ([t]) dans les mêmes conditions [que celle de je] : t’enrages, t’hésites (mais tu harcèles) (Arrivé et al. 1986: 499)

2) Dans la langue parlée familière, tu se réduit souvent à [t] devant voyelle (Grevisse/Goosse 2008: 842)

3) L’usage familier prononce […] tu [t] devant voyelle (t’arrives ?) (Riegel et al. 1994: 200; 2009: 368)

Ce que confirment les dictionnaires :

4) Dans la langue familière ou parlée, tu s’élide en t’ devant une voyelle ou un h muet (t’as raison, t’en fais pas, t’es folle, t’hésites ?) (Le dictionnaire du français) (Rey-Debove 1999: 1048) (cf. également Rey-DeboveRey 2009)

Cette dimension familière est également évoquée dans deux ouvrages linguistiques importants dans la problématique du français parlé :

5) le [y] de tu, […] disparait, en usage familier, quand le verbe suivant commence par une voyelle (Gadet 1989: 104)

6) Le [y] du pronom tu s’élide dans les prononciations familières, comme on le voit chez un Parisien de vingt-six ans dans une conversation entre amis : tu auras [tora] - tu es [te] - tu as [ta] - tu allumes [talym] (Blanche-Benveniste 2010: 31)

Cette unanimité à reconnaitre dans l’élision du /y/ une dimension « familière » n’est pas exempte de problèmes. Y aurait-il en français contemporain (mais voir déjà Damourette/Pichon 1911–1940: 274 §2332) des « conversations entre amis » de « vingt-six ans » se tutoyant (6), qui ne seraient pas par nature « familières » si « le français familier, [est] celui dont chacun est porteur dans son fonctionnement quotidien, dans le minimum de surveillance sociale » (Gadet 1989: 3)12 ou encore « ce qui […] s’emploie dans des situations de spontanéité amicale » (Rey-Debove 1999: XI)13 ? La variante /t/ ne serait-elle pas dès lors celle la plus appropriée à ce genre de situation14 ?

L’analyse des corpus s’avère donc fondamentale pour permettre d’établir ce que pourrait signifier le qualificatif « familier » utilisé dans toutes ces citations15. Étant donné que nous n’avons trouvé aucune donnée quantitative sur ce phénomène, nous avons mené une analyse des transcriptions de sept corpus du laboratoire Clapi du français oral spontané en situation de dialogue à deux ou quatre personnes dans des conversations entre amis, en famille, ou lors d’une réunion de travail entre collègues (Bruxelles et al. 2002; Gatti 2008;  Otsuka 2006;  Thévenon/Tommasini 2008; Traverso 1985–1986)16. Sur les 3h52’ d’enregistrements, on obtient 209 occurrences de tu + voyelle. La répartition est la suivante :

Variante

N

%

/ty/

26

12%

/t/

183

88%

total

209

100%

Tableau 4 : Résultats de l’analyse de corpus Clapi

Les corpus s’étendent de 1985 à 2008 et émanent de locuteurs de la classe moyenne, âgés de 22 ans à 65 ans. Il ne s’agit plus là d’une tendance à l’utilisation de /t/ devant voyelle, mais bel et bien de la configuration par défaut, où l’articulation /ty/ s’avère largement minoritaire (12%), puisque sept fois moins fréquente. En d’autres termes, on pourrait s’interroger sur la fréquence si basse de ce genre d’usage attesté du français parlé dans les enregistrements des manuels de FLE, où les proportions sont inversées, comme le montre la figure 3.

