Manazir Journal
doi.org/10.36950/manazir.2023.5.7

De la poudre aux yeux

Les stratégies artistiques de légitimation des souverains d’Iran (1722-1750)

Mélisande Bizoirre

Independant Scholar, Paris

ORCID: 0000-0003-1971-9034

How to cite

Bizoirre, Mélisande. 2023. “De La Poudre Aux Yeux: Les Stratégies Artistiques de Légitimation Des Souverains d’Iran (1722-1750).” Manazir Journal 5: 125–59. https://doi.org/10.36950/manazir.2023.5.7.

Abstract

When asked to provide his son Nasrallah's genealogy during his marriage to a Mughal princess, Nader Shah replied, “He is the son of the sword, the grandson of the sword, the great-grandson of the sword, and so on for seven generations.” Nader and his successors, emerging from humble backgrounds and ending the prestigious Safavid dynasty's rule in Iran, faced a daunting challenge in legitimizing their rule. Unlike the Safavids, they couldn't rely solely on lineage or religious authority. While military victories played a role in their rise to power, it doesn't explain the enduring changes in Iran during this period. Art, architecture, and material culture became potent instruments in their quest for legitimacy. Palaces, ceremonial displays, and the adoption of Safavid customs conveyed regal status. Simultaneously, the construction and restoration of religious monuments portrayed devotion and highlighted distinctions from Sunni restoration and Turkish influences. Through grand structures, inscriptions, opulence, and generous gifts, rulers like Ashraf, Mahmud, and Nader embedded their legitimacy in the physical landscape, aiming to leave a lasting imprint in people's minds and assert their rightful sovereignty on the world stage.

Keywords

Iranian Art, Iranian History, Nader Shah, Afsharid Period, Artistic Propaganda

This article was received on 11 July 2022 and published on 9 October 2023 as part of Manazir Journal vol. 5 (2023): “The Idea of the Just Ruler in Persianate Art and Material Culture” edited by Negar Habibi.

Introduction

En 2006, Ernst S. Tucker publiait un court ouvrage intitulé Nadir Shah’s Quest for Legitimacy in Post-Safavid Iran. Il y mettait en évidence que Nader Shah (r. 1736-1747) avait été l’un des premiers souverains à vouloir « définir une légitimité politique en Iran dans un contexte moderne ». Pour cela, il aurait « inventé une tradition », qui reposait sur deux aspects principaux : en premier lieu, la revendication d’une turcité qui lui permettait de prétendre à une domination impériale aussi bien sur l’Iran que sur l’Inde, l’Empire ottoman ou l’Asie centrale, ensuite la recherche d’une voie religieuse médiane en essayant de faire reconnaître par les sunnites, sans succès, le madhhab jaʿfari comme cinquième école juridique de l’islam. À cela s’ajoute l’exaltation d’une ressemblance entre son destin personnel et celui de grands conquérants, Timur et Gengis Khan en tête, comparaison destinée à diminuer l’opprobre que pouvaient lui attirer ses origines modestes (Tucker, Nadir Shah’s quest 9-14)1.

S’appuyant essentiellement sur les sources écrites – chroniques contemporaines et plus tardives, archives indiennes et ottomanes –, Tucker a toutefois en partie laissé de côté un aspect important des stratégies de légitimations de Nader Shah : l’art et l’architecture. Rien d’étonnant à cela, la période ayant été quasiment passée sous silence jusqu’ici par les historiens de l’art. « Les horreurs des invasions et leurs conséquences chaotiques n’étaient pas propices au mécénat artistique », considèrent ainsi Sheila Blair et Jonathan Bloom dans leur manuel The Art and Architecture of Islam 1250-1800 (Blair et Bloom 182), confirmant l’observation que faisait soixante-dix ans plus tôt Laurence Lockhart dans sa biographie de référence : « Les arts, à l’exception de ceux de la guerre, n’ont pas fleuri au temps de Nader ; c’était une période où l’épée était bien plus puissante que la plume. » (Nadir Shah 276)

Pourtant, un travail de recensement des œuvres datées ou facilement datables permet de mettre en évidence la poursuite d’une production artistique non-négligeable après la chute d’Ispahan en 1722 et jusqu’à l’arrivée des Zand en 1750 : manuscrits soigneusement calligraphiés et enluminés, œuvres peintes et laquées, huiles sur toile, textiles, architectures civiles, religieuses et militaires, armes ornées (Bizoirre 86-89, 95-102). Giovanni Curatola a même proposé d’y voir la naissance d’un nouveau style, le « baroque indo-persan » (44), tandis que Layla Diba a proposé de voir dans le XVIIIe siècle « le prélude d’une nouvelle ère de l’histoire de l’art persan » (159). Si la définition d’un style spécifique, qui repose essentiellement sur l’analyse d’un monument, reste discutable, il existe une réelle continuité dans les arts picturaux entre la fin de la période safavide et le début de la période qajare. Il est par ailleurs probable que des œuvres céramiques et métalliques aient également continué à être produites, bien que l’absence d’indices précis ne permette que rarement de les dater.

Alors même que la personnalité des souverains qui règnent sur l’Iran après la chute d’Ispahan n’a presque rien à voir avec celle des dynastes safavides du XVIIe siècle, l’activité artistique et architecturale est largement due à un mécénat royal ou princier. Elle est en effet essentielle pour afficher une légitimité à régner. L’étudier permet donc à la fois de compléter et de nuancer parfois les analyses d’Ernest Tucker. En effet, la stratégie de Nader n’est pas entièrement novatrice : elle se rapproche de celle déployée par les souverains afghans, Mahmud (r. 1722-1725) et surtout Ashraf (r. 1725-1729), qui souffrent du même déficit de légitimité que leur rival afsharide2. Par ailleurs, l’activité artistique met aussi en évidence d’autres stratégies de légitimation chez Nader, notamment le fait de se présenter en protecteur des populations.

Imposer visuellement sa stature royale : dans l’espace

Les principes de la propagande en Iran dans le second quart du XVIIIe siècle ne diffèrent pas fondamentalement de ceux de la publicité actuelle : il faut être vu, et porter une image positive, tout en faisant passer pour naturelle une position qui ne l’est pas nécessairement. C’est pourquoi une grande part de la commande architecturale prend place dans des lieux particulièrement visibles et symboliques, notamment dans les grandes villes : Ispahan, Qazvin et Mashhad notamment.

Ces commandes concernent tout particulièrement des palais, lieux du pouvoir par excellence. Ainsi, Ashraf, second souverain afghan fait-il réaliser à Ispahan un « nouveau jardin appelé Ashrafabad, qui dominait complètement ses pensées » (Floor, The Afghan Occupation 253). Rostam al-Hokama, auteur du début du XIXe siècle dont le texte s’appuie sur des récits familiaux, l’évoque comme un « talar-e chehel sotun » (hall aux quarante colonnes) édifié près du pont du Shahrestan, dans les environs du village de Khoraskan (Rostam al-Hokama 168-169, 196). Cette appellation laisse envisager un pavillon précédé d’un porche à colonnes situé dans un jardin, mais les topoi littéraires qu’il emploie ne permettent pas plus de précision. L’édifice aurait été, selon le même auteur et selon les archives de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (Vereenigde Oostindische Compagnie ou VOC), démantelé par Shah Tahmasp II à son retour sur le trône (Floor, Rise and Fall 16). Il aurait été retrouvé récemment par l’archéologue ʿAli Reza Jaʿfari Zand au lieu-dit Teppeh Ashraf, à environ sept cents mètres à l’est du pont, sur un ancien site sassanide.

Le même souci de visibilité préside sans doute à la réalisation, dans l’iwan3 de la madrasa mozaffaride de la mosquée du vendredi d’Ispahan, située à l’arrière de l’iwan oriental de la cour, d’une double inscription en arabe et en persan, où le nom de Ashraf accompagné du titre « sultan des sultans » est mis en exergue (fig. 1). Le souverain, dont la position est pourtant particulièrement précaire, s’inscrit ainsi à la fois dans un monument emblématique au cœur de la cité, dans une histoire pluricentenaire et dans la continuité des souverains safavides, imitant une inscription réalisée pour Shah Soltan Hossein dans la même mosquée.

Vers 1735, c’est une autre ville remarquable que choisit Nader pour ériger un palais au nom d’Abbas III, dont il est le régent : Qazvin. Ancienne capitale de Shah Tahmasp Ier, elle porte, comme Ispahan, le titre de dar al-saltaneh (littéralement « demeure de la monarchie »), marque du prestige régalien accordé à une ville. Ce choix peut avoir un aspect pratique : proche du Caucase et de la Caspienne, Qazvin est plus facilement accessible depuis les champs de bataille qu’Ispahan.

Figure 1: Grande mosquée d’Isfahan, iwan de la madrasa mozaffaride, détail de la double inscription commandée par Ashraf Shah, 1139/1726-27, Mehr ʿAli Mowlavi (calligraphe) et Yaʿqub Khan (potier). Photographie de Mélisande Bizoirre, 2016. 

Mais il permet aussi à Nader de s’inscrire dans une lignée historique tout en s’éloignant de la capitale utilisée par les dynastes safavides depuis plus d’un siècle. Les archives de la VOC nous apprennent d’ailleurs que la cour délaisse alors Ispahan (Floor, Rise and Fall 19).

Détruit au cours du XXe siècle, de même qu’une grande partie du complexe royal safavide de Tabriz, le palais nous est principalement connu grâce à une longue description du voyageur britannique Jonas Hanway (I 231). Elle permet de nous représenter un jardin séparé, enclos de murs, coupé en quatre parties, doté d’un bâtiment principal ouvert par un iwan. Un harem indépendant prend place dans l’un des quatre quarts du jardin et possède des pièces souterraines (serdab). L’ensemble est construit en briques, orné de verres colorés dans les fenêtres (orosi), de stucs ainsi que de miroirs. À deux reprises, Hanway parle de « goût indien » pour évoquer les peintures, probablement pour désigner des décors de fleurs et d’oiseaux (gol-o morgh), déjà utilisés au XVIIe siècle.