Figure 3 : Comparaison entre les données de notre corpus pour tu et celles de Clapi

Figure 4 : La répartition des variantes /ty/-/t/ dans notre corpus

La moitié des manuels n’utilisent jamais la variante /t/, et s’avèrent dès lors en porte-à-faux avec l’usage du français oral. Remarquons que les auteurs de Tempo 1 sensibilisent explicitement à l’existence de la variante /t+V/ dans un exercice de compréhension orale. L’apprenant est invité à réécouter le dialogue et cocher la case de ce qu’il a entendu en choisissant parmi les deux variantes, rapprochées pour l’occasion :

Figure 5 : Exemple de sensibilisation à la variante /t/ dans Tempo 1 (Bérard et al. 1996: 42/209)


3.3 La réduction de /il/ et /ɛl/ à /i/et /ɛ/

S’il semble logique de considérer que, par son sémantisme, tu représente le pronom par excellence de la situation dite « familière », tel n’est pas le cas pour il(s) et elle(s). Contrairement à la réduction de tu, la linguistique de corpus s’est davantage penchée sur ce phénomène. Commençons notre tour d’horizon des ouvrages de référence :

7) Il et ils sont couramment prononcés [i] devant consonne : il(s) démarre(nt), [idemaʁ]. La réduction de elle(s) comme forme conjointe à [ɛ] est familière : elle(s) démarre(nt) [ɛdemaʁ] (Arrivé et al. 1986: 499)

8) L’usage familier prononce […] il [i] devant initiale consonantique (I(l) vient), ils [iz] devant initiale vocalique ( I(l)s arrivent) […] et même de façon très relâchée, réduit […] elle sujet à [ɛ] ou [a] (Riegel et al. 1994: 200)

9) Devant une consonne, il et ils se prononcent [il] dans la langue soutenue, [i] dans la langue familière. Devant voyelle : au singulier, [il] ; au pluriel, [ilz] dans la langue soutenue, [iz] dans la langue familière. […] [a], prononciation pop[ulaire] dans diverses régions, pour elle, elles (Grevisse/Goosse 2008: 842)

Le nouveau Petit Robert (2010) précise : « Dans la prononciation familière : il dit [idi]; ils ont dit [izɔ̃di] » mais n’offre aucune remarque sur la prononciation de elle(s). Le Dictionnaire du français – destiné à un public de FLE – transcrit ces deux pronoms [il] et [ɛl] et n’évoque aucune variante. Manifestement le traitement de il(s) et elle(s) diverge selon les auteurs, qui semblent trouver plus acceptable la réduction du premier (« couramment », « langue familière », « usage familier ») que du second (« familière », « populaire », « très relâchée »). Ce que confirment les observations de Gadet (cf. également Morin 1988: 263–264) :

La chute du l du pronom il, fréquemment dénoncée comme changement (stigmatisé) en cours, remonte en fait à l’ancien français. Elle est, en français standard, réservée à la position préconsonantique […] De façon semble-t-il plus récente, le comportement de l dans le pronom elle est parallèle : [kɛskɛdi]

(Gadet 1989: 103–104)

Dans la première moitié du siècle dernier, Damourette/Pichon (1911–1940: 279 §2336) relevaient déjà que « Dans la prononciation courante, il arrive fréquemment que elle se réduise à [è], tant dans la parlure optimale que dans celle du menu peuple ». Quant à il(s), les deux auteurs précisaient (cf. également Blanche-Benveniste 2010: 23) :

Il importe de tenter de décrire avec bonne foi l’usage actuel que les auteurs n’ont pas toujours bien réussi à préciser. De nos jours, dans le français normal, c’est-à-dire dans la bourgeoisie cultivée de Paris, en parlant on prononce toujours ou à peu près toujours [i] devant consonne

(Damourette/Pichon 1911-1940: 277 §2335)17

Qu’en est-il des données statistiques proposées par les corpus oraux ? Parviendraient-elles à nous affranchir de ces libellés (« familier », « populaire », « normal », etc.) plus ou moins discutables (cf. note 13) ? Dans son étude publiée en 1975, sur 50 conversations (d’une longueur moyenne de 30 minutes) de locuteurs cultivés de la classe moyenne parisienne, Malécot (1975: 171–172) relève que trois il sur quatre se prononcent /i/ devant consonne et semi-consonne (76,8% ; 71,8%)18. L’auteur pressentant qu’un tel résultat constituerait « a surprise to many » avertit ses lecteurs : « We understand that this may be difficult for some purists to accept. Indeed most of us are convinced that we speak quite differently than we actually do » (1975: 171–172). Ashby (1984) établit quant à lui son corpus à partir de 26 locuteurs tourangeaux de classes sociales différentes et répartis en deux groupes générationnels de 14–21 et 51–64. Ses résultats confirment amplement ceux de Malécot :