Comme tout palais, celui de Qazvin est un lieu d’affichage politique à la fois destiné à une propagande intérieure et extérieure. Rien d’étonnant qu’un voyageur comme Hanway s’y promène, pas plus que d’y voir un ambassadeur russe, comme le signalent les archives hollandaises : « L’ambassadeur russe, qui était fort respecté par Nader, était attendu à Qazvin, où le palais royal avait été embelli. » (Floor, Rise and Fall 52). Néanmoins, ces mêmes archives indiquent également que le palais est finalement très peu utilisé : « Nader avait fait payer aux habitants de Qazvin le coût d’un nouveau palais, au total cinq mille tumans, en sus de leurs taxes normales. Nader avait dit que le bâtiment était trop beau pour lui et qu’il préférait vivre dans une tente. En ce qui le concernait, les Qazvinis pouvaient bien en faire ce qu’ils voulaient. » (Floor, Rise and Fall 60).

Pour celui qui prendra, quelques mois plus tard, le pouvoir à titre personnel, le prestige régalien attaché à Qazvin ne contrebalance sans doute pas suffisamment son lien avec la dynastie safavide. Au contraire, le Khorasan, sa région natale, est moins marqué par une histoire politique. Nader y exerce un pouvoir sans partage dès 1729, puisque Tahmasp II lui confère dès la reprise d’Ispahan la souveraineté sur les provinces de Mashhad, de Kerman et du Mazanderan (Lockhart, The Fall 335-336)4. La ville sainte de Mashhad, prestigieux centre de pèlerinage, est donc au centre de ses attentions. Vers 1732, année où il évince Tahmasp II pour prendre la régence de ʿAbbas III, il y fait édifier un premier pavillon de plaisance, mentionné dans les sources sous le nom de Hasht Behesht (littéralement « huit paradis »), situé dans le Chahar Bagh (littéralement « quatre jardins ») (Mervi, vol. 1, 202-203).

Mais il porte surtout l’essentiel de ses efforts sur le mausolée : en 1729, il fait ainsi dorer l’un des deux minarets de la cour principale, dit minaret de Tahmasp ; en 1732-1733, il commande la dorure de l’iwan de la cour, connu depuis lors sous le nom d’iwan naderi, et doté d’une longue inscription à sa gloire (fig. 2) ; enfin, en 1733-1734, il fait édifier un second minaret à l’image du premier. Il est également le commanditaire d’une fontaine et de la dorure du dôme, ainsi que de mobilier, notamment une porte plaquée d’argent. Chacune de ses interventions est soulignée par une inscription dédicatoire datée (Zarrabi 43-44), et dûment mentionnée par ses différents chroniqueurs (Mervi, vol. 1, 201-204 ; Astarabadi, Tarikh-e Jahangosha 62 ; Hazin 252).

Pourquoi tant d’interventions au mausolée de Mashhad – auxquelles il faut ajouter plusieurs dons de textiles, de livres et de mobilier ? Certainement pas par dévotion personnelle. Nader fait preuve, tout au long de sa vie, d’un complet opportunisme en matière religieuse, et n’hésite pas dans le même temps à dépouiller les tombeaux de leurs waqfs (Sefatgol ; Tucker, Nadir Shah’s Quest 39). Là encore, son désir est avant tout de se poser en souverain, alors même que son statut reste ambigu. Ainsi, dans l’inscription de l’iwan doré, il est désigné comme vali malek-e khorasan (« seigneur du Khorasan​ »), mais il se donne aussi le titre de tajbakhsh (« le porteur de couronne ») et se compare à l’empereur moghol, à l’empereur « romain »5 et au khaqan6. Mohammad Kazem Mervi souligne par ailleurs le lien qu’il tisse ainsi avec d’illustres timurides : ʿAli Shir Nava‘i, commanditaire originel de l’iwan, et Shah Rokh, fils de Timur, auquel il attribue le minaret de Tahmasp. Aucune mention, par contre, des deux souverains safavides qui ont commandité le minaret et la dorure du dôme, à savoir Shah Tahmasp Ier et Shah ʿAbbas7, bien que la source soit marquée par une idéologie pro-safavide.

Figure 2: Iwan doré du mausolée de l’imam Reza à Mashhad, inscription, 1145/1732-33 et 1146/1733-34 Mohammad ʿAli ibn Soleiman al-Razavi (calligraphe), Mohammad Taher ibn ostad Masih Shirazi (orfèvre). Photographie de Mélisande Bizoirre, 2016. 

L’usage même des métaux précieux, et notamment de l’or, est symptomatique. Dans l’inscription, il est mentionné comme une marque de « générosité », mais il permet surtout une visibilité maximale. Tout pèlerin arrivant à Mashhad aperçoit, de loin, le rayonnement du dôme et des minarets, et tout visiteur du tombeau ne peut être qu’impressionné par le luxe de l’iwan. On retrouve par ailleurs cette pratique de la dorure dans deux autres interventions commanditées dans deux mausolées chiites d’Irak en 1743-1744 : celui de Hossein à Karbala (Astarabadi, Tarikh-e Jahangosha 395 ; ʿAbd al-Karim 110) et celui de ʿAli à Najaf (Mervi, vol. 3, 924-926 ; Astarabadi, Tarikh-e Jahangosha 394-395 ; ʿAbd al-Karim 110 ; Bahreman 65, 74). L’intérêt de Nader pour ces monuments situés en territoire ottoman est là encore purement politique : il s’y trouve en campagne, et entame à cette date des négociations de paix avec Ahmad Pacha, maître de Bagdad. Au même moment, il convoque le concile de Najaf, rassemblement de religieux censé donner sa bénédiction à l’établissement d’une cinquième école juridique, le madhhab jaʿfari, qui permettrait aux Iraniens d’être considérés comme musulmans à plein titre par les sunnites. Il s’agit donc avant tout d’une démonstration de pouvoir dans un moment diplomatiquement sensible. Elle est toutefois en partie atténuée par le fait qu’une partie au moins des fonds est fournie non pas par Nader lui-même, mais par ses épouses, mères des princes les plus âgés : Razieh Soltan Begom à Karbala et Gowhar Shad Begom à Najaf (Astarabadi, Tarikh-e Jahangosha 395).

S’imposer à la vue

Le caractère clinquant de la commande architecturale sous Nader se retrouve dans le lieu qu’il habite au quotidien : le camp (ordu). Alors que les palais demeurent la plupart du temps des coquilles vides, dont la fonction semble purement monstrative, le camp est l’endroit où le souverain passe le plus clair de son temps. Son organisation n’est pas spécifique à la période nadérienne : elle est largement partagée par les gouvernants de culture turque qui dominent l’est de l’Asie, de la Chine à l’Iran, depuis les Seldjoukides au moins (Bosworth et Morgan ; O’Kane ; Andrews), et est conçue pour exalter la royauté, notamment grâce à la vaste tente d’audience rouge qui en marque le centre. Plusieurs sources fournissent des descriptions de ce camp sous Nader, complétées par des représentations (Abraham de Crète 70 ; Astrarabadi, Tarikh-e Jahangosha 267 ; Hanway I 245-246 ; Lettres édifiantes et curieuses II, ap. p. 514)8 : elles nous permettent de nous figurer un espace hiérarchisé, mais constamment changeant, en taille comme en matériaux, au gré des événements, des saisons et de la durée des stations.

Deux occasions cependant se détachent dans l’histoire du camp de Nader : le couronnement dans la plaine de Moghan dans les premiers mois de 1736 et le retour d’Inde en 1739-41. Dans ces moments, l’ordu est d’une taille particulièrement imposante, et la stature royale est soulignée par la commande de deux tentes d’apparat. La première, celle du couronnement, dite naderi, est documentée par plusieurs auteurs et une image, qui ne correspondent pas tout à fait. On note néanmoins des éléments de concordance : il s’agit d’une grande tente barlongue, supportée par plusieurs rangées de colonnes surmontées de globes dorés ou argentés ; son aspect extérieur simple, en soie rouge, contraste avec le décor interne de tentures, tapis et séparations.

La seconde, réalisée au retour d’Inde, est conçue comme un écrin au trône du paon. Très nettement, il s’agit de créer un marqueur d’opulence, dont la richesse est visible aussi bien dans les tissus utilisés, dans l’incrustation de nombreux joyaux et dans la décoration par des images figurées, peut-être sur le thème de la cour du roi Salomon. Là encore, les sources ne concordent que très partiellement, s’accordant essentiellement sur le lieu de fabrication (Hérat), la préciosité et les dimensions gigantesques de l’ouvrage. D’après ʿAbd al-Karim, Nader aurait fait détruire une première version doublée de satin vert « parce que les joyaux n’apparaissaient pas à leur avantage », pour favoriser une tente rouge sur un modèle indianisant (26-28), mais aucun autre auteur n’en fait mention (Astarabadi, Tarikh-e Jahangosha 347 ; Mervi, vol. 2, 777 ; Vatatzès 275-276 ; Rostam al-Hokama 216). La tente est tellement lourde qu’elle ne peut pas quitter Hérat, où elle a servi lors des festivités du nouvel an jusqu’à son démantèlement dans les années de chaos qui ont suivi la mort de Nader Shah.

Créées pour mettre en valeur le pouvoir royal, ces deux tentes s’inscrivent plus largement dans une culture matérielle qui fait la part belle aux pierres précieuses et à l’orfèvrerie. On ne reviendra pas sur le destin bien connu de certaines pierres remarquables ramenées d’Inde9, mais plus généralement, Nader s’affiche au milieu du scintillement perpétuel de ses « harnais de chevaux, fourreaux d’épée, carquois, boucliers, étui à lance et masses d’armes [ainsi que de] sandali, ou chaises de différentes tailles » (ʿAbd al-Karim 26). Jonas Hanway mentionne qu’il dispose de quatre jeux de harnachements faits de quatre types de pierres différentes : rubis, émeraudes, diamants et perles (I 254-255). Cette description fait écho à un portrait équestre conservé au Museum of Fine Arts de Boston (fig. 3) : le cheval y porte une bride, une martingale et une croupière ornées de rubis, que mettent en valeur des rangées de perles. Les mêmes pierres, accompagnées d’émeraudes, se retrouvent à l’arrière du tapis de selle, sur les étriers et sur un petit tambour que Nader porte à l’avant de sa selle, probablement destiné à transmettre des ordres. La selle, quant à elle, est dotée d’un pommeau orné d’émeraudes et de diamants, tandis que derrière la jambe apparaît un brocart à décor floral. Les autres représentations de Nader à cheval, présentes dans une copie illustrée du Tarikh-e Jahangosha datée de 1757, mettent en scène des harnachements semblables, dont les pierres varient (Borumand 96, 104, 109, 147, 253, 299, 322, 357).

D’autres portraits représentent Nader en pied, à genoux ou en buste. Eux aussi font la part belle à la joaillerie : ornements de tête (aigrette et rangées de perles autour du kolah-e naderi10), de cou (colliers de perles), de bras (bazuband), de taille (kamarband), armes et objets y sont systématiquement incrustés de pierres précieuses11 (fig. 4).

Cette démonstration de luxe n’est d’ailleurs pas réservée à la personne du souverain, mais à la cour tout entière. Hanway indique ainsi que « Nader, selon la coutume des rois persans, avait pour politique d’obliger certains, et d’encourager tous les membres de son armée à utiliser des équipements coûteux » et évoque des harnachements, des haches d’arçon, des poignées et fourreaux de poignards plaqués d’argent ou d’or, ainsi que des étriers d’argent (I 254). Il faut encore ajouter à cela les textiles à fils d’or et d’argent distribués lors d’occasions spécifiques en tant que robes d’honneur (khalʿat), mentionnés en général par centaines, voire par milliers lors des fêtes du nouvel an persan (nowruz) ou de la célébration de victoires. C’est donc tout l’entourage royal qui est encouragé à s’accoutrer de luxe, et à exhiber de manière permanente sa richesse.

Cet usage immodéré de matériaux précieux et brillants était déjà présent chez les Afghans, qui se livrent à de nombreux pillages et exactions afin d’obtenir des tissus ou des vaisselles d’or – bien que certaines commandes ne puissent être satisfaites du fait de la disparition des tisserands, tués ou enfuis lors du siège ou peu après. Le modèle à imiter, voire à dépasser, est celui des grandes cours impériales du temps, safavide, moghole, ottomane, voire russe, avec lesquelles sont échangées régulièrement des ambassades, et qu’il s’agit d’éblouir pour mieux les contrôler. Ce faste curial doit donc être conçu avant tout comme un écran qui permet de revendiquer une stature royale tout en masquant la fragilité du pouvoir.

Figure 3: Portrait équestre de Nader Shah devant une scène de bataille, peinture et or sur papier, 22,9 x 16,9 cm, Boston, Museum of Fine Arts, 14.646. Photograph © 2023, Museum of Fine Arts, Boston.
Figure 4: Portrait de Nader Shah, Huile sur toile, 1,97 x 1,17 m, Londres, Victoria and Albert Museum, IM.20-1919 © Victoria and Albert Museum, London.

Valoriser sa personne et sa lignée : un ancrage territorial lié à un parcours personnel

Si la visibilité est essentielle dans la politique de propagande des souverains du second quart du XVIIIe siècle, elle n’est pas leur unique guide. Toutes les commandes architecturales ne sont pas situées dans des lieux de passage ou de prestige, notamment dans le cas de Nader. Certaines sont plus spécifiquement liées à son parcours personnel. C’est le cas, par exemple, de deux monuments commémoratifs mentionnés dans les sources, qui n’ont pas d’équivalent connu en Iran : le monument de la bataille d’Eghvard et le Mowlud Khaneh (littéralement « Maison (ou pavillon) de la naissance »).

Le premier a été érigé à la suite d’une bataille décisive dans le Caucase, le 19 juin 1735, par des Arméniens. Il est mentionné dans une seule source, la chronique d’Abraham de Crète, qui en a supervisé en partie la réalisation. Ainsi décrit-il le bâtiment :

Je m’empressai ensuite d’exécuter le pavillon commandé par le khan [Nader] sur l’emplacement de sa tente, et dont il m’avait chargé avec le mélik Mertoum […]. L’édifice terminé ressemblait à une tente, avec coupole ; en-dessous il y avait une excavation où les eaux se réunissaient, quand il pleuvait en haut de la colline ; celles-ci y étaient amenées par un conduit et s’y rassemblaient, comme dans une glacière, dominée par l’édifice. L’excavation était-elle remplie, le surplus s’écoulait par une sorte de canal et s’épanchait dans la vallée. (Brosset II 276).12

Le second commémore, comme son nom l’indique, la naissance de Nader, et se situe au lieu de cette naissance. On le trouve dans plusieurs sources, mentionné sous le nom de Mowludgah ou Mowlud khaneh mais selon les auteurs, l’histoire diffère légèrement. ʿAbd-al-Karim confond le monument avec la ville de Khivabad, construite par Nader au retour de la campagne du Turkestan, en 1741 (ʿAbd al-Karim 71-72). Au contraire, les deux biographes du souverain ne font pas le rapprochement, mais ne donnent pas les mêmes indications de localisation. Mirza Mahdi évoque un « magnifique bâtiment » (ʿemarat-e ʿalieh) à « Dastjerd, dans la vallée de Joz », tandis que Mohammad Kazem Mervi parle d’« une coupole (gonbad) et une salle d’audience (bargah) immenses » dans le bourg de Chavoshi (Astarabadi, Tarikh-e Jahangosha 27 ; Mervi, vol. 2, 824). Il n’a pas été possible de retrouver ce monument, qu’il faut sans doute situer dans la région de Dargaz.

Dans ces deux exemples, au contraire de ceux précédemment évoqués, ce n’est pas le lieu qui appelle le monument, mais le monument qui crée le lieu. Nader marque symboliquement l’espace soit juste avant de prendre le pouvoir, soit au moment de son triomphe, au retour de l’Inde et du Khwarezm, créant son territoire en y imprimant son destin.

Le principal endroit où Nader impose sa marque est une forteresse naturelle du Khorasan qui a gardé la trace du conquérant dans son onomastique même : Kalat-e Naderi (Tucker, « Nader Shah’s Idea of Iran » 43-47). Certes, la localité était connue et habitée bien avant le XVIIIe siècle, puisqu’elle est considérée comme le lieu où s’est déroulé un épisode du Shah Nameh (Livre des Rois), la défaite de Farud, demi-frère de Kay Khosrow. Elle a connu la construction de fortifications à l’époque ilkhanide, dont témoignent encore plusieurs tours construites sous Arghun Shah (De Planhol). Toutefois, pour Nader, l’endroit est surtout associé à Timur (Tucker, « Seeking » 334-336) ; il a d’ailleurs essayé de déplacer la pierre tombale en jade de celui-ci de Samarkand à Kalat, une opération qui a sérieusement endommagé l’œuvre, avant que l’idée ne soit abandonnée.

Cependant, même si pour Nader, cette symbolique est sans doute importante, le site reste relativement mineur dans l’histoire iranienne, en comparaison des villes citées précédemment. Son élection par le souverain afshar comme lieu majeur de ses entreprises architecturales s’explique donc également par d’autres critères. Le site est particulièrement facile à défendre, enfermé entre de hautes montagnes – au XIXe siècle, plusieurs Britanniques le visitent d’ailleurs avec l’espoir d’en faire un fort. Mais il est surtout familier à Nader, depuis son enfance, au point que dès 1726, il proposait déjà d’y enfermer son ennemi Fath ʿAli Khan Qajar. C’est donc pour lui un lieu important à de nombreux titres, mais qui demeure suffisamment mineur dans l’histoire pour pouvoir porter sa marque personnelle et devenir sa ville.

Ainsi, Nader investit-il largement le site, comme en témoignent à la fois les sources et des restes archéologiques et architecturaux. Malheureusement, les auteurs, notamment Mirza Mahdi, se contentent souvent de listes peu précises, qui semblent devoir davantage à la littérature qu’à la réalité. Mohammad Kazem Mervi développe ainsi longuement une histoire autour d’un trésor, conçu pour abriter le butin d’Inde (Mervi, vol. 2, 824-825). Mais le voyageur grec Basile Vatatzès offre un résumé plus intéressant :

Ce Kalat donc […], une fois qu’il fut édifié par le shah Nader, offrit aux regards un spectacle grandiose et d’une grande magnificence, source, dirais-je, d’une admiration et contemplation qui ne sont pas des moindres. Cela réclamerait un grand et long discours si l’on voulait décrire en détail les bâtiments qu’y fit édifier le shah Nader. En effet il fit édifier des temples très vastes et des palais magnifiques et immenses, tels que jamais auparavant peut être la royauté des Perses n’avait eu le bonheur d’en avoir. […] En outre le shah Nader fit construire, en ce même Kalat, son propre tombeau d’une architecture extraordinaire et d’une magnificence dépassant presque toute autre. […] En plus de tout cela et en plus des édifices de toute sorte et de toute magnificence qu’il avait fait ériger à l’intérieur de cette forteresse naturelle de Kalat, le shah Nader, pour en renforcer la sécurité (puisque elle avait été désignée par le shah Nader lui-même comme le siège royal de la royauté perse), fit construire dans les deux failles susdites permettant l’entrée à Kalat douze portes de fer, je veux dire à la fois en fer et aux serrures impossibles à forcer, séparées l’une de l’autre par une petite distance, d’une solidité absolue, en fer massif, impossibles à ébranler. Mais toutes ces constructions susdites opérées en dernier à Kalat par le shah Nader, furent menées à bien en à peine cinq ans, et pourtant totalement achevées, comme cela a été expliqué plus haut. (271-272)13

S’il faut faire la part des exagérations, imprécisions et libertés propres à l’auteur, ce texte offre en quelques lignes, le panorama le plus exact des bâtiments entrepris par Nader : des édifices résidentiels, commerciaux et palatiaux en matériaux périssables, mais aussi en moellons, comme en témoignent les restes présents à Khesht, au nord de la ville même de Kalat14 ; un tombeau au cœur de la ville, connu de nos jours sous le nom de Kakh-e Khorshid ; des fortifications, et peut-être une mosquée, ou du moins une restauration de la mosquée Gonbad-e Kabud, dont les origines semblent ilkhanides et qui a été reprise ensuite sous Fath ʿAli Shah. Le littérateur oublie cependant un certain nombre d’éléments : des installations hydrauliques (Mervi, vol. 2, 824 ; Astarabadi, Tarikh-e Jahangosha 376 ; ʿAbd al-Karim 70-71) et surtout la Katibeh naderi (« inscription de Nader​ »), qui n’est mentionnée dans aucune source (fig. 5).