/l/ ?

sans

%

avec

%

Total

il(s)

2714

81%

621

19%

3335

elle(s)

117

29%

291

71%

408

Tableau 5 : Il(s), elle(s) et leurs variantes /i/, / ɛ/ (Ashby 1984)19

Dans une étude récente, mais d’amplitude plus modeste, Brognaux/Avanzi (2015: 4) relèvent seulement 5,76% de /il/ en français conversationnel sur un total de 120 locuteurs issus de trois zones géographiques différentes (Belgique, France, Suisse).

Dans notre corpus, sur les 80 occurrences de elle(s) devant (semi-/)consonne, aucune réduction n’a été relevée. Le il(s) est en revanche réduit à /i/ dans trois manuels, soit à 14 reprises sur les 250 occurrences devant (semi-/)consonne : deux dans Archipel 1 (1982), six dans Tempo 1 (1996) et six dans Rond-Point 1 (2004). En voici trois exemples :

10) /ideȝœnalakãtin/ ‘il déjeune à la cantine’ (Archipel 1, Courtillon/Raillard 1982b: 37)

11) /isõfʁãsɛ/ […] /ipaʁlfʁãsɛ/ ‘Ils sont français ?’ ‘Ils parlent français ?’ (Tempo I, Bérard et al. 1996: 21/208)

12) /ivisœl/ ‘il vit seul’ (Rond-Point 1, Labascoule et al. 2004: 19/68)

Figure 6 : Réduction de /il/ à /i/ dans les clitiques il(s)

Si les variantes /il/ et /i/ coexistent, /i/ domine très largement dans tous les corpus oraux mentionnés, quelle que soit la date de l’étude. Les enregistrements des manuels de notre corpus donnent toutefois une représentation inversée de la répartition des deux variantes utilisées en français parlé.


4 Conclusion

En dépit des souhaits de Séguin (1989: 124) et de Chambers (2009: 16) évoqués dans l’introduction, comme le montre notre analyse, même les manuels les plus récents (Alter Ego+1 et Zénith 1 2012) offrent dès leurs premières leçons une vision de la langue orale divergeant considérablement des données des corpus oraux. Ainsi, même sur une langue comme l’anglais dont la description linguistique s’avère extrêmement vaste, Gilmore (2007: 98) constate que « the language presented to students in textbooks is a poor representation of the real thing ». Comment expliquer cette divergence ?

Une telle question renvoie à la problématique – ancienne – de l’intégration des documents authentiques dans les manuels de langue. Problématique d’autant plus difficile, qu’elle touche ici la dimension orale. Il semblerait que les résultats potentiellement utiles, issus des recherches en didactique ou de domaines connexes ne parviennent guère à se frayer un chemin jusqu’aux manuels ou aux pratiques de classe (cf. Gilmore 2007: 112), et restent la plupart du temps méconnus des concepteurs et des éditeurs. Comme le signale Gilmore (2007: 112), il est possible que les retournements importants (« wild pendulum swings ») des cinquante dernières années dans l’enseignement des langues aient engendré chez les enseignants (ainsi que les concepteurs et les éditeurs) une certaine réticence vis-à-vis de toute nouvelle vogue didactique (« yet another fashionable trend »), rendant dès lors délicate l’intégration des résultats de nouvelles recherches.