Cette monumentale inscription rupestre, située à l’entrée ouest de Kalat, a été reconnue dès 1905 par Percy Sykes comme rédigée pour Nader (574), mais n’a été traduite qu’en 1977 par Tourkhan Gandjeï (Gandjeï). Rédigée en turc, elle fait, sur un mode poétique, l’apologie de Nader en juste roi, reprenant un certain nombre de qualités dévolues aux souverains dans la lignée des modèles véhiculés par la culture de cour, notamment par les Miroirs des princes.

Figure 5: Katibeh Naderi, Kalat-e Naderi, vers 1160/1747. Photographie de Mélisande Bizoirre, 2016. 

Nader y est décrit comme la manifestation d’un choix divin, qui dispose d’une belle apparence et de qualités morales, notamment la générosité et la sagesse.

Si la turcité est sensible dans la langue employée, le modèle de l’inscription rupestre monumentale ne doit pas, lui, être cherché du côté de Timur ou de Gengis : Nader puise dans une tradition qui remonte à l’Antiquité iranienne, et qui a déjà été remise à l’honneur sous les Safavides. Ainsi, sur le site de Bisotun, se trouve une inscription monumentale énonçant un waqf du vizir safavide Shaikh ʿAli Khan Zanganeh, évidemment inspiré par les décors antiques du site ; de même, on trouve de nombreuses inscriptions safavides, notamment funéraires, sur le site de Haftad Qalʿeh, près d’Arak. Néanmoins la Katibeh-ye Naderi reste exceptionnelle tant par ses dimensions que par son contenu et la qualité de sa réalisation, bien qu’elle soit demeurée inachevée.

Des mausolées pour construire une lignée

Bien qu’une grande partie de son œuvre de propagande soit conçue autour de son destin personnel, Nader ne se pense pas comme un souverain isolé, unique. Comme tous ses pairs, il se situe lui-même au cœur d’une lignée et d’une dynastie, qu’il contribue à fonder. Sur ce point encore, il ne diffère pas fondamentalement des souverains afghans qui le précèdent. Ces considérations se manifestent tout particulièrement dans l’architecture funéraire. Ainsi, si plusieurs mausolées de saints font l’objet de restaurations, ceux qui sont édifiés ex nihilo ont tous un rôle politique et sont, pour la plupart, destinés à mettre en évidence une légitimité dynastique.

 

Deux de ces tombeaux sont édifiés à la période afghane : celui de Nasrallah, général de Mahmud, et celui de Mahmud lui-même. Le premier semble avoir été honoré d’une construction près du cimetière arménien en raison de son aura guerrière, et non pour des raisons familiales, si l’on en croit le père Krusiński, qui le présente en outre comme un zoroastrien (II 249-250). Celui de Mahmud, quant à lui, est édifié à la suite de sa mort dans des conditions douteuses par Ashraf sur la rive sud du fleuve Zayandeh Rud, près du pont Khwaju dans un jardin clos, peut-être à Saʿadatabad. S’il n’est pas certain qu’Ashraf soit directement à l’origine du décès de son prédécesseur, les deux cousins nourrissaient sans aucun doute de profonds griefs l’un envers l’autre, Mahmud ayant notamment ordonné l’enfermement d’Ashraf et Ashraf ayant comploté contre Mahmud pour l’évincer du pouvoir. La raison de l’édification de ce tombeau est donc purement politique, et vise à affirmer la continuité d’un pouvoir encore très fragile, ainsi que le note d’ailleurs Jonas Hanway :

Mahmud, lorsqu’il fut près de sa mort naturelle, fut enlevé par violence, ainsi qu’il a déjà été raconté ; pourtant, comme il était le fondateur de la domination des Afghans en Perse, ils érigèrent, au prix d’une dépense considérable, un magnifique mausolée à sa mémoire (IV 34).

De ces deux tombeaux, il ne reste aujourd’hui que des traces dans les sources écrites. Celui de Mahmud aurait été détruit par la foule dès le retour des Safavides dans la capitale, en 1729, et les archives françaises indiquent qu’on aurait édifié à son emplacement des latrines publiques, détail repris par la suite par plusieurs auteurs. Le mausolée de Nasrallah doit sans doute être identifié à celui du « sorcier Dara Shah »15 que mentionnent les archives de la VOC, et sur lequel Tahmasp tirait quatre à cinq fois par jour (Floor, Rise and Fall 16).

Nader, pour sa part, est à l’origine de la construction de trois mausolées. L’un, attesté par une lettre du père Bazin, médecin de Nader dans les dernières années de sa vie, est destiné à sa mère (Lettres édifiantes et curieuses III 56). Un petit édicule édifié près de la ville de Lar, dans le Fars, est connu traditionnellement comme le « mausolée de la mère de Nader », mais l’identification semble peu probable car le lieu est très éloigné de l’endroit où se trouvait alors Nader. L’édifice, simple tombe carrée sous coupole, de huit par neuf mètres de côté, sans inscriptions, ne trouve par ailleurs pas de correspondance avec les autres réalisations architecturales de Nader. L’emplacement de la tombe de la mère de Nader reste donc à définir.

Deux autres mausolées construits sur ordre de Nader sont quant à eux connus de visu : l’un est le Kakh-e khorshid édifié à Kalat-e Naderi (Curatola ; Ghassemi ; Babaie). Sa fonction funéraire, bien que remise en cause par Giovanni Curatola, ne fait guère de doute. Elle est avérée par trois éléments : l’usage d’inscriptions coraniques faisant référence au Jugement dernier (sourate 78 al-nabaʼ, « L’Annonce » ; sourate 37 al-Saffat, « Ceux qui sont placés en rangs », 180-182) ; la mention, par Basile Vatatzès et Mohammad Kazem Mervi de l’édifice comme un tombeau (maqbareh) et enfin la proximité de l’architecture avec les mausolées timurides et indiens, tant dans la forme que dans le décor, ainsi que l’usage d’une coupole côtelée qui rappelle la tour funéraire de Radkan, où Nader est passé.

Le second serait plus ancien : Mohammad Kazem Mervi mentionne sa construction avec les autres travaux de Mashhad en 1732-1733 (I 204). Elle est attestée à la fois par les sources (Hazin 252-253 ; ʿAbd al-Karim 75-76) et par une image prise par Antonio Gianuzzi au milieu du XIXe siècle, soit après sa destruction par les premiers shahs  qajars, mais bien avant son remplacement par l’actuel musée Naderi (fig. 6). On y voit dans une cour ou donnant sur une ruelle, une façade composée d’un iwan principal entouré de quatre arcs latéraux. En 1825, James Fraser, qui visite la ville, indique que la tombe avait été conçue pour les restes de Nader et de son fils, Reza Qoli Mirza, une information qui n’est pas attestée auparavant, et qui pourrait relever de la légende, de même que l’idée que Mohammad Reza Qajar ait pu y déterrer les ossements de Nader, a priori laissés au lieu de son assassinat (Narrative 462).

La construction de deux tombes n’a pas de sens d’un point de vue purement funéraire dans une culture où le corps garde son intégrité après la mort. Leur rôle est donc là encore d’inscrire dans le paysage urbain l’existence de Nader et de sa lignée.

Figure 6: Photo de la tombe de Nader Shah à Mashhad, Antonio Gianuzzi, milieu du XIXe siècle, épreuve sur papier albuminé, New York, Metropolitan Museum of Art, 1977.683.35. Image courtesy of the Metropolitan Museum of Art, Public Domain. 

Portraits familiaux

L’idée de lignée se retrouve dans l’art du livre, notamment dans deux ou trois portraits mettant en scène Shah Rokh et son grand-père Nader Shah, que Marcus Fraser attribue à Mohammad Reza Hendi (« Muhammad Riza-i Hindi » 189-193). La plus célèbre se situe dans l’Album de Saint-Pétersbourg, où les deux portraits sont disposés sur une même page, chacun dans une fenêtre, et se répondent (fig. 7). Cette disposition est présente à cinq autres reprises dans l’album sur des pages indiennes, qui mettent en rapport un souverain moghol avec son fils ou son petit-fils16.

Figure 7: Page de l’album de Saint-Pétersbourg avec portraits de Nader Shah et Shah Rokh, Mohammad Reza Hendi, Peinture et or sur papier, 47,4 x 30,8 cm, Chicago Art Institute, 1919.952. Image courtesy of the Chicago Art Institute, Public Domain.

L’album Dorn 489 de la Bibliothèque nationale de Russie recèle également un portrait de Shah Rokh daté 1752-53 qui pourrait avoir été conçu comme un pendant à un portrait de Nader Shah conservé à la bibliothèque du Golestan, dans l’album 1367 (Atabay III, ap. 280). Enfin, une page passée en vente à Sotheby’s en 198017 présente deux hommes agenouillés et en interaction, portant toutes deux le kolah-e naderi, un couvre-chef à quatre pointes inventé par Nader et qui s’impose à la période afsharide. L’homme à gauche, jeune, semble en conversation avec l’autre, plus âgé, barbu, installé sur un tapis et contre un coussin, tenant un document à la main. Identifié au moment de sa vente comme un « portrait inachevé de Nader Shah et de son fils », ce portrait double, dont on ne connaît qu’une reproduction de qualité médiocre, est considéré par Marcus Fraser comme une œuvre de Mohammad Reza Hendi représentant le souverain afsharide et probablement son petit-fils (193). Si l’attribution au peintre indien semble pertinente, l’identification reste cependant sujette à caution, le personnage âgé ne portant aucun symbole de royauté : ni aigrette, ni ornements de bras, ni armes à la ceinture. Il est possible qu’il s’agisse d’un dignitaire de la période, tout comme le secrétaire et historiographe Mirza Mahdi Khan Astarabadi est représenté dans une autre page (Karimzadeh-Tabrizi II 1008, fig. 94)18.

L’image de Nader est en effet fixée par plusieurs portraits (O’Brien). Beaucoup sont postérieurs, réalisés en Inde ou en Iran, ce qui rend l’attribution souvent complexe. Un seul, conservé à l’Hermitage (VP-552), est daté 1743-1744 et signé d’un certain Bahram naqqash bashi (Adamova cat. 72). Deux à l’huile sur toile – technique qui ne semble alors maîtrisée qu’en Iran – ont été acquis en Inde et sont conservés en Angleterre : l’un à la British Library (Foster 44) a été acheté au Bengale entre 1760 et 1767 et rappelle fortement les portraits de Mohammad Reza Hendi dans sa composition ; l’autre, au Victoria and Albert Museum (IM.20-1919) (fig. 8), a pu être attribué au même artiste par Layla Diba (Diba et Ekhtiar 138-139, fig. 19 ; O’Brien 61-66), mais son attribution est remise en cause par Marcus Fraser, qui y voit plutôt une œuvre de la fin du XVIIIe siècle (203-204).

Outre les pages déjà mentionnées dans l’Album de Saint-Pétersbourg et l’album 1367 de la bibliothèque du Golestan, on connaît également un portrait équestre conservé au Chicago Museum of Fine Arts (14.646, fig. 3) et peut-être un portrait à la chasse19. Dans toutes ces représentations, Nader présente une image quelque peu figée, de trois quarts, les yeux tournés vers le spectateur, un poing sur la hanche, une arme ou un bijou à la main (sauf lorsque le cadrage ne le permet pas), avec une parure de joyaux particulièrement soignée, comme nous l’avons déjà évoquée supra. Ce modèle est en partie repris par son successeur, ʿAdel Shah, dans deux portraits restés inachevés (Soudavar 382, no 154 ; Atabay III 321-327).

Figure 8: Portrait de Nader Shah, le roi de la Perse, (1732–1747). v.1740. Huile sur toile, Foster 44.
127 x 99 cm, British Library, Londres. Courtesy of the British Library Board.

 Les portraits princiers de l’époque afsharide mettent également en valeur la notion de lignée et de famille par les femmes, à travers des portraits de couples, sur une même page ou en regard20. Les protagonistes, qui tiennent ou s’échangent des objets symboliques – coupes, fleurs – peuvent rarement être identifiés avec certitude, et les datations sont souvent soumises à caution. Néanmoins, la collection David a récemment acquis un portait de couple signé Mohammad Reza Hendi et daté 1749-50, et qui pourrait représenter Reza Qoli Mirza et son épouse Fatima Sultan (Fraser, « Muhammad Riza-i Hindi » 188-190, cat. 1). La réalisation d’un tel portrait sous le règne de Shah Rokh, leur fils, a évidemment un rôle légitimant, mettant en évidence l’existence du double lignage safavide et afsharide qui fonde son droit à régner, souligné dans les sources (Tucker, « Explaining » 96).

Mettre en scène un projet politique : la religion comme support de légitimité

Considérés par nombre de leurs contemporains au mieux comme des pis-aller, au pire comme des usurpateurs, des souverains comme Ashraf ou Nader ne peuvent pourtant se reposer sur une légitimité purement lignagère. C’est donc aussi leurs projets politiques qui fondent leur droit à régner. Ils s’affichent notamment dans les inscriptions qu’ils commandent, et reposent sur trois piliers : l’élection divine, l’universalité et l’adhésion populaire.

L’inscription que fait réaliser Ashraf dans la Grande Mosquée d’Ispahan en 1727 comporte, outre son panégyrique, une longue bande calligraphiée à caractère religieux (fig. 1). Elle loue tout d’abord le prophète, puis l’imam ʿAli, les trois califes Abu Bakr al-Siddiq, ʿOmar al-Faruq, ʿOthman et enfin l’imam Reza, créant un étrange mélange entre figures imamites révérées par les chiites et califes « bien guidés » appréciés par les sunnites. Les figures des trois premiers califes et surtout de ʿOmar sont clivantes. Considéré comme al-faruq, « l’équitable » dans la culture sunnite, ce dernier est particulièrement mal considéré par les chiites, et son meurtre par un esclave persan est célébré chaque année sous les Safavides lors des cérémonies du ʿOmar koshti​ (meurtre de ʿOmar)21. Dans une optique de légitimation, les Afghans se posent en effet en champions de l’orthodoxie sunnite. Mir Vais, le père de Mahmud, qui est à l’origine de la révolte afghane, n’a-t-il pas obtenu lors d’un pèlerinage à La Mecque en 1708, un décret (fatwa) des autorités de la ville sainte l’autorisant à se révolter contre la tutelle persane chiite, considérée comme « hérétique » ? (Tucker, Nadir Shah’s Quest 23) Cette légitimation par le sunnisme apparaît sur les monnaies de Mahmud et Ashraf Shah, qui portent la forme sunnite de la kalima22 (Album pl. 12, nos 214-220) et dans les violences exercées contre certains clercs chiites au moment de la prise de pouvoir (Sefatgol 215). C’est pourtant à un entre-deux que se livre Ashraf en 1727 dans son inscription, valorisant à la fois des figures du sunnisme et du chiisme duodécimain. Il faut peut-être voir dans ce demi-revirement un acte politique de conciliation, visant à la fois à affirmer sa légitimité religieuse sans s’aliéner la population d’Ispahan.

Cette voie médiane est en tout cas assumée par Nader dans son madhhab jaʿfari. Lui aussi n’hésite pas à jouer sur la corde religieuse pour affirmer son pouvoir, en se présentant comme un croyant sincère et un protecteur de l’islam. Paradoxalement, ce n’est pas dans l’inscription du mausolée de Mashhad, mais dans celle, plus tardive, de Kalat, que cet aspect est le mieux mis en valeur, ce qui s’explique par le mûrissement de son projet impérial. Sur vingt-deux vers, seize ont un caractère religieux. Nader y fait acte de foi à la première personne, s’exprimant notamment en ces termes :

Toi qui m’as donné le sultanat et une armée ; toi qui m’as donné la couronne, la ceinture, la pompe et la coiffe. / Tu es le protecteur de mon pouvoir, et j’ai placé mes espoirs en Toi. J’ai déposé ma confiance sincère en Toi et cette croyance est mon soutien. / Puisse Dieu dégrader ceux qui dénient mon autorité ! Puisse-t-il aveugler les ennemis qui ne voient pas le soutien de Dieu ! (d’ap. Gandjeï).

Alors que les souverains afghans et Nader regardent davantage vers le sunnisme pour des raisons politiques, Shah Rokh, lui, se pose en rétablisseur du chiisme. Héritier des Safavides par sa mère, Afsharide attaché au Khorasan par son père, il choisit naturellement le mausolée de Mashhad pour affirmer ce revirement en lui offrant en waqf une grille d’acier (zarih) destinée à protéger la tombe de l’imam Reza. Portant à chaque entrecroisement un décor de pierres précieuses cerclées d’or, probablement prises sur le butin de Delhi qu’il s’est accaparé, l’objet est marqué d’une inscription dédicatoire à son nom et datée 1747-48 (ʿAlemzadeh 89-90). Cet acte de dévotion nettement politique fait écho aux premières monnaies frappées par Shah Rokh après la mort de Nader où le prince se désigne comme le « chien du mausolée de Reza » (kalb-e astan-e Reza), ainsi que dans son sceau, qui porte la mention « de Shah Rokh, pour la religion et l’État safavide » (ze shahrokh bejahat-e din o dowlat-e safavi).

Le projet impérial de Nader

Si l’on en croit Ernest Tucker, le projet impérial de Nader serait né dans les années 1730. D’après lui, le traité de Zohab, signé en décembre 1733, constitue le premier témoignage de l’évolution de Nader sur la question de la légitimité royale, où il développe le concept d’une descendance « turkmène » qui lui offrirait un droit sur le trône ottoman. C’est à partir de cette date que la turcité prend une place centrale dans son système idéologique et qu’il développe un lien symbolique avec les grands conquérants turco-mongols, notamment Timur et Gengis (Nadir Shah’s Quest 37). Comme on l’a vu supra, l’inscription de l’iwan doré de Mashhad, datée de 1732-1733 et 1733-34, semble peu ou prou corroborer cette chronologie, puisqu’elle insiste à la fois sur le caractère ethnique de Nader, désigné comme « Afshar », et sur une légitimité impériale consacrée par la turcité qu’il partage avec l’empereur moghol et le khaqan.

Au retour d’Inde, ce projet impérial s’est exacerbé, et s’exprime pleinement dans le style indianisant utilisé au Kakh-e Khorshid, son mausolée à Kalat (fig. 9). Alors qu’à Mashhad, le tombeau avait été réalisé dans un style persan traditionnel, à Kalat, l’usage d’un grès rouge, le décor sculpté et les motifs trahissent nettement une influence indienne, qui transite à la fois par les personnes – nombreuses sont les sources qui mentionnent la déportation d’artisans indiens23 – et par des éléments matériels, notamment les textiles. Certes, l’indianisme n’est pas nouveau ; il existe avant la période afsharide en Iran, tant dans la peinture que dans le décor architectural et les objets mobiliers, laques ou textiles notamment, au point qu’il est souvent difficile de distinguer productions iraniennes et indiennes. Ce goût continue d’ailleurs d’être exploré sous Nader par des artistes persans, comme en témoignent par exemple un plumier signé ʿAli Ashraf (Smithsonian Institution, S2014.17.19) ou une copie, par un certain ʿAli Qoli, d’une page représentant une pirolle verte (Sotheby’s, 18 avril 2007, lot 28). Mais la voie ici suivie diffère totalement de ces productions destinées aux amateurs lettrés. Styles, techniques et motifs sont différents, quand bien même ils relèvent d’un goût partagé dans l’ensemble du monde islamique pour les décors de fleurs et d’oiseaux. Nader importe donc en Iran un petit morceau d’Inde, qui reste sans équivalent, et qui témoigne des ambitions de celui qui a recouronné de ses mains Mohammad Shah, l’empereur moghol.

Figure 9: Kakh-e Khoshid à Kalat-e Naderi, vers 1160/1747. Image courtesy of Wikimedia commons,
CC BY-SA 3.0, photographié par Hamid Hashemi Pour.

Nader, protecteur du peuple ?