Cependant, on pourrait idéalement imaginer que les divergences mises au jour par notre étude entre les enregistrements des manuels et les corpus oraux résultent, de la part des concepteurs de manuels, d’une stratégie didactique délibérée, censée faciliter l’apprentissage. Un tel choix demanderait cependant à être argumenté et concrètement démontré21. Par exemple, le maintien du /ə/, dont le taux est trois fois supérieur à celui des corpus oraux (79% contre 28%) permettrait-il une meilleure compréhension, une meilleure appropriation, une meilleure mémorisation ? Serait-il plus facile de comprendre (a) /ȝəsɥ ifatige/ que (b) /ʃɥifatige/ en dépit du fait que (a) ne sera guère entendu en dehors des enregistrements des manuels ? S’agit-il vraiment là d’une stratégie didactique délibérée ? Probablement pas. En témoigneraient certains indices, trouvés par exemple dans Cadences 1, où les intentions des concepteurs se voient trahies par la diction des comédiens dans les enregistrements.

À titre d’illustration, examinons l’exercice suivant, où l’apprenant doit biffer les « lettres muettes ».

Figure 7 : Cadences 1 (Berger/Mérieux 1994a: 23)

L’écoute des enregistrements met en évidence des disparités flagrantes (en 3, 6, 8 et 10) entre l’intention des concepteursé22 apparaissant explicitement dans le corrigé du guide pédagogique à gauche dans la figure 8, et la manière dont elle a effectivement été réalisée par les comédiens (à droite).

Figure 8 : Cadences 1 (Berger/Mérieux 1994a: 23; Berger/Mérieux 1994b: 15)

En 3, /ʁəgaʁdeltablo/, en 8 /sɛlpɛʁdȝyli/ et en 10 /pʁɛdlagaʁ/ sont les énoncés souhaités par les concepteurs mais non-réalisés par les comédiens, bien que la prononciation des segments en gras ne pose aucune difficulté, et correspondrait au français parlé23.

Si, en l’absence d’information sur le processus d’élaboration des manuels, les indices discutés ici ne peuvent être extrapolés à tous les enregistrements, ils n’en révèlent pas moins qu’en dernier ressort, il se peut que la prestation orale des comédiens détermine la nature du résultat final. Ainsi la lecture des énoncés proposés par écrit aboutirait-elle au maintien de davantage de /ə/ que durant toute production orale spontanée. Une telle hypothèse se verrait confirmée par les analyses de Hansen (2000: tableau 1) montrant un taux de maintien en lecture de 67% (N=3687) contre 28% (N=4969) dans l’oral spontané (73% contre 36% dans l’étude de Fougeron et al. 2001: 640). De tels taux sont proches des 78% (N=1717) de notre corpus. En d’autres termes, il semblerait que le français des enregistrements corresponde davantage aux canons de l’’écrit oralisé’ qu’à ceux de l’oral spontané.

Il est également possible qu’un autre facteur interfère, susceptible de conduire – plus ou moins consciemment – les comédiens à soigner leur diction dans ce qu’ils savent pertinemment constituer une « langue adressée aux étrangers24 ». Dans son étude sur l’enseignement des langues par des natifs (le tchèque, l’allemand et l’anglais), Henzl (1979 : 164) observe ainsi :

A comparison of the samples brought evidence that speech directed to the foreign language learners was marked by phonemically more accurate standard pronunciation than speech to native speakers. […] teachers spoke slowly to the foreigners and increased the rate of their speech when they talked to listeners of equal linguistic competence; […]

The lower rate of the speech […] was further associated with distinct patterns of word segmentation and accentuation. […] the classroom talk was marked by a considerably higher frequency of unreduced vowels and consonantal clusters.