Un dernier aspect de la propagande nadérienne semble avoir jusqu’ici moins attiré l’attention des historiens : le fait que le souverain afshar soit présenté régulièrement dans les sources comme un protecteur des populations. Ce caractère transparaît tout particulièrement dans les textes qui entourent les restaurations et constructions urbaines : ainsi, à Chiraz en 1730-31, dans une ville ravagée par les Afghans, Nader aurait donné, selon une source tardive, un chandelier d’or et mille cinq cents tumans pour la réparation du sanctuaire de Shah Cheragh (Fasai 168 ; Tucker, Nadir Shah 46) ; la même année, il aurait également fait réparer le barrage de Shushtar (Astarabadi, Tarikh-e jahangosha 117 ; Shushtari 88-89). Enfin, en 1735-36, Nader aurait ordonné la reconstruction du barrage de Merv (Astarabadi, Tarikh-e jahangosha 258-259 ; Mervi, vol. 1, 431 ; ʿAbd al-Karim 52-53). Dans les trois cas, peu d’intérêt politique et idéologique s’attache à ces travaux, si ce n’est le besoin d’obtenir une reconnaissance locale. Les ouvrages hydrauliques semblent avoir particulièrement attiré son attention, comme le montrent ses réalisations à Kalat et Mashhad également.

Cet aspect protecteur apparaît aussi nettement dans la glose qui entoure ses réalisations urbaines. La construction de Naderabad, au sud de Qandahar, est liée à des circonstances militaires ; mais celle de Khivabad, actuellement au Turkménistan, est présentée dans les sources comme un acte de charité, puisque la ville est destinée à recueillir des prisonniers persans libérés lors de la campagne du Khwarezm – douze mille selon Mirza Mahdi, trente mille selon Mohammad Kazem Mervi, qui indique qu’« on [leur] fit présent de riches et opulents biens, objets, aliments, bêtes et bestiaux et autres fournitures indispensables aux hommes », afin de créer une « ville agréable et prospère » (Astarabadi, Tarikh-e Jahangosha 359-360 ; Mervi, vol. 1, 16 et II, 825-826 ; Mohammad Safi Tehrani 253-254). ʿAbd al-Karim, peu favorable au pouvoir, a cependant une vision quelque peu différente de la situation ; il précise, plein d’ironie, parlant des prisonniers rapatriés, « les rares qui, mécontents de leurs maîtres, retournèrent dans leur patrie, eurent très vite raison de se repentir de leur folie » (ʿAbd al-Karim 47-48). L’histoire semble donner raison à la seconde version, puisque le site aride et isolé ne semble être resté habité que très peu de temps et était désert un siècle plus tard.

Un écart encore plus net s’observe entre la réalité et les sources officielles sur les raisons qui poussent Nader à édifier Aq Su, la troisième ville créée par Nader pour remplacer Shamakhi à l’automne 1735. Bien qu’elle soit restée plus longtemps habitée que Khivabad, elle semble avoir été placée dans un site peu favorable, et non pour le confort des populations24.

La distorsion entre propagande et réalité est l’un des traits les plus évidents de la stratégie idéologique mise en place par les souverains afghans et afsharides dans leurs commandes artistiques et architecturales. Tous confrontés à un manque de légitimité, ils utilisent des techniques semblables dans un même but : affirmer leur droit au trône. Pour cela, ils investissent le territoire, se mettent en scène dans des cadres rutilants et mettent en valeur aussi bien leur personne que leur lignée.

Ils se posent aussi en rois justes, exhibant dans des inscriptions les qualités souveraines mises en exergue depuis plusieurs siècles dans la littérature, notamment dans les Miroirs des Princes : élection divine, protection de la religion, relation privilégiée avec des figures historiques remarquables, valeur militaire, justice et sagesse. Ainsi, là où la royauté est faible, on s’affiche en « sultan des sultans » et on s’habille de vêtements tissés d’or ; lorsque le pouvoir est saisi par la force, on met en valeur la lignée ; et tandis qu’on dépouille les clercs de leurs prérogatives et les institutions religieuses de leurs waqfs, on se met en scène en élu de Dieu et protecteur de la religion.

Néanmoins, leur stratégie évolue au gré des événements et manque parfois de cohérence. Elle n’atteint pas non plus le même niveau de complexité. Alors que les Afghans, rapidement défaits, ne parviennent pas réellement à s’imposer comme champions du sunnisme et souverains à part entière, Nader, plus heureux dans les armes, est capable de développer une véritable idéologie artistique, sensible aussi bien dans les sources que dans ses réalisations matérielles. Privilégiant souvent l’apparat à l’esthétisme, elle suit un destin personnel aussi bien qu’elle le forge.

Annexe : inscriptions monumentales

1.     Inscription d’Ashraf dans la « madrasa mozaffaride » de la Grande Mosquée d’Ispahan (d’ap. la lecture présentée dans Honarfar, 144-145)

Inscription inférieure (en arabe) :

الحمدلله الذی تفرد بالوحدانیة والبقاء و تقدس عن الامثال والاکفاء و اشهد شهادة صادقة والانباء و نشهد نبیاً بعثه الله رحمة لاهل الارض والسماء صلی الله علیه و علی آله و اصحابه خیرالال و خیرالاصحاب الذین آمنوا و جاهدوا فی سبیل الله سیما علی الامام الذی بمفاخر صدقه یضرب الامثال الموصوف فی القرآن بلتقواو قوی لما ینال خلیفة رسول الله علی التحقیق امیر المؤمنین ابی بکر الصدیق رضی الله عنه و علی الامام الذی یضرب بمآثر عدله الامثال و یمحی عن الاسلام اصول الکفر والضلال خلیفة رسول الله علی التحقیق امیر المؤمنین عمر الفاروق و علی الامام التقی الوقور کالراسیات من الجبال خلیفة رسول الله علی التحقیق امیر المؤمنین عثمان ذی النورین الزکی و علی الامام الکبیر النوال خلیفة رسول الله علی التحقیق امیر المؤمنین علی الرضی السخی الوفی و سلم تسلیماً کتبه علی المولوی فی ۱۱۳۹

Louange à Dieu, l’unique, l’éternel, il n’a ni semblable ni égal. J’en témoigne sincèrement et nous attestons qu’Il a envoyé son Prophète, miséricorde pour les habitants de la terre et du ciel, que la paix et le salut soient sur Lui, sa famille et ses compagnons, la meilleure des famille et les meilleurs des compagnons, ceux qui ont cru et combattu dans le chemin de Dieu, surtout l’imam ʿAli qui est donné en tant qu’exemple par les vertus de sa sincérité et qui est décrit dans le Coran pour sa piété. Bénédiction sur le vicaire du Prophète de Dieu, le prince des croyants, Abu Bakr al-Siddiq, que Dieu l’agrée ; ainsi que sur l’imam, exemple de justice, qui a purifié l’islam de toute sorte d’infidélité et d’égarement, le vicaire du Prophète de Dieu et certainement le prince des croyants, ʿOmar al-Faruq ; et sur l’imam pieux ; le décent, à l’instar des montagnes culminantes, le vicaire du Prophète de Dieu, le prince des croyants, ʿOsman, l’homme au deux lumières, le bon ; et sur l’imam de grande générosité, le vicaire du Prophète de Dieu, le prince des croyants, ʿAli al-Reza, le généreux, le fidèle, avec les salutations. Écrit par ʿAli al-Mowlavi en 1139.

 

Inscription supérieure, cartouches sur fond bleu (en arabe) :

Selon l’ordre du sultan, khaqān de son temps

Celui dont la majesté n’a pas d’égal en Iran

Celui dont le nom est Ashraf, « sultan des sultans »

Celui qui a submergé le peuple de ses dons

Il a illuminé les serviteurs par sa beauté

En édifiant cette grande mosquée

Il est le généreux, aux faveurs parfaites et bien connues

À la demande du serviteur Zaʿfaran et

À la charge de Yaʿqub Khan

Dépassant ses semblables par ses aptitudes

Écrit par l’humble Mehr ʿAli al-Mowlavi 1139.

لقد امر السلطان خاقان عصره

و من فاق فی ایران عز  جلاله

و اشرف سلطان السلاطین اسمه

و منه استفاض الناس حسن نواله

افاض علی العباد فیض جماله

بتعمیر هذا المسجد الجامع الذی

هو الفاضل المعروف فضل كماله

بتغیب مولی زعفران و انه

تصدی له یعقوب خان وانه

یفوق علی الاقران حسن خصاله

کتبه الفقیر مهر علی المولوی ۱۱۳۹

Inscription supérieure, cartouches quadrilobés sur fond marron (en persan, répété deux fois) :

De l’ami sincère, les lumières de la vérité

De [l’homme] clairvoyant, les mystères de la justice

Du possesseur des lumières, la faveur et la lumière de la miséricorde

Des lumières de ʿAli, l’amour de la sainteté

ز صدیق است انوار صداقت

ز فاروق است اسرار عدالت

ز ذی النورین فیض و نور رحمت

ز انوار علی حب ولایت

2.     Inscription de Nader dans l’iwan doré de Mashhad (en persan)

Cette inscription a été lue par Percy Sykes (1135) et par l’Astan-e Qods-e Razavi. Mohammad-ʿAli Karimzadeh Tabrizi a aussi publié une lecture de la ligne de signature aujourd’hui disparue (II, 904-905, no 1072). Nous proposons quelques amendements.

بر در صحنش چو زائر از صداقت جبهه سا است

حبذا از این منظر عالی که فردوس برین‏ ‏

1

و از فضایش عالم انوار در کسب ضیا است

آسمان زین آستان فیض سعادت میبرد ‏

2

دیده‏ی سیاه را مانند ثابت توتیاست

چشم انجم روشن از گرد و غبار درگهش‏

3

دیده امید چون کشکول در دست گداست

شهر یاران را از این ایوان کیوان روز و شب‏ ‏

4

شکل خورشیدی عیان اینجا زهر خشت طلاست

ماه را از مهر می‏بخشد ضیا آئینه‏اش‏

5

آشیان مرغ آمین است یا دست دعاست

‏ رسته از صحن جنان گلدسته‏ای زرین مهر

6

کز فروغ آن منور تا ابد صحن سماست

یا فروزان مشعل نوری است در دست زمین‏

7

مغفرت در جستجوی و معصیت در دست و پاست

جان فدای روضه‏ کز فضل رب العالمین‏

8

رستن گلهای عفو از تخم عصیان جابه جاست

فیض رحمت بین کز اندک اشک در یکطرفه عین‏ ‏

9

کز غلامان در سلطان علی موسی رضاست

کرد تجدید بنا این جا سکندر طالعی‏

10

آن که در هر کار امیدش بتوفیق خداست‏

‏ کلب درگاه امیرالمؤمنین نادر قلی25

11

نیت صافش بحق از روز اول آشناست

والی ملک خراسان آنکه از اخلاص و صدق‏

12

بر کفش مانند نرگس متصل جام طلاست

دید تا فیض نظر از ساقی کوثر مدام‏

13

بر تمامی خلق ایران تا قیامت فخرهاست

هم زفیض نسبت او در جهان افشار را26

14

این طلا را هر که دست افشار میگوید رواست

چون ز دست جود او اینجا بمصرف میرسد ‏

15

فتنه و آشوبها ساکن27 بکنج انزواست

تاج‏بخش عرصه عالم که از شمشیر او

16

رای هند و قیصر و خاقان بمحنت مبتلاست

‏ آن که از چنین جبین و قهرمان صولتش‏

17

در حقیقت حامی شرع مبین مصطفیست

کشکر اوزین اخطاب غیب کاصحاب شد (؟)28

18

 دزد را رنگی نباشد گر همه دزد حناست

شحنه عدلش 29در آن ملکی که شبگیری کند

19

شیر و آموراز عدل او بیک مرتع چراست

اخواه میش از کرکان بود در عهد او

20

صفه و گلدسته صحن مقدس از طلاست30

در قزلباشی علم تا کشته شخص همتش‏

21

باد باقی تا اثر از گردش دوران31 بپاست

شد بتوفیق خدا ایوان و گلدسته تمام‏

22

دمبدم زان صفه و ایوان هویدا صد صفاست

از زبان کعبه گفتم بهر تاریخش ندیم‏

23

فی شهور سنة خمس و اربعین و مائة و الف ۱١۴۵

کتبه محمد علی بن سلیمان الرضوی غفر الله ذنوبهما

24

و کتبه ثلث و نستعلیق که در این ایوان زرنشان عالی بخط این بنده عاصی محّمد علی الرضوی است قطّاعی آن بید اهتمتم محمّد طاهر ولد استاد مسیح شیرازی به اتمام رسید ١١۴۶

disparu

1.     Louée soit cette vue magnifique, cette cour devant laquelle même le sublime paradis est tel un pèlerin en admiration posant le front par terre.

2.     Le ciel est rempli de bonheur au contact de ce mausolée et le monde des lumières obtient de la lumière de ce lieu.

3.     Les yeux des étoiles brillent au contact de la poussière de ce lieu, comme un maquillage ‏ augmente la noirceur de l’œil.

4.     Jour et nuit, les fidèles placent leur espoir en cet iwan, comme un mendiant qui tend son bol et espère. ‏

5.     Son reflet donne son éclat à la lune et dans chaque brique dorée se distingue la forme du soleil.

6.     Le minaret doré comme le soleil qui s’élève dans cette cour paradisiaque, c’est le nid de l’oiseau Amin ou les bras [qui s’élèvent] en prière.

7.     Ou encore une torche dans des mains de terre, dont la lumière illumine éternellement la cour céleste.   

8.     Vouées soient les âmes à ce mausolée car grâce à Dieu, la bénédiction est en chemin et le péché s’éloigne.

9.     Vois la grâce de Dieu qui, une larme au coin de l’œil, fait pousser les fleurs du Pardon à partir des graines de péché. ‏

10.  Eskandar Talei a fondé ici cet édifice, lui l’esclave de Sultan ʿAli Musa al-Reza.

11.  Celui qui place son l’espoir en Dieu pour toute chose est le chien d’Amir al-Mu’menin, Nader Qoli.

12.  Le seigneur (vali malek) du Khorasan, pur et loyal. Sa pure intention est connue de tous depuis le premier jour.

13.  Les yeux ont la faveur de voir l’échanson de la source éternelle de Kawsar, qui tient dans sa main un verre en or tel un narcisse.

14.  De même, grâce à sa présence dans le monde, lui l’Afshar, tout le peuple d’Iran connaît l’honneur jusqu’à la fin du Monde.

15.  Il a enrichi ce lieu de sa main généreuse. On dit que cet or coule de sa main et c’est bien vrai.

16.  Lui qui porte la souveraineté du Monde, face à son sabre, les rebellions et les conflits se terrent.

17.  Face à son visage et sa présence héroïques, ni l’Inde, ni l’empereur des Roums, ni le khaqan n’ont de mot à dire.

18.  Il a été choisi par l’au-delà et en vérité, il est le protecteur de la loi manifeste de Mohammad.

19.  Quand dans ce royaume, ses gardiens de la justice font leur ronde, un voleur ne peut rien, et tous les voleurs sont dans l’embarras.

20.  À son époque, les brebis et les loups sont frères et grâce à sa justice, le lion et les bêtes sont sur le même pâturage.

21.  Les soldats de sciences se sont sacrifiés (?). L’estrade (sofeh) et le minaret de la cour sainte sont en or.

22.  Grâce à Dieu, l’iwan et le minaret ont été achevés, et jusqu’à fin des jours, le vent y soufflera.

23.  Dans la langue de la Kaʿba, j’ai dit que celui qui fréquente ce lieu, voit cent merveilles dans sa cour et son iwan.

24.  Écrit par Mohammad ʿAli ibn Soleiman al-Razavi, que Dieu lui pardonne ses péchés, en l’année mil cent quarante-cinq 1145.

Les écritures en thuluth et nastaʿliq qui ont été réalisées dans ce magnifique iwan doré sont de l’esclave pécheur Mohammad ʿAli al-Razavi, et sa découpe a été permise par les efforts de Mohammad Taher fils de ostad Masih Shirazi, achevé en 1146.

Inscription de Nader à Kalat-e Naderi (katibeh-ye naderi) d’après Gandjeï (en turc)32

بسم الله الرحمن الرحیم

ابتدا حمد خدای احد فرد قدیم

قادر لمیزل و عالم و دانا و حکیم

او که بو کون و مکانی یارادوب قدرتدن

او که هر[/ بو] بحر و بری خلق ایلیوب [/ ایدوب] شوکندن

ایکی عالمده او [در/ دور ؟] بنده لره یاور و یار

حکمتندن کورونور بنده لره هر آثار

خلق عالم هامی محتاج دراول در کاهه

او ویروب [/ وروب] نور وضیا کوکبه مهر و ماهه

حمد حقدن صونکره اولدی قلمم نور افشان

بثنا کستری ختم رسل فخر جهان

نبی [...] ایل احمد محمود [...]

کیم خدادن (؟) اوله دایم اونکا صلوات (؟) و سلام

آل و اصحابنه هم رحمت بسیار اوله

اوله حق یاوری هر کیم اولاره یار اوله

حمد حق نعت نبی دن صونکره با صدق زجان

فرض در بنده لره مدح شهنشاه جهان

اول شهنشاه فلک مرتبه و چرخ سریر

شاه نادر که ادی تک اونکا یوق مثل و نظیر

دیمک اولمز او[بو] شهنشاه که [ار مه ؟] پیغمبر

 یا مقرب ملکی دور (؟) اولوب از نوع بشر

لیک چون قدرت حق ظاهر [/فائز] ایدوب بیش ازبیش

مظهر حق اونا هر کیمسه دیسه حقی دیمیش

نسبت ایله (؟) شرف وفحر اوجاق تیمور

حسبت ایله بجهان شاه شهان در مشهور

مصطفی خلق و مسیحا دم و یوسف طلعت

بو علی دانش و حاتم کف و لقمان حکمت

قابلیتله اونکا ویردی [/ وردی] خداوند کریم

تاج و تخت شهی و عدل و کرم خلق عظیم

هر [/میر] شرافت که دیسم شاه شهان در کامل

هر جهتدن [/ مر حمتدن] اونکا الطاف خدادر شامل

اعتقادی بویورور اول شه پاکیزه نهاد

باقلمیش صدق خداونده ایدرلر بیله یاد

اله کیرمز بیله دولت بسپاه و شمشیر

اوله بیلمز بیله اقبال بعقل [/بفضل] و تدبیر

سن ویروب سن بکا (؟) بو سلطنت و سپاه

سن ویروب سن بکا تاج و کمرو فر و کلاه

دولتم حافظی سن سن سنکا در امیدوم

من سنکا باقلمیشم صدق بو در تایبوم

دولتم منکرینی سن ایله (؟) یک [...] و ذلیل

دشمنیم کورلوقنه یاور اول ای رب جلیل

چونکه صدقی بیله در حقنه از روی یقین

بو سببدن اونکا الطاف خدا اولدی معین

النی دوتدی خداوند (؟) جهان قدرتدن

کامیاب ایتدی اونی معدلت و شوکتدن

بخت و اقبال ایله هیچ کیم بیله اولمز باقی (؟)

کون کیمی [/کیبی /کسی ؟] دولت عالم روشن طاقی (؟)

شاخ کل نشو (؟) و نما بولسه نم فیضندن

که بواشعار اولوب (؟) مدح سرا کلبندن

Basmala

Tout d’abord loué soit Dieu l’unique, le Premier en tout, l’Omnipotent, l’Eternel, l’Omniscient et le Sage.

Lui dont la Puissance a créé ce monde et l’espace, Lui dont la Majesté a donné vie à toutes les mers et à toutes les terres.

Dans les deux mondes Il est Celui qui aide et l’ami de ses serviteurs. Toute création devient manifeste à Ses serviteurs par Sa sagesse.

Tous les peuples de la terre ont besoin de son Seuil. Il a donné lumière et splendeur aux étoiles, au soleil et à la lune.

Après avoir loué Dieu, mon calame a été illuminé par l’eulogie du Sceau des Prophètes, la gloire du monde.

Le Prophète […] de la tribu d’Ahmad Mahmud […], celui qui est pour Dieu, sur lui le salut et la paix.

Et puisse sa Divine miséricorde être avec sa famille et ses compagnons, puisse Dieu aider quiconque les aide.

Après avoir loué Dieu et fait l’eulogie du Prophète, avec franchise et sincérité, il incombe aux serviteurs de faire le panégyrique du roi des rois du monde.

Le roi des rois, dont le rang est aussi haut que le firmament, et les cieux forment le trône, Nader Shah, qui, comme son nom, est sans égal ni pair.