(Henzl 1979: 164)

Un tel comportement pourrait (inconsciemment) être adopté par les comédiens lors des enregistrements. Remarquons cependant, que si la langue adressée aux étrangers « entails reduced speaking rates with increased pausing, greater loudness, more marked stress, and clearer enunciation. […] these adjustments are not always helpful to L2 listeners, and popular beliefs about their effectiveness are sometimes mistaken » (Munro 2013: 2733). En définitive, que les phénomènes mis en évidence par notre étude résultent d’une volonté des concepteurs et des éditeurs des manuels ou de la lecture (trop) soignée des comédiens, le décalage avec le français oral spontané ne constituerait pas nécessairement une aide pour l’apprenant. Même en supposant que, dans l’instant de l’exercice d’écoute, de tels artifices s’avéraient effectivement facilitateurs – ce qu’il faudrait prouver –, que deviendra l’apprenant face à la langue telle qu’elle se parle (et telle que la linguistique de corpus la décrit) ? Par leur nature même, les enregistrements ne devraient-ils pas sensibiliser les apprenants à l’oral tel qu’il se pratique plutôt qu’aux canons de la lecture ?

De telles disparités entre les enregistrements et le français parlé – mises en évidence par notre étude – viendraient-elles à s’atténuer voire à disparaitre avec la naissance d’un nouveau paradigme, appelé de ses vœux par Gilmore (2007: 113), venu des avancées de l’apprentissage sur corpus (cf. Boulton/Tyne 2014) ? Probablement, mais l’usage pédagogique de corpus oraux semble complexe à mettre en place. En attendant, l’apprenant de FLE des premières leçons continuera vraisemblablement à être soumis à la diction « endimanchée »25 des comédiens…


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Notes

1 La première mention de page de la référence renvoie à celle où l’enregistrement est utilisé, et, le cas échéant, la seconde – après / – celle où est fournie la transcription orthographique. Étant donné l’objectif poursuivi dans cet article, le contenu des enregistrements, transcrit en phonétique entre barres obliques, est donné en premier. retour

2 En raison de la complexité du fonctionnement du schwa, nous nous limiterons ici aux explications de la littérature spécialisée (pour des explications issues d’ouvrages de référence, voir par exemple Arrivé et al. 1986: 518–519; Chevalier et al. 1964: 16–17; Riegel et al 1994: 49; Riegel et al. 2009: 87–88). retour

3 Ailleurs, Léon (2007: 25) transcrit lui-même pâte [pa:t], sans le moindre [ə]. retour

4 Un enfant francophone encore non-alphabétisé ne différencie pas pot [po] de pote [pɔt] sur la base d’une supposée absence ou présence du graphème ‘e’, ou d’un « E muet ». Diachroniquement, Morin (1978: 94) relève que : « word-final s[c]hwas were always reduced, and eventually disappeared completely in the 17th century ». Une telle prononciation subsiste en partie en français méridional (cf. Blanche-Benveniste 2010: 22). retour

5 Voir notamment le point de départ graphique proposé par Martinet (1974: 210). Il est clair que, comme le rappellent Durand et Eychenne (2004), pour la constitution d’un large corpus, le recours à la graphie est une étape indispensable. Toutefois l’outil de description ne doit pas être assimilé à l’objet décrit. retour

6 Correspondant à l’échelle : « occlusive sourde < occlusive sonore < fricative sourde < fricative sonore < nasale < liquide » (Bürki et al. 2011: 3983). retour

7 Le corpus des auteurs étant « 24 h of radio-broadcasted news produced by 574 speakers » (Bürki et al. 2011: 3982), une telle conclusion doit être prise avec précaution quant à sa transférabilité au français spontané. Ce que reconnaissent les auteurs : « Whereas journalistic speech is certainly more natural than speech elicited in the laboratory, it differs from conversational speech in many respects. It is more formal and contains parts of prepared speech, which are probably more similar to read speech than to conversational speech » (Bürki et al. 2011: 3988). retour

8 Voir les réflexions de Lyche sur la prononciation du « français de référence » dans Detey et al. (2010: 143). retour

9 Il est clair que parmi les phénomènes retenus ici, c’est le schwa qui s’avérait le plus délicat à traiter. Le corpus ayant été divisé en deux, chaque auteur a annoté sa partie et a fait appel à l’autre en cas d’incertitude. retour

10 Les données « monosyllabe, « syllabe initiale » et « syllabe médiane », ainsi que des « conversations spontanées » et des « entretiens » ont été fusionnées. retour