Mais puisqu’il a démontré la puissance de Dieu plus que quiconque avant lui, qui l’appelle la manifestation de Dieu dit la vérité.

Par son sang glorieux, il vient de la souche de Timur, et par sa famille et sa race, il est renommé dans le monde en tant que roi des rois.

Il a le sens moral du Prophète, le souffle de Jésus, et l’apparence de Joseph, la connaissance de ʿAli, la générosité de Hatam et la sagesse de Loqman.

Dieu le Généreux lui a offert, en raison de ses capacités, la couronne royale et le trône, la justice, la générosité et un tempérament noble.

Quelle que soit la noblesse que je pourrais mentionner, il est parfait. En tous points, les faveurs divines l’entourent.

Ce roi aux pures dispositions, ayant investi Dieu de toute sa confiance, fait acte de sa croyance comme suit :

« Cette fortune ne peut être obtenue par la flèche ou l’épée. Une telle félicité ne peut être rendue possible que par la sagesse ou la clairvoyance »

« Toi qui m’as donné le sultanat et une armée. Toi qui m’as donné la couronne, la ceinture, la pompe et la coiffe »

« Tu es le protecteur de mon pouvoir, et j’ai placé mes espoirs en Toi. J’ai déposé ma confiance sincère en Toi et cette croyance est mon soutien ».

Puisse Dieu dégrader ceux qui dénient mon autorité ! Puisse-t-Il aveugler les ennemis qui ne voient pas le support de Dieu ».

[…]

et pour cette raison, les faveurs de Dieu l’ont aidé.

Car c’est certain, il croit en Dieu, et c’est pour cela que Dieu lui a accordé son soutien et ses faveurs.

Par son pouvoir, Dieu l’a soutenu dans sa suprême position et sa noblesse, Dieu lui a donné ses succès.

Par chance, nul ne sera éternel, l’univers ne restera pas un arc brillant comme le soleil.

Si la tige d’une fleur reçoit la moisissure de Ta faveur, ces poèmes seront tout entiers Ton éloge, pour mon compte, Ta très humble créature.

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Notes

1Dans un récent article, Ernest Tucker est revenu sur ces différentes composantes d’une « idée de l’Iran » s’éloignant de celle des Safavides. Il y met en avant une construction idéologique en quatre temps : avant la prise de pouvoir par Nader, au moment de son couronnement à Moghan, au moment de la conquête indienne et enfin au concile de Najaf (“Nader Shah’s Idea of Iran”).
2Les souverains afghans appartiennent à la dynastie Hotaki, qui dirige la tribu des Ghilzai à partir de Qandahar. Nader, quant à lui, appartient à la tribu turque des Afshar, et met en place la dynastie afsharide.
3L’iwan est une forme architecturale qui tire ses origines de l’architecture iranienne préislamique. Il s’agit d’une vaste salle voûtée, ouverte sur un côté par un grand arc.
4Nader y frappe un monnayage spécifique, anonyme (Album XIX).
5Même s’il s’agit d’un topos littéraire, il faut probablement entendre ici « ottoman ».
6Le terme de khaqan peut s’appliquer à différents souverains turcs ou chinois, mais il s’agit peut-être d’une référence aux Khans d’Asie centrale, auxquels Nader s’est trouvé confronté quelques années plus tard lors de la campagne du Turkestan, au retour de l’Inde.
7Shah Tahmasp Ier et Shah ʿAbbas avaient tous deux ordonné la dorure du dôme et du minaret de Tahmasp (Ringgenberg 33-34).
8Voir aussi les deux cartes du camp de Naderabad : Harvard Map collection, digital maps, hollis ID 009704844, http://nrs.harvard.edu/urn-3:FHCL:595242 ; Stockholm, Bibliothèque nationale de Suède, KoB E 50 nr 616 (Arne 1947).
9Citons, pour les diamants, le kuh-e nur et le darya-ye nur, pour les rubis le rubis timur, ou ʿayn al-nur.
10Le kolah-e naderi est un couvre-chef à quatre pointes inventé par Nader, porté essentiellement par les dignitaires afsharides, ainsi qu’à la cour d’Ahmad Shah Dorrani jusqu’au début du XIXe siècle. On le retrouve occasionnellement sur des peintures qajares, témoignant sans doute de l’appartenance de son porteur à la tribu afshare.
11Janet O’Brien considère aussi cette débauche de bijoux comme une représentation, littérale et symbolique, de la « luminosité de la gloire divine (farr) de Nader) » (65).
12Dans sa traduction, Bournoutian propose que la cavité ait été dans la coupole, ce qui semble moins logique, à moins que l’édicule ait été conçu comme un réservoir (Abraham de Crète 45).
13Nous remercions vivement René Bondoux pour la traduction de ce passage.
14Mirza Mahdi mentionne trois lieux qui auraient fait l’objet d’attentions de la part de Nader : Khesht, Gard et Qushchi. Il parle notamment de palais en bois et en torchis, comparant l’usage de la paille à de l’or. Ses descriptions, très littéraires, ne correspondent pas aux restes présents à Khesht : des pans de murs en moellons. Des restes de bâtiments sont visibles à la photographie satellite sur plusieurs autres endroits du plateau, notamment au sud du village de Garu, mais nécessiteraient des investigations archéologiques pour vérifier leur nature et leur datation. (Astarabadi, Dorreh-ye Nadereh 530-534).
15Krusiński évoque le personnage en utilisant lui aussi le terme de « sorcellerie » (II 249-250). Il semble qu’un culte se soit développé autour du tombeau.
16Shah Rokh, qui a 13 ans au moment de l’assassinat de Nader et du début de la compilation de l’Album, pourrait avoir été son commanditaire ou son destinataire. A. Botchkareva, soulignant le caractère impérial de l’iconographie, estime que l’album aurait pu être une commande de Nader pour Shah Rokh, mais les dix marges datées les plus anciennes remontent à 1747-48, soit de l’année même de la mort de Nader, qui a lieu le 11 jomada II, soit en milieu d’année et une est datée 1748-49. Deux ou trois pages portent la date de 1751-52, puis l’essentiel des marges ont été réalisées entre 1755-56 et 1758-59. Il pourrait s’agir d’une commande de Shah Rokh lui-même, ou de l’un de ses partisans, qui aurait été interrompue lorsque celui-ci a été privé de la vue en mars 1750. L’ouvrage aurait alors été repris par Mirza Mahdi Astarabadi, qui l’aurait doté d’une reliure plus ancienne, prise dans ses propres collections et portant son nom. L’état d’inachèvement de l’ouvrage s’expliquerait par le décès de Mirza Mahdi, dont les traces se perdent en 1758-59 ou 1759-60 (Lockhart, Nadir Shah 294 ; Perry).
1721-22 avril 1980, lot 90.
18Plusieurs portraits de dignitaires anonymes portant le kolah-e naderi sont également présents dans les collections : British Museum, 1974,0617,0,3.20 et .68 ; Golestan, 1637, fol. 24 ; Genève, Musée d’art et d’histoire, 1971-107/106 ; Christie’s, 28 avril 1998, lot 113. On peut de la même manière mettre en doute l’identification à Nader du personnage recevant un ambassadeur ottoman sur la page publiée dans l’exposition Royal Persian Painting (Diba et Ekhtiar 142, cat. 21), qui pourrait être un haut dignitaire plutôt que le souverain en personne.
19Christie’s, 10 octobre 2006, lot 141.
20Cambridge, Harvard Art Museums, 1960.76 et 1960.77 ; Sotheby’s, 22 mai 1986, lot 175. Certains portraits féminins étaient aussi peut-être conçus avec un pendant masculin : Christie’s, 10 octobre 2000, lot 95 ; New York, Metropolitan Museum of Art, 30.95.174.32.
21Sur le rituel de malédiction des trois premiers califes (sabb et laʿn) mis en place sous les Safavides, voir Algar. Cette célébration est par la suite l’un des points évoqués au concile de Najaf et sur lesquels Nader accepte de transiger pour permettre la mise en place de son madhhab jaʿ fari (Nadir Shah’s Quest 87-89).
22La kalima est une formule rappelant l’unicité de Dieu : « Il n’y a de dieu que Dieu et Mohammad est son prophète ». Les chiites ajoutent ensuite la mention « et ʿ Ali est l’ami de Dieu ».
23Reza Shabani propose un relevé quasi exhaustif des sources, notamment indiennes, dans son commentaire du Tarikh-e Nadershahi (Mohammad Safi Tehrani et Shabani 354-358).
24Comparer notamment le récit du Tarikh-e Jahangosha, favorable à Nader, qui évoque un lieu « impropre » et difficile à défendre (247), et ceux de Abraham de Crète (108-109), Vatatzès (217) et Hanway (I, 387 et IV, 115-116), qui évoquent une destruction de la ville de Shamakhi par Nader dans un moment de fureur, et une construction de Aq Su dans un lieu peu propice.
25Autre possibilité : کلب درگاه علی امیرالمؤمنین نادر
26Astan-e Qods : هم زیمن فیض او اندر جهان افشار را
27Astan-e Qods : پنهان
28Sykes : شکر اوزین خطاب غیب کزاصحاب شد ; Astan-e Qods : کشگر او را خطاب از غیب شد اصحاب دین
29Astan-e Qods : عالم
30Sykes : صفه و گلدست صحن مقدس را طلاست‏ ; Astan-e Qods : صفه و گلدسته و صحن و مقدس زو طلاست
31Sykes : دورای
32Traduction de Gandjeï, revue par l’auteure avec l’aide de Rafi Khankhajeh

About the author

A graduate of the École du Louvre, Mélisande Bizoirre first took an interest in the techniques and history of Qajar tiles. In 2020 she defended her doctoral thesis entitled "The Axe and the Nightingale. Artistic productions in Iran after the fall of Isfahan (1135/1722-1163/1750)" under the supervision of Yves Porter (Aix-Marseille University/LA3M). Her dissertation proposes a census of monuments, ornamented manuscripts and artifacts dating back to the Afghan and Afsharid eras and questions the notion of the period in through the lens of Islamic art history.

Currently working at the French National Library, she teaches the history of Islamic arts at the École du Louvre and the Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO) in Paris. Her research focuses on Iranian art during the late modern period (17th-19th centuries).