11 L’étude de Fougeron et al. (2001: 640) sur 10 locuteurs suisses (20–30 ans) établit à 36% le maintien de /ə/ (N=543). retour

12 Il s’agit pour Gadet de définir ici « le français ordinaire », qu’elle considère comme proche du « français familier ». retour

13 Comme le remarque Rouayrenc (2010: 284) le « fait de distinguer trois registres [courant, soutenu, familier] est certes commode, mais la distinction, d’une part, n’est fondée ni sur des critères précis, ni sur des enquêtes systématiques de la réalité souvent plus complexe de l’oral où les divers registres interfèrent » (cf. également Gadet 1989: 18–20). retour

14 Si l’on peut admettre que le tu s’utilise dans certains milieux entre deux inconnus dès la première rencontre, il s’agit là d’usages marginaux « entre élèves, dans certains corps professionnels, ou communautés religieuses, sportives, etc. » (Charaudeau 1992: 123–124). retour

15 En ce sens nous rejoignons la réflexion de Lodge :

language varieties, particularly spoken ones, are inherently variable – as a rule and not as an exception – and […] there are no pure varieties of contemporary French, merely quantitative differences in the distribution of key language variables. This means that labels like français populaire, français familier, français régional can be profoundly misleading, for they imply the existence of discrete sociolinguistic varieties rather than an observer’s arbitrary division of variable linguistic continua. (Lodge 1993: 232) retour

16 Les vidéos sont disponibles en ligne au lien indiqué en bibliographie. retour

17 Ailleurs les auteurs considèrent que « L’emploi de [il] devant consonne est un orthographisme ; dans la lecture, beaucoup de gens de toutes classes l’emploient, à tort d’ailleurs. » (Damourette/Pichon 1911–1934: 524 §1530) ; à ce propos voir Gadet (2007: 46–47). retour

18 Le nombre total d’occurrences n’est pas fourni. retour

19 Les données de Ashby (1984: 7) fusionnent toutes les réductions de il(s), elle(s), que ce soit devant consonne, semi-consonne, pause ou voyelle. Ashby (1984: 8) indique dans le tableau 3 le nombre d’occurrences selon les environnements (consonne, etc.) sans toutefois distinguer il(s) et elle(s), si bien qu’il n’est pas possible de connaitre le pourcentage exact de il(s) devant (semi-/)consonne. Des calculs au prorata l’évalueraient jusqu’à 90%. Des tendances analogues sont également mentionnées dans des études plus récentes (cf. Armstrong 2001: 70). retour

20 Le nombre total d’occurrences pour le français conversationnel n’est pas fourni. Les 494 occurrences mentionnées fusionnent sans en détailler la répartition le français lu (96,15% de /il/), et le français conversationnel (5,76% de /il/). retour

21 Or, comme nous l’avons déjà mentionné dans l’introduction, l’examen des avant-propos et des guides pédagogiques révèle au contraire l’usage récurrent du terme « authentique » dans tous les manuels de notre corpus, sans que cette « authenticité » soit effective dans l’oral présenté, manifestement toujours fabriqué (Giroud et Surcouf 2016). retour

22 Intention difficile à réaliser en certains points. La séquence /sts/ en 6 serait délicate à prononcer. En 4 et 8, la chute du /ə/ donnerait lieu à la séquence /tʁpʁ/ /vɔtʁpʁɔfesjõ/ et /nɔtʁpʁɔfɛsœʁ/, à priori difficile en français, et couramment prononcée /v\nɔtpʁɔf…/, sans /ʁ/ final à votre et notre (cf. Armstrong 2001: 67s). retour

23 Aucun des comédiens n’a d’accent méridional qui justifierait – du moins aux oreilles d’un natif – le maintien des /ə/ dans ces positions. retour

24 Nous traduisons ici l’expression « foreigner talk », définie par Ferguson (1975: 2). retour

25 Nous nous inspirons du terme de Blanche-Benveniste (1982). retour